mardi 27 février 2018

LA TERRE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ AINSI


LA TERRE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ 

AINSI

Version française – LA TERRE N’A PAS TOUJOURS ÉTÉ AINSI – Marco Valdo M.I. – 2018
Chanson allemande – Die Erde war nicht immer soCochise1984







Dialogue maïeutique


Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, que la Terre n’a pas toujours été ainsi. Cela dit, je me demande ce que cette canzone peut raconter avec un titre pareil.

D’accord, Lucien l’âne mon ami, ce titre étrange est assez énigmatique et on peut en tirer grand-chose ou alors, au contraire, on peut en tirer tout ce qu’on voudra. Cependant, en dépit de ce titre ambigu, c’est une canzone fort intéressante et en quelque sorte, prophétique, sans pour autant invoquer des entités absurdes, évoquer des voix d’outre-tombes ou des prêches du néant.

Oh, dit Lucien l’âne en riant, il y a là comme un écho à la Ballade des Pendus de François Villon  du moins pour le ton et qui dirait « 
Frères humains, qui après nous vivez
 », mais je te l’accorde et il faut le souligner, sans qu’il s’y trouve nulle référence aux jingles religieux de l’ancien temps, lesquels étaient des incantations obligées par la pesante atmosphère de bigoterie qu’imposait les Églises. Ce qui prouve, en effet, que les temps ont changé et pour cela au moins, en bien.

Certes, dit Marco Valdo M.I., cependant, l’essentiel est que cette canzone est à la fois, liée à l’époque et au lieu où elle fut élaborée – l’Allemagne des années 1980 et qu’en même temps, elle transcende le temps où elle fut conçue. Elle est tout imprégnée de la confrontation qui se joue aux marches allemandes, ce qui fait en partie la force de sa voix, mais aussi, elle passe par-dessus le temps et chante sur un tempo millénariste, qui rappelle certaines ballades anciennes et qui curieusement a des accents futuristes.

De fait, dit Lucien l’âne, cette vision d’un futur dramatique, on la rencontre depuis longtemps. Elle traverse – et à mon sens, à juste titre – toute l’histoire humaine au cours de laquelle comme on le sait, la guerre n’a jamais cessé. C’est d’ailleurs le sens de la Guerre de Cent Mille Ans. Quant à moi, je trouve quelque peu excessif le pessimisme qu’elle dévoile et cette fin apocalyptique qu’elle envisage. Cependant, on ne peut véritablement trancher à ce sujet. Par ailleurs, en ce qui concerne la Terre, elle voit juste :
« Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi. »

et quoi qu’il arrive aux humains – y compris la disparition définitive de la race et au-delà de la vie organique, la Terre continuera son chemin avec une sorte d’ataraxie indifférente au destin de l’espèce. Dès lors, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde agité, absurde, avide, ambitieux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Qui que vous soyez,
Où que vous viviez,
Voyez, la mort plane
Sur nous depuis longtemps,
Brûle les masques
Et montre le visage effrayant
De la prochaine guerre
À laquelle on ne pourra survivre.

Alors, il ne restera
de notre histoire
Ni chanson, ni espoir,
Seule subsistera
Une planète en ruines
Qui tournera
Autour du soleil, solitaire et morte,
À perpétuer notre mémoire.

Ceux qui parlent avec les plantes,
Ceux qui avec les animaux chantent
Le disent depuis longtemps
Les temps changent,
Bientôt, ce sera fini.
La Terre n’a pas toujours été ainsi.

Qui que ce soit, chaque humain
Qu’il soit blanc ou rouge,
Noir ou jaune,
Chacun a besoin de pain,
D’eau et d’air
Et de place pour les enfants,
Et sur la tête, un toit rassurant
Et de chaleur en hiver.

Et de paix, d’amour et d’amitié
Et d’avenir et de liberté.
Et d’une vie dans l’unité
Avec la Terre mère,
Avec nos frères,
Avec les plantes et les bêtes.
Dans le cycle infini
De la vie, tout s’accordera ainsi.

Ceux qui parlent avec les plantes,
Ceux qui avec les animaux chantent
Le disent depuis longtemps
Les temps changent,
Bientôt, ce sera fini.
La Terre n’a pas toujours été ainsi.

