mardi 15 août 2017

GIORDANO BRUNO

GIORDANO BRUNO

Version française – GIORDANO BRUNO – Marco Valdo M.I. – 2017

Chanson italienne – Giordano BrunoRocco Rosignoli – 2015

les lointaines vapeurs
De son frère, ce volcan napolitain
Qui illuminait mes peurs.



Giordano Bruno est assurément un personnage fascinant, on en avait déjà parlé dans une autre chanson italienne qui portait le même titre . Mais il me semble, Lucien l’âne mon ami que tu l’avais en son temps rencontré, si ma mémoire ne me trompe pas.

Certes, Marco Valdo M.I. mon ami, tu as raison sur toute la ligne ; c’est quasiment un sans-faute. J’ai, en effet, rencontré le Nolan sur les routes de ses exils d’abord quand il fut de Naples vers Rome et quand il fut de Rome vers Venise ; nous avons longé ensemble les Apennins, puis de Ligurie en Piémont, revenant dans la Plaine padane, on s’en fut à Venise. Déjà à ce moment, Bruno avait rejeté l’habit de Dominique. Plus tard, il fit un tour d’Europe : on le vit à Chambéry, à Genève, à Lyon, à Toulouse, à Paris, à Londres, à Oxford, à Wittenberg, à Francfort, à Zurich. Il bougeait beaucoup et comme tu peux le voir à la lecture, il fréquenta des lieux suspects d’hérésie. C’était curiosité du monde, comme il me le disait lui-même lors de ces interminables marches où je l’accompagnais. Finalement, il commit l’erreur fatale de rentrer en Italie.

Fatale, dit Marco Valdo M.I., et naïve, pour ne pas dire, téméraire, car il avait sous-estimé la hargne et la vindicte de l’Église et de la Papauté. Il s’était cru hors d’atteinte à Venise, mais la République, où déjà la raison d’État étouffait la raison, le remit aux sbires du Pape. Une fois entre leurs serres, il était perdu. L’Église clamant sa magnanimité et sa clémence, essaya de le faire revenir sur ses opinions, de désavouer sa libre pensée – trop spéculative, trop scientifique et trop sujette à l’immanence pour les gardiens des dogmes. Imagine, Lucien l’âne mon ami, que ce penseur avait jeté aux orties la cosmologie de Ptolémée et la Terre, comme centre du monde, qu’il avait adopté la cosmologie de Copernic en faisant de la même Terre un simple planète de l’astre solaire et il avait poussé au-delà des conclusions de Copernic. Le pire, c’est qu’il l’enseignait et qu’il l’écrivait. L’eût-il gardé pour lui, le pape aurait pu faire semblant de ne pas le savoir et de l’oublier. Mais il avait une conception du monde qui voyait l’Infini, l’Univers et les Mondes – toutes choses indicibles ; il voyait d’innombrables soleils, un monde infini de Terres, un espace qui s’étendait où le ciel en tant que tel n’existait plus. Le Ciel, il mettait le ciel hors-jeu et ajoute à tout ça qu’il envisageait sans frémir d’autres mondes habités, mieux ou pires que le nôtre, avec des êtres, mieux ou pires que nous. Tout ça soulevait des questions subsidiaires : quid de la Création ? Et des récits sacrés ?, dont la réponse était redoutable. Et puis, sans doute pire encore, il donnait le primat à l’intellect, à la raison, à l’intelligence sur la croyance et la foi. Décidément, si j’avais été Pape, j’aurais décrété que cet hérétique était vraiment impardonnable.

Pour moi, Marco Valdo M.I., mon ami, comme tu le sais et je suis persuadé que c’est ton cas pareillement, je me tamponne le coquillard de ce que pense ou ne pense pas tel Dieu ou telle Église ou tel ou tel prélat et tant qu’il garde ses ruminations pour lui, grand bien lui fasse. La seule chose que je relève dans cette histoire de Bruno est cette incroyable malveillance qui a frappé – au travers de Bruno – la libre pensée, la liberté de pensée et le libre discours. Ce qui me révulse, c’est la chape de plomb que les religions et les religieux font peser sur le monde et les vivants. C’est là un des aspects de la Guerre de Cent Mille Ans qu’on oublie un peu trop souvent de souligner.

Je te rejoins totalement sur ce point, Lucien l’âne mon ami. La question est pourquoi, pour quelles raisons veulent-ils étouffer la liberté de penser, la libre pensée ? À mon sens, si on veut la supprimer, l’éradiquer, et cela dans tous les domaines, c’est tout simplement, car elle est le premier révélateur de l’iniquité du monde ; c’est tout simplement, car elle est le moyen par le quel on découvre et on comprend comment et pourquoi les riches font la guerre aux pauvres. Et comprendre ça, c’est commencer à se révolter et à s’appliquer à ne plus accepter le monde tel qu’il est, tel que les riches et les puissants aimeraient qu’il soit et qu’il reste.

Et, justement, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est ce que toi et moi, nous nous efforçons de faire en tissant le linceul de ce vieux monde cupide, avide, ambitieux, mortel, crédule et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Par les Mondes des ciels infinis ,
Par les Terres infinies, j’ai traversé
Au pas de course ma vie
Cherchant cette sérénité que j’ai esquivée.

Des villes qui renaissaient de signes,
De flammes que l’esprit fomentait
Que des hommes crucifiés, impies et indignes,
dans le dogme, la pensée il emprisonnait,

Et mes mots comme un pari
Qu’on ne peut plus remanger, une fois dit.
Une marque sur ma peau dénonce
Les jours de prisons qu’ici, je décompte.

Puis, il y eut Venise et la lagune calme,
Qui me piégea comme un rat
Entre les épices et la soie.
Après, ce fut un tonnerre qui éclate.

Comme un éclair éclatant, pourtant ce sont huit ans,
Ce furent huit ans, qui en valaient cent
Et ils me demandaient compte de mes boniments ;
Mais quand je parle, jamais je ne mens.

Campo dei Fiori, Champ des fleurs, on dirait un jour de fête,
Un champ de flammes où mes cris se sont tus.
Je ne pense pas à ce que je laisse ou à ce qui reste,
Je ne demande pas ce que pense qui me tue.

Je ne pense pas à cette croix que j’ai devant moi,
Tandis que mon corps cuit et mon gras coule,
Comme cela arriva à d’autres, à tant d’autres,
Qui, comme moi, avaient fauté par la parole.

Mercure me vole de son aile,
Revient ma pensée au léger vent
De la montagne au nom de Cigale,
Qui, enfant, m’ombrageait quand

Tendant le doux raisin à ma main,
Elle m’indiquait les lointaines vapeurs
De son frère, ce volcan napolitain
Qui illuminait mes peurs.

Montagne de feu, tas de braises
Et laisse-moi froid, et la Cigale enserre
Mes derniers baisers à ta pierre
Alors que me vole l’aile de Mercure.