samedi 29 juin 2013

LA GUERRE

ou À la guerre comme à la guerre...


Chanson française – Maurice Fanon – 1968
Paroles : Maurice Fanon. Musique : Gérard Jouannest (1968)



Ah Lucien l'âne mon ami, tu me vois tout réjoui et je vois que tu te demandes bien pourquoi je fais cette tête-là.


En effet, en effet... Tu as l'air d'un enfant qui vient de trouver une bille... ou d'un entomologiste qui trouve une araignée inconnue...


C'est un peu ça, d'ailleurs. Moi qui croyais connaître les chansons de Maurice Fanon... et de fait, je le connais depuis longtemps, trop sans doute... je viens de découvrir une petite merveille et en plus, une chanson contre la guerre... Imagine. Donc, je trouve une vidéo où Fanon chanterait une chanson intitulée La Guerre. Je connais mon Fanon et même si je n'ai jamais entendu cette chanson, je sais d'avance qu'elle sera antiguerrière et antimilitaire. Je l'écoute et bien sûr, tout cela se confirme. Reste alors à trouver le texte... Et là... Impossible. Je viens donc de la transcrire et c'est cette transcription que tu pourras lire, si le cœur t'en dit.


Bien sûr que je vais l'écouter et la lire...


Mais je te préviens tout de suite, ce n'est pas là une chanson à ne pas mettre entre toutes les oreilles, bien au contraire... Bien au contraire, c'est le genre de chanson qu'il convient de faire connaître en la double raison de son contenu et de sa qualité. Mais je te préviens, comme on dit par ci, « c'est du fort toubac » (tabac). C'est une chanson de haute lignée, faite d'une poésie précise et acide, mais d'une extraordinaire beauté. Comme d'autres chansons de Fanon, elle parle de la Guerre de 40, mais ce qu'elle raconte s'appliquait aussi bien à celle de 1870 ou de 1914. Comme d'ailleurs, elle s'applique à toutes les guerres : on part toujours vainqueur, sauf rarissimes exceptions, et – là il n'y a pas d'exception, on revient assez abîmé...


Oui, il faut bien se dire que c'est comme ça... j'ai d'ailleurs comme l'impression qu'elle raconte un peu la même histoire que les « Souvenirs napoléoniens », chanson que tu avais écrite... [[9210]] ou il y a ce couplet :
« Il n’y avait pas beaucoup de différence
Entre les Français victorieux qui allaient vers l’est
Et les mêmes qui revenaient vaincus vers l'ouest.
Sous peu, les mêmes passeraient
Pour la troisième fois le Rhin en vainqueurs
Et puis des années après, repasseraient
Pour la quatrième fois perdants... ».

À la guerre comme à la guerre, reprenons notre tâche et tissons très pacifiquement le linceul de ce vieux monde guerrier, armé, militaire, inconscient, délirant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je les ai vus dans leur gloire
Le cœur lourd et le regard las
Les soldats de la victoire
















Je les ai vus sur nos routes
Le casque lourd et le fusil bas
Les soldats que la déroute
Avait mis deux fois au pas
Une fois pour faire la route
Dans le sens où l'on vaincra
Et la refaire goutte à goutte
Comme le sang qui s'en va

Ça commence toujours comme ça la guerre
Quand on part, on a toujours vingt ans
Ça finit toujours comme ça la guerre
Quand on revient, on a tous cent ans


J'en ai vu de haute souche
En casoar de gants blancs
Se faire tuer comme des mouches
Pour une croix de bois blanc
J'en ai vu d'autres sans cartouches
Ouvriers et paysans
Se mettre un doigt dans la bouche
Et pleurer comme des enfants

Ça commence toujours comme ça la guerre
Avec une rose entre les dents
Ça finit toujours comme ça la guerre
Avec un fusil et rien dedans

Je les ai vus dans leur gloire
Le cœur lourd et le regard las
Les soldats de la victoire
Abîmés de haut en bas
Je les ai vus et je doute
Si vous n'avez pas vu ça
Si vous savez ce que coûte
À la guerre un seul combat.

Ça commence toujours comme ça la guerre
Soldats de plomb et fusils de bois blanc
Ça finit souvent comme ça la guerre
Jambe de bois avec du plomb dedans
Ah, la guerre, la guerre comme à la guerre
C'est peut-être ça l'art militaire
Ah, la guerre, la guerre comme à la guerre

Sûrement pas celui d'être grand-père.