Le Fils du Pasteur et le Voïvode
Chanson française – Le Fils du Pasteur et le Voïvode – Marco Valdo M.I. – 2021
Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.
Épisode 3
VOÏVODE – VLAD III L’EMPALEUR
Anonyme – XVe S
Dialogue maïeutique
Il doit t’être encore frais à l’esprit, Lucien l’âne mon ami, que nous avons dialogué récemment sur Le Parti et Le Programme du Parti. C’étaient les deux premières chansons d’une épopée aux accents politiques et guerriers dont l’objet – je te rassure tout de suite – est de pourfendre la guerre elle-même. On ne sait d’ailleurs à l’heure présente où une telle épopée nous conduira, mais allons-y.
Oui, dit Lucien l’âne, allons-y sans crainte et d’ailleurs, je sais que toi et moi, nous sommes d’inconditionnels partisans de la paix, même si des fois, il y a de quoi désespérer. Mais, venons-en au fait : serait-ce la troisième chanson et de quoi pourrait-elle bien s’inquiéter ?
Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., le Parti, c’est même dans sa nature de parti, se compose de membres. À proprement parler, un parti sans membre n’existe pas, sauf sur papier ou dans l’imagination. Je te concède immédiatement que c’est ainsi que tout parti est conçu. Il y faut quelqu’un qui l’imagine et qui en cristallise les éléments. Quoi qu’il en soit, une fois conçu, il lui faut exister, il lui faut une corporalité, il lui faut des membres.
J’en conviens tout de suite, dit Lucien l’âne, et j’imagine à mon tour que cette chanson va chanter les louanges des membres du Parti.
Tu imagines bien, Lucien l’âne mon ami, la chanson chante les membres du Parti – pas nécessairement leurs louanges. Je dirais qu’elle fait le portrait de deux d’entre eux, les premiers à adhérer à ce Parti.
Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, comme disait le Président Mao, reprenant la parole de Confucius ou de Lao Tseu, en tout cas, une parole de lointaine et antique sagesse immémoriale : « Le plus long des voyages commence toujours pas un premier pas ». Il en va aussi ainsi du Parti et de ses membres et si nous adaptons la parole du Président, nous dirons : « le plus grand des partis commence toujours par un premier membre ».
Soit, répond Marco Valdo M.I., le plus court des voyages aussi et forcément, le plus mince des partis aussi. C’est pure logique. Donc, voici les deux premiers membres du Parti – en plus de son créateur Jaroslav Hašek, bien sûr. Il s’agit, comme le titre l’indique, du fils du Pasteur, dénommé Gustav et d’un voïvode, dénommé Klimeš. Pour la clarté des choses, je précise que le « pasteur » dont le fils est le fils, tout comme son père et le père de son père étaient eux-mêmes « pasteur », est un ministre du culte, une sorte de curé protestant qui n’est nullement tenu au célibat et qui peut donc avoir un ou plusieurs enfants ; quant au voïvode, je résumerai en disant qu’il s’agit d’un de ces dignitaires slaves ou roumains qui ont longtemps combattu les occupants ou les envahisseurs turcs et dont un des plus célèbres est Vlad Țepeș, Vlad III l’Empaleur, alias Dracula. Pour le reste, voir la chanson elle-même, sinon où serait l’intérêt.
Faisons ainsi, réplique Lucien l’âne et puis, tissons le linceul de ce vieux monde religieux, sévère, enflammé, opprimé, révolutionnaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Gustav le fils du pasteur,
Descendait d’une lignée de pasteurs,
Tous hommes authentiquement religieux,
Tenant haut le respect de Dieu.
Il avait bu le lait sacré de sa mère
Et mangé les principes moraux de son père.
Dans l’ombreuse cathédrale évangélique,
Il passait des heures mystiques
Craignant la rude cravache
D’une justice divine fort vache.
Couché en travers des genoux paternels,
Il entendait la leçon de l’Évangile éternel :
Toute autorité vient de Dieu,
On ne peut défier la volonté des Cieux.
Le genou et la cravache le disent bien :
On ne peut contrarier les vœux du destin.
Poète, il entraîne son âme assoiffée de beauté
À la recherche de nouvelles aventures
Dans une errance inextinguible de café en café.
À la fin, des costauds l’éjectent dans la nature.
Le cheveu en broussailles, la barbe noire,
Le voïvode Klim était né quelque part,
Sa vie était toute une histoire.
Il était voïvode, il se sentait tsar.
Le discours enflammé était la tasse de thé
De ce libérateur des peuples opprimés.
Le voïvode Klim chantait ses propres exploits
Hautement de sa basse voix,
De café en café, chaque soirée,
Il contait sa glorieuse épopée.
Dans la plaine grondait le canon,
La mitraille crépitait pour de bon.
Le voïvode Klim avait tout du gospodar.
Sans avoir peur, il battait en retraite
Dans le respect des règles de l’art,
Ainsi, il tenait sa gloire secrète.
Le voïvode Klim était chef révolutionnaire,
À la bataille du Mont Garvan, il était là.
Au siège de Monastir, il s’empiffra.
Il a rejoint le Parti après ses guerres.