Bonheur
et Misère du Déserteur
Chanson
française – Bonheur et Misère du Déserteur – Marco Valdo M.I.
– 2020
ARLEQUIN
AMOUREUX – 42
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
Les
armées du ciel au combat
Pieter
Brueghel – 1564
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Dialogue
Maïeutique
Je
vois,
Lucien l’âne, à ton œil de basalte tout
frétillant que tu es une fois encore perturbé par ce titre qui
peut-être ne te dit rien ou sans doute, te rappelle quelque chose,
comme un titre ancien.
C’est
ça, en effet, répond Lucien l’âne, c’est la sensation que je
ressens et je sens mon cerveau qui tourne à plein rendement comme
s’il savait qu’il lui suffit de sasser et de ressasser pour
retrouver l’origine de ce sentiment ; mais pour faire court,
dis-moi quoi.
Figure-toi,
Lucien l’âne
mon ami, que j’ai eu la même sensation en composant ce titre «
Bonheur
et Misère du Déserteur » et
après avoir sassé et ressasser, il m’est apparu qu’il s’agit
d’une réminiscence de Balzac ; oui, du brave et
pantagruélique Honoré de Balzac et de son roman, en quatre tomes,
« Splendeurs
et misères des courtisanes ».
Au
passage, disons que Balzac n’a quasiment fait que ça dans sa vie,
des romans, des romans, des romans, tant de romans, de quoi remplir
une bibliothèque à lui tout seul ; enfin, on peut même y
ajouter ses hétéronymes et tous ses autres écrits ; mais de
Balzac je n’en dirai pas plus, tant il est gigantesque ; c’est
une encyclopédie ; il faudrait y consacrer sa vie et je n’en
ai pas le temps ; lui-même d’ailleurs ne l’avait pas).
Je
l’ai entendu dire, dit Lucien l’âne. Il paraît qu’il
carburait au café. Mais , je t’en prie, poursuis.
Dans
le fond, c’était juste un clin d’œil
à cet homme qui était lui aussi un fuyard, un fugitif, mais d’un
autre genre que l’Arlequin déserteur, quoique. Quoique, s’il a
fui toute sa vie adulte les créanciers, sautant d’une résidence à
une autre, il a fui aussi son obligation de servir dans la Garde
nationale, ce qui en fait un déserteur. D’ailleurs, la Garde
nationale le rattrapa et le mit en prison. Heureusement pour lui, ce
n’était pas une
période de guerre ouverte.
En
voilà assez, dit Lucien l’âne. Si je te laissais courir, tu nous
assommerais tous de ces fragments biographiques ; qu’importe
si Balzac se cachait sous la Veuve Durand, parle-moi de la chanson et
de ce fuyard d’Arlequin amoureux.
Ah,
Lucien l’âne, je t’avoue que je fuyais moi aussi devant la
complexité des choses. À mon sens, il suffit de lire la chanson
après avoir lu toutes celles qui la précèdent ; tout est
clair quand on prend le temps de regarder. Cependant, je te concède
qu’elle peut aussi – qu’elle doit aussi – valoir par
elle-même.
Alors,
dit Lucien l’âne, tenons-nous en là ; ce sera déjà
beaucoup.
Soit,
reprend Marco Valdo M.I., au début, Matthias – car c’est sa voix
qu’on entend, sa voix intérieure et un peu plus tard, celle de
Barbora ; bref, il dialogue – tient un discours sur
l’inaccessible liberté.
« Pour
nous, il n’y a de liberté nulle part !
Où
que mes yeux regardent, nulle part ! »
En
fait, je soupçonne qu’il parle de la Tchécoslovaquie de la fin
des années soixante, dont l’horizon était bouché par la
domination soviétique et même, plus traditionnellement, russe ;
même, si elle fut antérieurement, autrichienne. Il ne faut pas
perdre de vue cette manière de lire l’Arlequin amoureux. C’est
la clé de toute cette histoire. Tout comme, à mon sens, doit l’être
Barbora. Elle parle dès lors aussi de la Bohême au temps de
François Ier
d’Autriche ou peut-être également, en d’autres temps. Elle est
transhistorique et transnationale, car notre Arlequin fugueur est
lui-même la
figure de tous les réfugiés et de tous les fuyards du monde qui
dans la
Guerre de Cent Mille Ans
rassemblent dispersés un peuple considérable. L’Amérique ou
l’Australie, par exemple et pour l’essentiel, sont remplies de
fuyards, de gens qui fuyaient la misère et les guerres.
Et,
dit Lucien l’âne, il en arrive toujours, de tous lieux de tous
bords et je ne vois pas que ça va ralentir – là et ailleurs dans
le monde. Le monde fuit de partout.
Pourtant,
je pense que même s’il
y a encore tant de choses à dire de cette chanson, comme
pour Balzac et comme souvent, je me dois de ne
rien dire de plus. Ici,
dans ce petit monde de
« Bonheur et Misère du Déserteur »
même le ciel n’est pas une limite.
Certainement,
répond Lucien l’âne, on n’en finirait pas et
de ce fait, tu ne ferais plus rien d’autre. Je ne peux donc que
t’approuver. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde fugueur,
fuyant, fugitif, fuyard,
inhospitalier, bondé et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Pour
nous, il n’y a de liberté nulle part !
Où
que mes yeux regardent, nulle part !
Que
faire ? Que faire ? C’est plein de militaires.
Chut !
Vous allez réveiller les vers de terre.
Et
il n’y aura jamais de liberté ?
Il
ne faut pas trop y compter.
À
supposer qu’elle sorte de terre
Ou
qu’ils rentrent dans leurs chaumières.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Saleté
d’exode, errance et aberrance.
Se
priver, mais survivre pourtant,
Se
nourrir de vent et de sentences.
Oh,
Barbora ! Où es-tu maintenant ?
Ici,
viens vite, ils nous font souffrir,
Ils
traitent le petit de bâtard et moi pire.
Qui ?
Qui ? Ce sont les soldats du ciel.
Quoi ?
Quoi ? Le service éternel ?
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Je
viens juste de trouver le bonheur.
Oh
Barbora, je ne sais pas mourir,
Souviens-toi,
je suis déserteur,
Fuir,
il nous faudra encore fuir !
Le
bétail crève, les gens ont faim ;
Les
prix volent toujours plus haut.
On
arrête le meneur de la révolte du grain ;
Ivre,
il raconte la bataille de Marengo.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
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