lundi 20 janvier 2014

NOUS DE LA VALSUSA

NOUS DE LA VALSUSA


Version française - NOUS DE LA VALSUSA – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson italienne – Quelli della Valsusa – Mariano Goitre – 2006



NOUS SOMMES TOUS DE LA VALSUSA







Tu vois, Lucien l'âne mon ami, j'ai traduit cette canzone en priorité afin de pouvoir insérer la traduction de la lettre de ces gens prisonniers pour avoir voulu sauver leur montagne. Et puis, comme tu le sais, dans la chasse aux sorcières, je suis toujours du côté des sorcières.


Moi aussi, dit Lucien l'âne en tapant de son sabot noir la pierre bleue. Moi aussi, je suis du côté des sorcières. Tu as bien fait de la traduire cette canzone et surtout aussi, la lettre de ces camarades emprisonnés... et je me souviens bien que tu avais fait pareil pour le livre « Achtung Banditen ! » qui racontait l'histoire de Marco Camenisch lequel menait un combat analogue, il y a déjà bien longtemps. Un livre que tu avais traduit et que tu avais inséré dans un de tes blogs [http://marcovaldo.over-blog.com/]. Combat analogue contre les pénétrations destructives des montagnes, mais aussi un combat pour les conditions dans lesquelles on détient les prisonniers et spécialement, ceux qui osent affronter à visage découvert l'ordre établi. Tu avais même traduit un deuxième livre au titre similaire, le « Achtung Banditen ! », qui racontait lui l'histoire de ces résistants qui avaient fait sauter à la nitro un régiment SS à la via Rasella en plein milieu de Rome. Comme tu avais fait ici-même avec le cycle du Cahier Ligné et les 104 chansons racontant l'histoire de ce blessé-prisonnier...tiré du Quaderno a Cancelli de Carlo Levi, qui vers 1935 – sous le fascisme – fut lui aussi prisonnier dans les prisons de Turin. À mon sens, il y a un lien entre tous ces événements...


C'est exact sur toute la ligne. Carlo Levi a en effet fait deux séjours dans les prisons de Turin, mais aussi de Rome et de Florence en raison de sa résistance au fascisme. Je suggère que certains relisent son livre : « Paura della libertà »... Pour Marco Camenisch, je te signale qu'à ma connaissance, il est toujours en prison en Suisse ; vingt-cinq ans de prison et c'est pas fini ; on rejette tous ses recours, même quand il démontre que les balles de la Justice ne peuvent avoir été tirées par son arme. Quant au lien, c'est celui de la résistance à la domestication de l'humaine nation – Ora e sempre : Resistenza ! Enfin, le combat des NO Tav nous concerne aussi... D'autant plus que la ligne Tav contre laquelle ils se battent ne circule pas qu'en Italie, tout comme la montagne ne s'arrête pas à la frontière... Ce combat intéresse les deux côtés de la montagne et bien au-delà, toute l'Europe. Dès lors, leur combat – à ceux de la Valsusa, est celui tous ceux qui refusent que l'on fasse des travaux et des constructions pharaoniques et dispendieuses au détriment de l'avenir-même de nos régions... et aux frais des populations. Que l'on réduise toutes les lignes dites « secondaires » si utiles aux gens ou qu'on ne les entretienne plus afin de créer les lignes ultra-rapides et ultra-chères pour le confort des riches...


Tu as raison, c'est encore une fois un épisode de la guerre que les riches font aux pauvres, cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants imposent aux pauvres afin d'accroître leurs richesses (qui va gagner à ces chantiers mirobolants ? Qui gagne sur la fabrication et l'exploitation de ces trains dispendieux?), de multiplier leurs privilèges (à qui vont servir ces trains de luxe?), d'étendre leur imperium et leur domination, d'imposer leurs lois... Alors, nous avons encore pas mal de travail devant nous à tisser le linceul de ce vieux monde égocentrique, privilégié, richissime, destructeur, inconscient, malhonnête et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




PRISONNIERS No Tav

Lettre de Niccolò, Claudio e Mattia de la prison de Turin
tirée du blog des Anarchistes de Pistoie.