Ceux qui parlent avec les plantes,
Ceux qui avec les animaux chantent
Le disent depuis longtemps
Les temps changent,
Bientôt, ce sera fini.
La Terre n’a pas toujours été ainsi.

Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.
Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.
Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.
Les temps changent,
La Terre n’a pas toujours été ainsi.


jeudi 22 février 2018

AMERTUME


AMERTUME
 

Version française – AMERTUMEMarco Valdo M.I. – 2018
d’après la version italienne (littérale) de Riccardo Venturi – DOLORE ARDENTE – 2018
d’une chanson de Mikis Theodorákis – Ο καημός – 1961
Texte : Dimitris Christodoulou
Μusique : Mikis Theodorakis








Dialogue Maïeutique

 

Voici, Lucien l’âne mon ami, une traduction moins orthodoxe au regard des normes contemporaines, mais Riccardo m’y incite en invoquant la plus haute Antiquité européenne, le védique et le sanscrit ; il en appelle aussi à Homère ; je ne pouvais donc en faire une chansonnette d’amour, fût-il patriotique et grec. Il m’a fallu tendre à l’intemporel et à la généralité, à gommer ce qui est trop voyant, trop direct. Si j’ai pris des distances avec l’original, c’est pour m’en approcher. Mikis Theodorákis a bien trop de puissance et d’étendue historiques, il a bien trop été poursuivi, enfermé, battu, torturé, compté pour mort, pour conter la fleurette au bord d’une plage et avoir des lamentations d’adolescent. Cette chanson doit avoir un sens…

Oh, dit Lucien l’âne, je te rejoins totalement dans ton appréciation cette chanson qui est certes une chanson d’amour à la Grèce comme espace géographique où vivent des humains et des ânes aussi, par parenthèse, comme c’était le cas dans l’Antiquité. C’est une Grèce qu’on ne saurait réduire à une entité nationale dotée d’une vie par-dessus les hommes. Cette dernière, cette monstruosité, c’est la Grèce de Metaxas, c’est la Grèce de Papadopoulos et d’une série d’autres du même acabit.

C’est bien ainsi que je l’avais comprise, Lucien l’âne mon ami et c’est ainsi que je lui ai fait une version en langue française. Rien n’empêche d’autres de s’y essayer, rien n’empêche personne de nous dire qu’on a tort. La chose s’est déjà vue.

Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, il ne reste plus qu’à conclure et à reprendre notre tâche de Pénélopes modernes et transgenres qui est de tisser, tisser encore le linceul de ce vieux monde – le nôtre, celui d’aujourd’hui – déchiré par les nations et les religions, comptable, parcimonieux avec les vivants et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Grande la rive de la mer,
Longue la vague,
Grande la douleur
Et amère l’erreur.

Du sang de la blessure,
Coule en moi l’amère rivière.
Dans la bouche, le baiser aimant
Plus amer que le sang.

Tu ne connais pas les gelées
Des soirées sans lune, passées
Sans savoir quand le temps viendra
Où la douleur te prendra.

Grande la rive de la mer,
Longue la vague,
Grande la douleur
Et amère l’erreur.

mercredi 21 février 2018

La Vieille


La Vieille

 
Chanson française – LA VIEILLEPatrick FONT – 1983





Dialogue maïeutique

Mon ami Lucien l’âne, au chapitre des événements qui constituent l’actualité de la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]] que les riches et les puissants font aux pauvres, on oublie souvent que les plus nombreux de ces faits-divers sont considérés comme des événements civils qui se déroulent en temps de paix. Du moins, c’est ce que la doxa prétend.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, tu fais bien de rappeler que nous vivons à l’ère de la Guerre de Cent Mille Ans et que ce sont les riches qui font la guerre aux pauvres et non l’inverse. Les pauvres n’ont jamais voulu que se défendre contre l’oppression et l’esclavage, contre la domination et l’appropriation des biens communs par le privé. À ce propos, la privatisation par les riches n’est rien d’autre que la privation pour les pauvres.

