LES HÉROS
Version
française – LES HÉROS – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson
italienne – Gli
eroi – Collettivo
Víctor Jara – 1979 (?)
Le Héros
Cohen le Barbare |
Dialogue
Maïeutique
« Les
Héros », dit Lucien l’âne, je les connais depuis
longtemps ; d’ailleurs, j’en suis un moi-même, mais sans
doute pas du genre de héros dont parle la chanson.
Certes,
Lucien l’âne mon ami, tu fais bien de le remarquer, car, en effet,
il y a héros et héros, des héros de toutes conditions et de tous
âges.
C’est
bien là, la question, dit Lucien l’âne. Qu’est-ce qu’un
héros ? Ou de quel héros parle-ton ? De façon générale,
on considère comme un héros quelqu’un qui d’une manière ou
d’une autre est auréolé d’une gloire, même minime, même
quasi-imperceptible. A fortiori, si cette gloire est grande ou
immense. Quand on pense aux héros, on voit tout de suite surgir
Ulysse, Hector ou Agamemnon, Don Quichotte, Hamlet, Roland ou Cohen
le Barbare. Il y a tant de héros qu’une telle énumération serait
fastidieuse, sinon carrément impossible.
Oui,
ajoute Marco Valdo M.I., d’autant plus qu’on n’a même pas
pensé à ces dames. Alors, en effet, de quels héros parle-t-on dans
la chanson ? Donc, il s’agit du héros au sens le plus commun,
du héros guerrier, du héros massacreur, celui pour qui « la
raison du plus fort est toujours la meilleure », celui qui
entend sortir vainqueur de la confrontation, celui assomme la
concurrence, le paranoïaque par excellence.
À
moins que ce soit l’excellence paranoïaque, dit Lucien l’âne.
Bref, le héros unidimensionnel est
une
réplique
exacte de l’homme
unidimensionnel
dont Herbert Marcuse fit le portrait, il y a déjà 50 ans, est ce
héros sans cervelle et dont même l’histoire et la préhistoire
sont parsemées des cadavres.
Exactement,
dit Marco Valdo M.I., c’est précisément le thème de la chanson
que de faire l’histoire de ce géant de l’imbécillité au
travers des temps, des plus immémoriaux au temps présent. C’est
une chanson parfumée aux senteurs de l’ironie, trempée dans la
soude comique, baignée d’acide folklorique et de lucidité
sarcastique. On peut aisément s’en rendre compte à la fin de la
chanson quand elle dit :
« À
présent il est paré, il veut dominer le monde
Avec
son armée la plus puissante, la plus grande. »
et
sa conclusion est sans fard :
« Les
héros sont les pires criminels. »
Oui,
dit Lucien l’âne, l’inconvénient avec le héros, je parle du
héros de son plein gré, du héros né de l’ambition de l’être,
celui qui se veut tel, celui qui est atteint de cette étrange folie,
de cette impotente idiotie, c’est qu’il est tellement dopé de
soi qu’il est un danger de première grandeur pour son entourage,
pour tout ce qu’il contrôle et quand il arrive accéder au
pouvoir, il a fortement tendance à en abuser. Et plus il monte haut
à l’arbre de la célébrité, plus on voit ses failles, mais
aussi, plus il devient mégalomane, plus sa démence se révèle et
plus grandit le danger pour ceux qu’il entend dominer.
Je
te comprends très bien, Lucien l’âne mon ami, je comprends très
bien ce que tu essaies de dire sans trop dévoiler la couronne du Roi
des Cons, celui
dont Brassens chantait les mérites perpétuels dans « Le
Roi ».
C’est
utile, car actuellement, le jeu de cons n’est pas terminé et les
concurrents sont nombreux à vouloir atteindre la première place du
classement – à tous les niveaux. En somme, il faut bien s’en
pénétrer, on n’est pas sorti de cet asile d’aliénés.
Je
le pense aussi, répond Lucien l’âne, et je ne vois pas comment y
arriver. Le héros est une hydre très résiliente. C’est une
figure centrale de la
Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux
pauvres et aux plus faibles afin d’asseoir leur domination, de
renforcer leur pouvoir, d’étendre leurs privilèges et de
multiplier leurs richesses, si possible à l’infini. Enfin, c’est
une raison de plus pour tisser – encore et toujours – le linceul
de ce vieux monde paranoïaque, aveugle, respectueux, sourd,
héroïque, imbécile et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Voici l’origine du combat historique :
Il y eut la question de la possession
Entre un homme à mains nues et un avec un bâton.
Ainsi naquit au nom du progrès l’homme héroïque.
Vive l’intelligence et son héros !
S’armant d’une massue, le vaincu se relève,
Se relance l’attaque à moitié nu ;
L’autre riposte et l’arrête,
Grâce à l’accessoire utile qu’est son écu.
Vive la technique et son héros !
Avec sa grande détermination, son écu et sa masse,
Il s’élance pour s’ouvrir un nouveau passage ;
L’autre sans rien dire sort du feuillage.
Et ricanant, de son arc, il le menace.
Vive la balistique et son héros !
Avec son arc, son écu et sa masse, l’imbécile
Attaque encore, il s’y casse la figure,
Brisant ses flèches contre le fer qui protège
Notre héros enferré dans sa bonne armure.
Vive le lansquenet et le héros !
Ce héros exceptionnel, armé de belle manière,
Conquit la France, l’Espagne et les pays avoisinants.
Armé jusqu’aux dents, il pesait lourdement
Sur la peau du paysan sans défense.
Il profite pendant 20 ans, sans soucis.
Cette fois-ci, il va le payer cher.
La poudre noire l’envoie en l’air :
En trois minutes, il est occis.
Vive
la Renaissance et le héros !
Et avec elle, menace d’exécutions sommaires.
Par malheur, il ignore les techniques récentes :
Le fusil à répétition et la carabine Winchester.
À bas les Peaux Rouges ! Vive le Colt et le héros !
Exaspéré et secoué, rouge de rage,
En un éclair, il fait un beau canon,
Mais l’autre, diabolique, tel un orage,
Le fulmine du haut de son avion.
Vive la Luftwaffe et son héros !
À présent il est paré, il veut dominer le monde
Avec son armée la plus puissante, la plus grande,
Paré pour la vengeance, mais du ciel tombe une bombe
Trois… deux… un… zéro ! Fiiiiiii… Pum ! Ah !
Un grand champignon, une forte chaleur, et puis, plus un chat.
Le héros ne s’y trompe pas, c’est la technique importe.
Il crée des armes mortelles
Pour semer la mort par la technique la plus forte.
Les héros sont les pires criminels.
Le héros ne s’y trompe pas, c’est la technique importe.
Il crée des armes mortelles
Pour semer la mort par la technique la plus forte.
Les héros sont les pires criminels.