Le texte qui suit a été écrit par Niccolò, Mattia et Claudio, arrêtés le 9 décembre dernier, en même temps que Chiara. Les trois camarades, bien qu'isolés du reste des détenus, ont la possibilité de se rencontrer quotidiennement (Claudio et Niccolò partagent la même cellule et ils se voient avec Mattia pendant les heures d'air et de socialité). Par contre, Chiara est dans un isolement presque absolu depuis maintenant plus d'un mois, vu que dans la section où elle se trouve, il n'y a pas d'autres prisonnières en régime de Haute Surveillance. La censure à laquelle est subordonnée toute leur correspondance provoque de considérables retards à la poste en entrée et en sortie et ainsi c'est seulement maintenant qu'il est possible rendre public ce texte écrit il y a presque un mois.

C'est hier que la nouvelle selon laquelle le Tribunal du Réexamen a rejeté toutes les requêtes de la défense, y compris celle de déclasser les faits de terrorisme. En séance, les Pm Padalino et Rinaudo ont réexigé que le caractère terroriste des délits contestés aux camarades ne soit réduit, pas plus que les modalités plus ou moins violentes de l'action contre le chantier du mai passé, étant donné le contexte global à l'intérieur duquel elle s'insère : l'opposition à la réalisation de la ligne Turin-Lyon. Ce qui préoccupe réellement le procureur turinois et tout le Parti du Tav (Train à Grande Vitesse), c'est la lutte qui dure maintenant depuis vingt ans contre le train rapide, la tentative de donner réalité à ce Non autour duquel le mouvement s'est développé.


La lettre sortie de prison

« Il est à peine quatre heures de l'après-midi et le soleil tombe derrière l'imposante chaufferie métallique, pendant dans le lointain, on entrevoit les premières montagnes de la vallée et l'imagination complète les contours du Musiné. Nous sommes enfermés ici depuis 10 jours, mais notre pensée voyage encore loin…

Que le procureur de Turin préparait quelque chose de gros, même les pierres le savaient. On le comprenait en raison du crescendo des dénonciations contre le mouvement, mais en raison surtout de cet intense travail de propagande par lequel les enquêteurs, les mass media et les politiciens ont cherché de briser la résistance Non tav sous ce mot magique qui permet tout : « terrorisme ». Pendant des mois entiers, ils n'ont rien dit d'autre, dans une mantra répétée de façon obsédante destiné à appeler une répression féroce

Finalement, ils ont pris certains des nombreux épisodes de lutte de cet été sur lesquels cette suggestion imaginaire pouvait trouver prise et ils les ont faussés et pliés à leur vision du monde faite de militaires et de paramilitaires, de hiérarchies, de contrôle et de violence aveugle.
Ils ont fait ainsi pour justifier les perquisitions de fin juillet, ainsi ils font maintenant pour justifier nos arrestations.

Mais il y a un abîme entre ce qu'ils prétendent voir en nous et ce que réellement nous sommes.
Il ne nous intéresse pas de savoir qui dans cette nuit de mai s'est effectivement aventuré parmi les bois de la Clarea pour saboter le chantier – cela n'intéresse probablement même pas les enquêteurs. Ce qu'ils veulent est avoir aujourd'hui quelqu'un entre leurs mains pour faire peser la menace d'années de prison sur le mouvement et sur la résistance active, pour arriver tranquilles et sans plus être dérangés à l’ouverture du chantier de Susa.

Ils veulent que les personnes restent chez elles à regarder du balcon le projet qui avance.
Pourtant ces personnes ont déjà les moyens pour se interposer ; nous avons appris à bloquer lorsque tous ensemble on criait « Non pasaran » et à passer à coups de masse lorsque le ciment du jersey nous barrait la route ; nous avons appris à regarder loin lorsque l'horizon se remplissait de gaz et à relever la tête quand tout semblait perdu.