Certes, Lucien l’âne mon ami, et comme tu le sais, la Guerre et la Paix sont une seule et même chose ; elles ne sont l’une et l’autre que des formes et des intensités différentes du même état du monde ; en quelque sorte, on pourrait établir une sorte de continuum de cet état de toute société, une sorte d’échantillonnage des situations en fonction de la catégorie d’intensité, mesurée sur une échelle unique.

D’accord pour une mesure d’intensité, Marco Valdo M.I. mon ami, je suis parfaitement ton raisonnement. Cependant, la question est de savoir d’une intensité de quoi ?

À mon sens, répond Marco Valdo M.I., ce n’est pas un phénomène simple et appréhendable à partir d’une seule variable. C’est assez complexe. Ordinairement, quand on pense à une mesure sur une échelle donnée, on songe à la distance, à la taille, à la durée, à la température, à la vitesse, au volume, à la surface, au nombre, etc. L’échelle oriente la mesure par rapport à un point arbitraire, qui est l’endroit où on passe d’un état à l’autre : du plus ceci au moins ceci, qu’on peut noter en chiffres négatifs ou positifs, selon qu’on est du côté positif ou négatif de l’échelle. Il en va de même pour l’échelle Guerre-Paix ou l’échelle de la domination, par exemple. Généralement, on ne mesure qu’une dimension, une seule variable. Dans la réalité, il y a toujours de multiples variables qui interagissent et pour mesurer un état donné, il est nécessaire d’établir une formule qui intègre plusieurs (ce qui va de quelques-uns à beaucoup) de ces éléments et convertir ce résultat en une donnée unique qu’on place alors sur l’échelle. C’est au travers des positions relatives des résultats obtenus par une série de mesures qu’on peut étudier l’évolution d’intensité. C’est ainsi qu’il faut envisager l’étude du continuum multidirectionnel « guerre-paix », qui n’est pas un phénomène linéaire comme on pourrait le penser. Et si on veut s’en faire une représentation linéaire, il faut se le représenter multidirectionnel, sinueux, globuleux et il faut in fine, lui accorder des dimensions multiples et le concevoir comme un volume temporel.

Parfait, Marco Valdo M.I. mon ami, la Guerre-Paix, la guerre et la paix sont une seule et même chose irisée et polymorphe. Soit, mais encore ? Qu’est-ce que ça a à voir avec la chanson ? Quel rapport avec cette chanson qui s’intitule, je le vois, « La Vieille » ?

J’y viens, Lucien l’âne mon ami. Dans notre société de Guerre-paix, il est de multiples combats, de très différents épisodes à des degrés d’intensité variables et hétérogènes. On pourrait comparer la société à un pays occupé où les habitants subissent diverses exactions, diverses discriminations et y réagissent plus ou moins intensément. Certains individus, certains groupes sont impliqués plus que d’autres dans ces phénomènes de pression sociale et singulièrement, les plus faibles, en premier lieu. La chanson parle d’un de ces groupes ; elle évoque, comme son titre l’indique, la situation faite aux vieux. Aux vieux pauvres, évidemment ; les vieux riches connaissent une autre histoire.
Donc, une histoire de vieux pas riches – là aussi, il y a une échelle qui va du plus au moins. Même si certains progrès ont été imposés, même si certaines choses se sont améliorées, il y a un véritablement un affrontement entre les vieux et la société ; plus exactement, il y a une furieuse, sourde, aveugle lutte qui se déroule autour du destin que l’on réserve aux vieux ; c’est vrai aussi pour les malades, les handicapés, les migrants, les chômeurs, etc. D’aucuns en parlent comme des exclus. Tous ces gens-là coûtent et ne produisent pas de plus-value directe. Il s’agit quand même de minimiser les coûts, comme dans la production. Il s’agit aussi de ne pas montrer, de ne pas laisser voir les désarrois ; il s’agit de les cacher.
Et puis, héritage d’une longue imprégnation religieuse, il y a la condescendance charitable, le regard de compassion, le sourire de commisération qui enveloppent les vieux.
La vieille de la chanson a bien enregistré tout ça et elle va enclencher par sa réaction un mouvement de révolte et refuser, comme le fit récemment une vache hollandaise, d’aller sans réagir au mouroir. Le reste est dit par la chanson.

