LA
GUERRE
ou
À la guerre comme à la guerre...
Chanson
française – Maurice Fanon – 1968
Paroles
: Maurice Fanon. Musique : Gérard Jouannest (1968)
Ah
Lucien l'âne mon ami, tu me vois tout réjoui et je vois que tu te
demandes bien pourquoi je fais cette tête-là.
En
effet, en effet... Tu as l'air d'un enfant qui vient de trouver une
bille... ou d'un entomologiste qui trouve une araignée inconnue...
C'est
un peu ça, d'ailleurs. Moi qui croyais connaître les chansons de
Maurice Fanon... et de fait, je le connais depuis longtemps, trop
sans doute... je viens de découvrir une petite merveille et en plus,
une chanson contre la guerre... Imagine. Donc, je trouve une vidéo
où Fanon chanterait une chanson intitulée La Guerre. Je connais mon
Fanon et même si je n'ai jamais entendu cette chanson, je sais
d'avance qu'elle sera antiguerrière et antimilitaire. Je l'écoute
et bien sûr, tout cela se confirme. Reste alors à trouver le
texte... Et là... Impossible. Je viens donc de la transcrire et
c'est cette transcription que tu pourras lire, si le cœur t'en dit.
Bien
sûr que je vais l'écouter et la lire...
Mais
je te préviens tout de suite, ce n'est pas là une chanson à ne pas
mettre entre toutes les oreilles, bien au contraire... Bien au
contraire, c'est le genre de chanson qu'il convient de faire
connaître en la double raison de son contenu et de sa qualité. Mais
je te préviens, comme on dit par ci, « c'est du fort toubac »
(tabac). C'est une chanson de haute lignée, faite d'une poésie
précise et acide, mais d'une extraordinaire beauté. Comme d'autres
chansons de Fanon, elle parle de la Guerre de 40, mais ce qu'elle
raconte s'appliquait aussi bien à celle de 1870 ou de 1914. Comme
d'ailleurs, elle s'applique à toutes les guerres : on part toujours
vainqueur, sauf rarissimes exceptions, et – là il n'y a pas
d'exception, on revient assez abîmé...
Oui,
il faut bien se dire que c'est comme ça... j'ai d'ailleurs comme
l'impression qu'elle raconte un peu la même histoire que les «
Souvenirs napoléoniens », chanson que tu avais écrite... [[9210]]
ou il y a ce couplet :
«
Il n’y avait pas beaucoup de différence
Entre
les Français victorieux qui allaient vers l’est
Et
les mêmes qui revenaient vaincus vers l'ouest.
Sous
peu, les mêmes passeraient
Pour
la troisième fois le Rhin en vainqueurs
Et
puis des années après, repasseraient
Pour
la quatrième fois perdants... ».
À
la guerre comme à la guerre, reprenons notre tâche et tissons très
pacifiquement le linceul de ce vieux monde guerrier, armé,
militaire, inconscient, délirant et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je les ai vus dans leur gloire
Le cœur lourd et le regard las
Les soldats de la victoire
|
Je
les ai vus sur nos routes
Le
casque lourd et le fusil bas
Les
soldats que la déroute
Avait
mis deux fois au pas
Une
fois pour faire la route
Dans
le sens où l'on vaincra
Et
la refaire goutte à goutte
Comme
le sang qui s'en va
Ça
commence toujours comme ça la guerre
Quand
on part, on a toujours vingt ans
Ça
finit toujours comme ça la guerre
Quand
on revient, on a tous cent ans
J'en
ai vu de haute souche
En
casoar de gants blancs
Se
faire tuer comme des mouches
Pour
une croix de bois blanc
J'en
ai vu d'autres sans cartouches
Ouvriers
et paysans
Se
mettre un doigt dans la bouche
Et
pleurer comme des enfants
Ça
commence toujours comme ça la guerre
Avec
une rose entre les dents
Ça
finit toujours comme ça la guerre
Avec
un fusil et rien dedans
Je
les ai vus dans leur gloire
Le
cœur lourd et le regard las
Les
soldats de la victoire
Abîmés
de haut en bas
Je
les ai vus et je doute
Si
vous n'avez pas vu ça
Si
vous savez ce que coûte
À
la guerre un seul combat.
Ça
commence toujours comme ça la guerre
Soldats
de plomb et fusils de bois blanc
Ça
finit souvent comme ça la guerre
Jambe
de bois avec du plomb dedans
Ah,
la guerre, la guerre comme à la guerre
C'est
peut-être ça l'art militaire
Ah,
la guerre, la guerre comme à la guerre
Sûrement
pas celui d'être grand-père.