La
Vendeuse d’Amour
Chanson
française – La
Vendeuse d’Amour –
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
76
Opéra-récit
en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La
Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses
d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et
ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III,
XXXV)
Dialogue
Maïeutique
La
Vendeuse d’Amour, vois-tu Lucien l’âne, mon ami, aurait aussi
bien s’appeler la marchande d’amour. Quoique quand j’y repense,
ce ne serait pas tout à fait la même chose et il y manquerait
certaine allusion.
Que
de mystère, Marco Valdo M.I. mon ami, dans ce que tu racontes. Si tu
voulais m’expliquer ton explication, je finirais peut-être par
comprendre et j’en serais fort content. Je n’aime pas toute cette
ambiguïté ; c’est trop vague et ça me perturbe. Donc,
pourquoi appelle-t-on cette personne une vendeuse d’amour ? Je
suppose qu’elle ne vend pas des putti, de petits amours en plâtre.
En quoi une telle vendeuse et une marchande d’amour se
distinguent-elles ? Par exemple, je vois très bien ce que sont
des marchands de sommeil et je sais faire la différence avec les
marchands de sable. Et puis, à quelle allusion alludes-tu ?
Ainsi,
Lucien l’âne mon ami, je te réponds. Elle et vendeuse d’amour,
car en bonne et folle fille, elle vend de la tendresse, de l’émotion
et de la sensation à qui lui demande et peut payer ce service.
Elle
ne vend donc pas de l’amour ?, dit Lucien l’âne en clignant
des yeux.
Bof,
c’est métaphorique, répond Marco Valdo M.I. et de toute façon,
qui sait ce qu’est l’amour ? C’est assez évanescent selon
qui en parle et dans quelles circonstances. L’amour est un concept
vague qui recouvre mille choses et aucune. C’est un animal
difficilement saisissable. Pour en revenir à la question, la
marchande d’amour fait à peu près la même chose que la vendeuse,
mais elle le fait faire par ses vendeuses. En somme, la marchande
d’amour tient le commerce, l’établissement et emploie du
personnel. On pourrait faire la même distinction entre la marchande
et la vendeuse de chaussures ou de vêtements ou de n’importe quoi.
Si
j’ai compris, dit Lucien l’âne, toutes deux exercent le commerce
de l’amour tarifié en maison. L’une est la maquerelle, l’autre
une des hôtesses d’accueil, accessoirement confidente et masseuse
légère. Soit ! Cependant, il manque toujours la réponse pour
le plus intriguant quelle est cette allusive allusion à laquelle tu
alludais tout à l’heure ?
Cesse
s’il se peut s’il te plaît ces allitérations désastreuses qui
sentent ces serpents qui sifflent sans cesse, Lucien l’âne mon
ami. L’allusion en question a toue son importance, mais elle vaut
également pour les deux catégories : vendeuse et patronne. Ce
à quoi j’alludais donc, c’était au fait que ces dames ont la
mauvaise habitude de vendre non seulement de l’amour, mais aussi de
vendre les amoureux aux autorités. Cette honteuse pratique sera
détaillée dans la chanson suivante qu’avec la meilleure volonté
du monde, je ne pourrais te montrer puisqu’elle n’est pas encore
conçue. Celle-ci – La Vendeuse d’Amour – est un cas très
particulier et pour tout dire, jusqu’à présent unique, car il
s’agit d’une chanson qui figure sous cette forme dans la Légende
– sauf le premier quatrain, qu’il m’a bien fallu introduire.
C’est une chanson que j’ai inventée en recollant tels quels des
textes épars de De Coster. On aurait pu la nommer La Chanson de
Gilline, qui est cette séductrice qui va tenter de tenter Till et
qui l’emmènera avec Lamme dans le piège de L’Arc en Ciel.
Ho !,
dit Lucien l’âne, moi je m’y perds un peu dans ton explication.
Qu’est ce que cet arc en ciel ?
L’Arc
en Ciel ?, répond Marco Valdo M.I., est la maison de tolérance,
tenue par la Stevenine, mère maquerelle de son état et donneuse
patentée auprès des gens du Duc. Mais nous n’en sommes pas encore
là et pour garder la poésie de cette Vendeuse d’Amour, on oublie
momentanément tout ce que je viens de te dire et on se laisse bercer
par cette ballade qui semble une danse lascive et fascinante.
Oui,
c’est une bonne idée, dit Lucien l’âne, car j’aime beaucoup
la poésie et la danse lascive. Ensuite, il nous faut tisser le
linceul de ce vieux monde libidineux, commercial, cupide, âpre,
avide, traître, sournois et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Voici
la chanson d’amour
Que
fit De Coster un jour
Pour
une fille d’Ève tendre
À
prendre, à vendre, à pendre.
Au
son de la viole,
Je
chante nuit et jour ;
Je
suis la fille-folle,
La
vendeuse d’amour.
Astarté
de mes hanches
Fit
des lignes de feu ;
J’ai
les épaules blanches,
Et
mon corps est Dieu.
Qu’on
vide l’escarcelle
Aux
carolus brillants :
Que
l’or fauve ruisselle
À
flots sous mes pieds blancs.
Je
suis la fille d’Ève
Et
de Satan vainqueur :
Si
beau que soit ton rêve,
Cherche-le
dans mon cœur.
Je
suis froide ou brûlante,
Tendre
au doux nonchaloir
Tiède,
éperdue, ardente,
Mon
homme, à ton vouloir.
Vois,
je vends tout : mes charmes,
Mon
âme et mes yeux bleus ;
Bonheur,
rires et larmes,
Et
la Mort si tu veux.
Au
son de la viole,
Je
chante nuit et jour ;
Je
suis la fille-folle,
La
vendeuse d’amour.
Cherche
ailleurs de tels charmes,
Prends
tout, mon amoureux,
Plaisirs,
baisers et larmes,
Et
la Mort si tu veux.
Sanglant
était mon rêve,
Le
rêve de mon cœur :
Je
suis la fille d’Ève
Et
de Satan vainqueur.