Évidemment, dit Lucien l’âne, les vieux, on les comprend. On comprend ces vieux de la chanson, ils marchent encore. Mais ceux qui n’en peuvent plus de vivre…

Bien sûr, Lucien l’âne mon ami, l’affaire est complexe. Autant il est malsain d’éloigner les vieux et de les parquer à l’écart quand ils sont encore ingambes, autant il est indispensable de les accueillir dans des lieux corrects pour les accompagner et même, les conduire jusqu’au terme du voyage. Ta remarque est dès lors salutaire : la vieille réveille des vieux et des vieilles pareils à elle ; des vieilles et des vieux qu’on a mis au trou trop tôt. De plus, pour cette avant-dernière étape – cette « phase terminale », comme dit Patrick Font, il n’y a pas assez de places et elles font l’objet de lucratifs investissements. Dès qu’ils ont un peu de moyens, les vieux sont une énorme vache à lait d’une sordide spéculation. Et aux deux extrémités de l’échelle, selon que vous serez un vieux riche ou un misérable, l’accompagnement précautionneux se fera ou ne se fera pas.

Si je comprends bien, dit Lucien l’âne, en gros, c’est paye ou crève ! Alors, dit Lucien l’âne, vive la vieille à la souplesse d’abeille et ses amis et le moment venu, nous en serons aussi. C’est une histoire réjouissante que celle de cette vieille-là, hosanna, alléluia ! Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde exploiteur, méprisant, méprisable et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



« Je n’ai pas besoin de vous pour ranger mes vêtements,
Partez, vous m’encombrez », dit la vieille en sautant
À pieds joints sur sa valise. On aurait dit Popeye,
Elle avait encore la souplesse des abeilles
Et d’un pas décidé, vers la gare Saint-Lazare,
Tandis qu’on faisait semblant de pleurer son départ,
Elle s’en allait trottant, son bagage à la main,
Avec deux ou trois pauses pour se tenir les reins.

« Je n’ai pas besoin de vous », dit-elle au contrôleur,
« Laissez-moi ma valise, j’en ai pour un quart d’heure.
L’hospice est en banlieue, on dit que c’est un château
Où les vieux jouent au Scrabble et aux petits chevaux.
Moi, j’ai horreur de ça, comprenez-vous, Monsieur ?
Je n’aime que les westerns avec plein de coups de feu.
J’ai vu 14 fois « L’infernale Chevauchée »,
Je vous le raconterais bien, mais nous sommes arrivés. »

« Je n’ai pas besoin de vous », dit-elle à l’infirmière,
« Pour déplier mes draps, laissez-moi, j’ai à faire. »
Alors, de sa valise, à l’abri des regards,
Elle sortit 20 bouteilles d’un célèbre pinard,
Descendit au salon où les vieux et les vieilles
Jouaient aux petits chevaux, en se grattant l’oreille.
« Bonsoir, messieurs, mesdames, je m’appelle Fanchon ;
L’un d’entre vous n’aurait-il pas un tire-bouchon ? »

« Je n’ai pas besoin de vous », disait-elle au médecin,
En élevant vers lui son troisième verre de vin
Tandis que les vieillards, autour de la pendule,
Chantaient à quatre voix « la grosse bite à Dudule »
Et l’on vit ce spectacle – oh ! combien ravissant –
De quatre-vingts gâteux quittant l’établissement
Afin de ratisser les hospices du pays,
Arrachant à la mort, les moribonds surpris !

« Je n’ai pas besoin de vous », disait-elle au curé,
Qui, sur le lit d’un vieux, s’esquintait à prier.
« Vous voyez bien que ce cadavre n’est pas mort,
S’il ne respire plus, par contre, il bande encore,
Un petit coup de branlette le remettra sur ses pattes,
Comme un coup de manivelle sur une vieille Juva 4. »
Le prêtre révulsé tombait les bras en croix,
Il respirait encore, mais il ne bandait pas.

