mardi 16 février 2016

HERBE

HERBE

Version française – HERBE – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après la version italienne de Stanislava
d’une chanson tchèque – TrávaKarel Kryl – 1965



 je porte au revers du manteau une rose noire ;
C’est pour les files de mutilés, pour ces morts là-bas dans les bambous.




Une chanson écrite par Kryl pendant son service militaire. On la présente comme une chanson contre la guerre en général, mais selon moi, dans la première strophe se trouve même une référence concrète à la guerre en Vietnam qui était en cours dans ces années-là ; y me fait penser l’image des « morti là dietro il canneto » [Comme on le verra la version française dit « là-bas dans les bambous » rejoignant sans barguigner l’avis de l'auteure de la version italienne]. Rákosí est une plante semblable à la canne de bambou qui est devenue une métaphore pour les Vietnamiens (peut-être seulement en tchèque ? ? ? je ne le sais pas…), apparemment justement aux temps de la guerre : certains la font remonter aux chapeaux ou aux maisons faites de ces plantes, d’autres soutiennent que les soldats vietnamiens se cachaient parmi les cannes de « rákosí ». « Rákosník » est une dénomination courante même de nos jours, malheureusement de manière péjorative, vis-àvis de la nombreuse communauté vietnamienne présente en République Tchèque. Dans ce texte évidemment le mot n’a aucune valeur négative, au contraire.

Je n’ai pas trouvé sur le Net de confirmation de mon hypothèse ; de toute façon, je ne saurais pas autrement pourquoi Kryl avait utilisé l’expression « mrtví za rákosím », si ce n’est avec ce signifié – mais je n’entends pas le moins du monde poser des limites à la licence poétique de Karel Kryl, ainsi je laisse décider celui qui lit… (Stanislava)




L’herbe est la seule à demander pourquoi je ne ris plus du tout ,
l’herbe est la seule à demander pourquoi j’ai perdu l’espoir
Et pourquoi maintenant au lieu de fleurs d’arnica, je porte au revers du manteau une rose noire ;
C’est pour les files de mutilés, pour ces morts là-bas dans les bambous.

L’herbe est la seule à demander si je jetterai ces vers,
L’herbe est la seule à demander pourquoi je ne viens plus de ce côté,
Pourquoi maintenant au lieu de feuilles de trèfle, j’arrache mes rêves du carnet vert.
C’est seulement à cause d’un morceau d’acier créé pour tuer.


Le vent chantonne cette chanson monotone,

Sous un pommier, la pluie mouille les pierres en silence.

L’herbe est la seule à demander pourquoi 

je me recroqueville parmi les tiges,
L’herbe est la seule à demander pourquoi 
j’ai les yeux pleins de larmes.
C’était seulement une petite note de musique, 
plantée dans un pot de fleurs,
D’où m’est poussée une balle de plomb : c’est ce pour quoi je pleure,
Pourquoi je pleure, pourquoi je pleure, pourquoi je pleure…