dimanche 9 novembre 2014

LA TERRE EST RONDE

LA TERRE EST RONDE


Version française – LA TERRE EST RONDE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson allemande – Die Welt ist rund – Erich Kästner – 1929 




ERICH KÄSTNER (1927)


D'abord, Lucien l'âne mon ami, je te rappelle à toutes fins utiles que ne connaissant véritablement que le français, toutes les versions que je donne de chansons ou de poèmes venant de n'importe quelle autre langue sont ce que j'ai pu comprendre de l'original et deviennent par le fait-même une recréation à partir de… Il peut donc y avoir certains décalages; bref, j'arrange le monde à ma façon : pour le sens, je fais ce que je peux, je me reconstruis un univers peuplé de ces arrangements, à la manière des peintres qui donnent une représentation du monde… dont le spectateur doit se contenter. Et je suis le premier spectateur. Cela dit, la chanson de Kästner ainsi retravaillée devrait bien te plaire. Elle s'intitule « Die Welt is rund », ce que j'ai intitulé en français : « La Terre est ronde ».


Ce que l'on sait depuis la plus haute Antiquité, dit Lucien l'âne en se dandinant. D'ailleurs, je peux te confirmer la chose, moi qui l'ai parcourue dans bien des sens.



Ainsi, la terre est ronde… J'aurais en respectant le sens strict dire : « Le Monde est rond », je le dis au dernier couplet. Sans doute avais-je dans l'oreille des bribes d'autres chansons. D'abord, la Valse Jaune de Boris Vian :

« Et le soleil
De l'autre côté du monde
Danse une valse blonde
Avec la terre ronde, ronde, ronde, ronde »

et Léo Ferré chantait quelque chose d'approchant dans Les Amoureux du Havre. Il y était question de la terre ronde, mais il n'en tirait pas les mêmes conclusions.

Oh oui, dit Lucien l'âne en riant, je m'en souviens de cette rengaine et qui plaisait bien aux jeunes personnes. Elle était d'ailleurs faite pour ça :

« Je t'aime tu m'aimes on s'aimera
Jusqu'à la fin du monde
Puisque la terre est ronde
Mon amour t'en fais pas ».
Mais tu disais que celle d'Erich Kästner était d'une autre teinture…


D'une autre teinture, d'une autre texture, d'une autre voilure, d'une autre envergure… En fait, elle est assez acerbe. Acerbe et terriblement ironique. À se demander d'ailleurs si finalement – en dépit du fait que Kästner n'était pas, vraiment pas un pessimiste, ni un homme à baisser les bras et que dès lors, même s'il considérait et il le considère ainsi ici, que ce vieux monde exécrable devait disparaître afin de laisser place à un monde meilleur…

Si finalement, quoi ?, dit Lucien l'âne. Je suis un peu perdu dans ta phrase à rallonge.

Si finalement, l'élimination, l'auto-élimination de l'humanité ne serait pas – volens, nolens – le destin qui l'attend vraiment et un destin souhaitable. Et dès lors, la chanson de Kästner qui dit :
« Alors, il n'y aurait plus d'hommes
Alors, la vie serait agréable.
Comme les merles et les violettes riraient alors !  »
J'ajouterais : comme les ânes… comme tous les animaux, toutes les plantes… riraient et reprendraient vie joyeusement.
Donc, cette chanson est à double tir : écrite en 1929, elle prévient déjà la catastrophe du Reich de Mille Ans et par delà, elle a de furieux penchants écologistes.


Comme quoi, il importe que nous continuions à tisser (nous aussi, comme Erich Kästner) le linceul de ce vieux monde roublard, menteur, tueur, idiot et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



La Terre est ronde. Comme elle est là.
Elle n'a ni devant ni derrière.
Nous qui avons vu le monde par derrière,
Nous avons vu ce visage-là.

Certes, il y a le rêve et le clair de lune
Et quelque part aussi une petite ville
C'est égal. Car cela doit être ainsi
Et quand on meurt, c'est fini.

L'homme devient rond, directeur et abonné.
Le dimanche, il porte frac et buse.
Et s'il ne veut pas te respecter
Alors frappe-le dans la gueule.

Il est stupide. Qu'il le soit est compris.
Par le plus sot, par le plus dégourdi.
Dès demain dans le service de sécurité
Il tutoiera Schulz et Krüger.

Il prend souvent ses femmes la nuit près de soi
C'est si banal. Et il appelle ça libre choix.
Ça ne coûte pas. De mépriser les hommes.
Et même quand le monde est habité, il est vide.

Dans le sud, il y a des jardins de cyprès
Là, le poitrinaire se remet.
Celui qui ne fait rien, n'obtient rien à manger.
À quatre kilos, les enfants normaux retrouvent la santé.

Il ne faut pas trop souvent être poussé
À cracher au visage des autres personnes
Il ne vaut pas la peine généralement de s'en occuper.
Ils ne sont pas mauvais. Ils ne sont qu'ordinaires.

Oui, si le monde était carré !
Et tous les idiots dans la cuvette noyés !
Alors, il n'y aurait plus d'hommes
Alors, la vie serait agréable.

Comme les merles et les violettes riraient alors !
Mais le monde reste rond. Et tu restes un imbécile.
Ça ne vaut pas la peine. Massacrer les hommes.
Prends une corde. Et donne-toi la mort !