« Je n’ai pas besoin de vous », répétaient tous les vieux,
Chaque fois qu’un député voulait s’occuper d’eux,
Car vous n’avez pas su vous occupez de nous,
Du temps où nous avions encore confiance en vous.
« Tous vos moyens sont bons pour gagner la Coupole,
Si les morpions votaient, vous auriez la vérole.
En tant qu’improductifs, nous ne produirons pas,
Un imbécile de plus à la tête de l’État. »

« Je n’ai pas besoin de vous », dit-elle aux nécrophages,
Qui la poussait dans le ghetto du troisième âge.
« Saloperie de technocrate qui inventa cette formule,
Du haut de mon mépris, saloperie, je t’encule,
(C’est la première fois que je dis un gros mot »)
Et tout en se servant un petit verre de porto,
Elle fit un bras d’honneur, on aurait dit Popeye.
Elle avait encore la souplesse des abeilles.

vendredi 16 février 2018

La Leçon d’Alcuin

La Leçon d’Alcuin (Vox Media 2018)

 
Chanson française – La Leçon d’Alcuin (Vox Media 2018)– Marco Valdo M.I. – 2018








Dialogue Maïeutique


Voici, Lucien l’âne mon ami, une revisitation de Vox Media, une chanson de 2010. Je l’ai refaite presque entièrement compte tenu de certains développements actuels. Tu devineras bien lesquels. Par ailleurs, j’ai conservé une grande partie du dialogue ; j’ai laissé ces passages tels quels au sein du dialogue actuel.

Vox Media, dit Lucien l’âne, que veux-tu dire par là ? Entends-tu signifier une voix, car vox, si je me souviens bien, veut dire voix en latin, donc, une voix moyenne, une voix du milieu ou une voix dont le nom serait Media.

Ce serait plutôt dans ce dernier sens qu’il faut aller, mon ami Lucien l’âne. Media est une sorte de nom international qui désigne les moyens de diffusion – et non de communication, comme certains essayent de le faire croire. On diffuse, un point, c’est tout. Juste un mot à ce sujet : pour qu’il y ait communication, il faut qu’il y ait une voie à double sens, un aller-retour, une expression et une réponse et de surcroît entre deux parties égales. On est loin du fonctionnement des médias où il y a d’un côté, un diffuseur, une voix massive, forte, puissante et unilatérale et de l’autre, des récepteurs minuscules, atomisés et sans voix – une partie qui seule a le droit de parler ; de l’autre, celle qui a le devoir de rester muette. Je te laisse deviner qui détient le pouvoir et dans quelle mesure ce pouvoir est discrétionnaire. C’est donc bien de la Voix des Médias qu’il s’agit ici et tu devines bien également pourquoi la canzone parle aussi de Vox Merda. Pour le reste, tu découvriras par toi-même quels sont les méandres de la méditation de notre prisonnier. C’est une réflexion sur le pouvoir. Tu verras qu’il est question aussi de la grosse mouche bleue qui s’appelle Merda.

Oh ! Les mouches, je ne les supporte pas. Surtout, les taons et les grosses mouches bleues qu’on appelle chez nous les mouches à merde. Tiens, Marco Valdo M.I., je ne sais si c’est intentionnel, mais la canzone me rappelle un auteur de pièces de théâtre grec, le dénommé Aristophane, qui faisait dans la satire et avait écrit une histoire où il était également question d’un stercoraire, d’un bouseux mangeur de merde. Un cousin de Merda, la mouche bleue qu’on voit sur tous les écrans de télévision et les premières pages des journaux, entourée de son essaim de gardes du corps. Une vraie marionnette, celui-là.

Plus sérieusement, et pour en revenir à la Vox Media, c’est un instrument de pouvoir redoutable en ce que, vois-tu Lucien l’âne, mon ami, les humains sont crédules et terriblement influençables.
Mais la canzone n’est pas aussi éthérée qu’on pourrait l’imaginer. Elle ne vole pas que par les ondes, elle est aussi incarnée dans un personnage particulier, celui qui détient le « pouvoir ». Au début de cette histoire, on trouve Charlemagne et cette réflexion d’Alcuin, qui fut son ami, son conseiller et son ambassadeur qui disait : « Vox populi, vox Dei » ; ce que l’Empereur n’eut de cesse d’inverser, comme le feront tous les potentats afin de mieux tenir les rênes de l’équipage. Voilà pour la théorie.
Ensuite, la chanson évoque un cas contemporain hautement exemplatif ; il s’agit de Silvio B. qui fut un temps président du Conseil des ministres en Italie, tout en restant le patron de médias privés et d’un club de football.
Il fut aussi, comme sans doute, tu en as eu écho, un grand consommateur de demoiselles, plus ou moins tendres, à qui il offrait de se faire voir sur ses écrans ; certaines même eurent droit à des postes en vue sur la scène politique. Souviens-toi, je t’avais déjà parlé de George Orwell et de sa mise en garde : « Big Brother is watching you ! », que dans ce cas-ci, on pourrait traduire par « Papi vous regarde ! » et vous montre (offre de voir, faut-il dire) toutes ces belles personnes et leurs avantages.