Ce n'est pas la terreur qu'ils sèment à des pleines mains qui ruinera les récoltes futures de cette longue lutte. Il faudra continuer à construire des lieux et des moments de rencontre pour s'échanger des idées et des informations, pour lancer des propositions et pour être prêts à retourner sur les routes et au milieu des bois.
Le soir tombe aux Vallette, mais à part l'obscurité, il n'y a pas de grande différence avec le matin, vu que le blindage de la cellule reste fermé jour et nuit sans arrêt : haute sécurité !

Par rapport aux Nuovi Giunti, c'est beaucoup de plus calme et plus propre, mais l'absence de contact humain nous affaiblit.
La pagaille des blocs B, C ou F (à part l'isolement auquel est forcée Chiara) est pleine des histoires et des expériences de vie avec lesquelles se pétrir, dans lesquelles trouver de complicité et solidarité. Déjà le mois passé, Niccolò, arrêté fin octobre pour une autre procédure, a pu constater comme l'écho de la lutte contre le Tav est parvenu jusque dans les prisons et représente pour beaucoup le courage de ceux qui ont cessé de subir les décisions d'un état accablant.

Pour nous, forcés à l'isolement dans une section aseptique, il est vital de refuser la ségrégation et la séparation des détenus : nous sommes tous des « communs ».
Pour ces raisons aussi, ce serait bien si à l'intérieur du mouvement on développait un raisonnement et une réflexion sur et contre la prison.
La plupart des gardes des Vallette vivent ici, dans de grands immeubles à l'intérieur des murs ; eux, ils ne se libéreront jamais de la prison.

Pour cela dans cette section, ils nous traitent poliment, ils ne s'abaisseront pas pour faire rapport sur ordre d'un supérieur lorsque nous déciderons de lutter pour quelque motif.
Alors, avec les souvenirs que nous gardons fermement, nous ferons faisons prendre conscience à ces « porte-clés » de la limitation de leurs horizons.
« Avez-vous jamais vu la mer s'étendre au milieu des bois dans un bel après-midi de juillet, et se lancer contre les clôtures d'un chantier ? »
« Vous avez jamais senti la chaleur humaine de tout âge se serrer épaule à épaule pendant que les boucliers avancent, l'asphalte de l'autoroute se liquéfie et les petits chemins se remplissent de fumée ? »
« Vous avez jamais vu un serpent sans tête ni queue ou une pluie d'étoiles au cœur d'une nuit de milieu de l'été ? »
Nous si, et on n'en est pas encore rassasiés.
La route est longue, il y aura des instants exaltants et des raclées sensationnelles, on fera des pas en avant et d'autres en arrière, nous apprendrons de nos erreurs.
Pour l'instant nous regardons notre prison et ce n'est pas facile, mais si « la Valsusa n'a pas peur », nous ne pouvons certes pas faire moins.





Nous sommes les gens de cette région
Nous sommes des frères sur le sol libre
Nous sommes de la Valsusa et nous avons un beau rêve au coeur
Nous sommes de la Valsusa et ce rêve nous parle d'amour.
De la Sacra aux Rocciamelone
De la plaine aux pentes escarpées
Nous, nous sommes gens sans prétentions
Mais personne ne devra nous trahir !

Nous voulons que tous les gens
Soient libérés des puissants
Nous sommes de la Valsusa, nous luttons avec honneur
Nous sommes de la Valsusa, ici éclot une très belle fleur.
Dans les étés ensoleillés aux rencontres
Dans les nuits gelées à Venaus
À tous nous avons montré


Qu'on peut encore espérer, Putain con !
Dans la lutte nous nous sommes trouvés
Plus frères et plus unis que jamais
Nous sommes de la Valsusa, sur nous on pourra compter
Nous sommes de la Valsusa, nous ne trahirons jamais
Nous ferons de cette vallée
Un jardin pour qui le voudra
Dans le respect de la création
Ici n'importe qui pourra venir !
Il n'y a pas seulement le profit
Sans scrupules et sans pitié
Et les gens de la Valsusa sauront le montrer au monde
Nous sommes de la Valsusa, notre rêve est la LIBERTÉ !