Comme disait Boby Lapointe : Davantage d’avantages avantagent davantage, dit Lucien l’âne en riant de tout son piano. À propos, Marco Valdo M.I. mon ami, ton personnage a fait des émules et il en est un qui s’illustre à la tête d’un des pays les plus puissants du monde. Il n’est pas le seul, d’ailleurs. Il est vrai que le pouvoir corrompt celui qui s’y frotte et ceux ou celles qui l’approchent et cette corruption n’est pas un phénomène extérieur, elle atteint la personne jusqu’au plus profond de sa personnalité. Cependant, je te l’accorde, cet aspect moral et individuel n’inquiète pas beaucoup ceux que la corruption touche.

Mais tu sais, Lucien mon ami l’âne, peu importe le guignol au pouvoir. En fait, détenir la Vox Media est une arme formidable dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d’accroître leurs richesses, leurs privilèges et leur pouvoir. Vox Media, Vox Merda. C’est la voix de ce monde cacochyme et puant. Nous creuserons sa fosse et nous lui tisserons un linceul à sa mesure.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Il y a bien longtemps,
Il y a mille deux cents ans,
À Aix, en Allemagne,
L’Empereur dit à son ministre :
La voix du peuple est sinistre,
Elle sent trop la campagne,
Elle couvre ma voix,
La voix du Roi.
Alcuin répondit à Charlemagne
Vox populi, vox Dei,
Semper insaniae proxima sit.
Voix du peuple, voix de Dieu, sic transit !
Se trouvent toujours proches de la folie.
Tant que le peuple croira,
La voix de Dieu sera celle du Roi,
L’Église y veillera !
Force reste à la Loi,
Media, Merda,
Et patati, et patata !
Merdi, merda et tralala !

Quand on a un parti, des sociétés,
On a des banquiers, des associés,
Des obligés, des électeurs,
Des avocats, des curateurs.
Tout ça n’est pas bien compliqué,
Quand on a compris la vie.
Il suffit de gérer
En bon père de famille.
Un club de football, c’est épatant ;
On peut y faire beaucoup d’argent.
Toujours à la limite de l’escroquerie,
L’équipe marque des buts et ne perd pas.
Media, Merda
Mensonges, faits déformés.
Et patati, et patata !
Merdi, media et tralala !
Le sommeil descend se coucher
Sur la pensée et les livres absents.
Turpitudes mégagalactiques, détails insignifiants.
Là-bas dans le palais, là-bas dans sa villa.

On finissait le repas.
L’alcool coulait à flots,
La musique dégoulinait en sirop.
À qui le tour ?, dit-il béat.
À moi, à moi !, crient les Vénus impatientes –
Ce sont là des dames bien méritantes,
On entend des gloussements, des rires obscènes,
On devine l’examen, on imagine la scène :
Les filles se démènent,
Les mains se promènent,
Dans le palais, là-bas,
Là-bas dans sa villa.
Et partout on l’entend,
Et partout, on le voit  ;
Il se défend.
Regard fixe sur la caméra,
Il dément.
Media, Merda,
Et patati, et patata !
Merdi, media et tralala !

L’insecte insatiable
Se pose du l’État,
Il s’installe à la table
Et vide tous les plats
On ne réussit
Ni de jour, ni de nuit,
À chasser ce spectre louche,
Merda, cette importune mouche,
Grosse apparition bleue
Qui naît, croît et prospère,
Agite ses ailes et sa queue
Et d’un coup, tombe à terre.
Et patatras !
Vox de la folie,
Voix de l’escroquerie,
Media, Merda !
Et patati, et patata !
Merdi, media et tralala !
Media, Merda,
Et patati, et patatras !