lundi 17 mai 2021

GAGARINE

 

GAGARINE


Version française – GAGARINE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – GagarinClaudio Baglioni – 1977

 

 

GAGARINE

Peinture murale à Krasnogorsk

 

 

Voir le dialogue maïeutique de JE SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE.



Ce mois d’avril incendié,

Au ciel, je me suis donné.

Moi, Gagarine, fils de l’humanité

Et la terre est restée en bas

Plus petite qu’autrefois.

D’en haut, je la regardai – elle ne le pardonna pas

Et l’azur se déchira

Et j’ai trouvé les étoiles, lentilles divines,

L’œil sur le hublot comme une vitrine

J’ai peut-être rêvé tout ce temps

Et je vole encore à présent.


J’ai quitté mon chez-moi

La vodka et les lilas

Et le lac l’enfant Yuri se baigna.

Du pied, j’ai repoussé

Les mensonges, la vulgarité

La calomnie, les masques à gaz et les guerres.

Comme un faucon, j’ai plané.

Au pôle Nord au-dessus de la terre,

J’ai épousé l’éternité,

Mon ombre, on m’a volé

Et seul, je suis resté

Et je vole encore maintenant,

Et je vole encore maintenant,

Je vole maintenant,

Je vole sans répit,

Je vole dans l’infini.



Sur un timbre noir désormais,

Je vous souris, mais

Mon sourire s’en est allé

Et moi, je suis resté

En robot habillé.

J’étais le premier à voler

Et je vole encore maintenant,

Je vole encore maintenant,

Je vole sans répit.

Et encore maintenant,

Je vole de jour, de nuit,

Je vole maintenant,

Je vole sans répit,

Je vole dans l’infini.



JE SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE

 

JE SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE


Version française – JE SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE – Marco Valdo M.I. – 2021

À partir d’une version italienne, dont je ne trouve pas trace de la personne qui l’avait établie, d’un poème en russe d’Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko version italienne intitulée SONO GAGARIN, IL FIGLIO DELLA TERRA (1969)

 

 


L’ENVOL D’ICARE

Charles-Paul Landon – 1799




Dialogue maïeutique


Quand son pied a été posé dessus dans la botte d’un autre, la Lune lui demanda, qui es-tu ? Voilà, Lucien l’âne mon ami, la quintessence et la conclusion de la chanson.


De quoi me parles-tu, Marco Valdo M.I. mon ami ?


De la chanson dont on parle, Lucien l’âne mon ami. Elle s’intitule du moins la version française que je viens de terminer : JE SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE. J’insiste sur sa dénomination de version française, car elle doit quand même forcément s’éloigner quelque peu du poème qu’écrivit Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko ; bref, ce n’est pas une traduction et d’ailleurs, comme tu le sais, je n’ai aucune intention de faire de la traduction ; je n’en ai pas les compétences.


D’autant, dit Lucien l’âne, que si j’ai bien vu, elle a été composée à partir d’une version italienne, à laquelle il nous faut bien faire confiance. Par parenthèse, il s’agit d’une version italienne dont on ne trouve pas trace du traducteur. Pourtant, il est certain que si tu voulais en faire une version en français, elle devait – préalablement – avoir été traduite dans une langue que tu pourrais peu ou prou maîtriser vu qu’Evtouchenko écrivait en russe, qui à ma connaissance, t’est totalement inaccessible.


En effet, Lucien l’âne mon ami, c’est bien à partir de ce texte en italien que j’ai établi cette version française laquelle est malgré tout comporte un certain nombre d’énigmes, que je te propose de démêler.


Ça ne ferait pas de mal, Marco Valdo M.I. mon ami, car cette épopée de Gagarine, c’est déjà une vieille histoire et je pense que peu de gens pourraient la décrypter sans un peu d’aide. En tout cas, c’est mon cas, mais elle me passionne, car comme âne, je n’ai pas encore eu l’occasion de m’envoler dans l’espace et le seul cas connu d’un âne volant est celui – très improbable – du prophète Mahomet.


Dès lors, Lucien l’âne mon ami, on pourrait dire que Mahomet a anticipé la conquête spatiale et que Gagarine a simplement réitéré son geste.


À ceci près, dit Lucien l’âne, qu'en ce qui concerne Gagarine, son coursier et son exploit sont nettement plus crédibles, car étant faits de réalité et de mains humaines, ce ne sont pas des affabulations fantaisistes et  d'autre part, si l’on compare les dessins hérités de la tradition orientale qui dessinent le barbu sur son âne ailé avec de lui que publia Charlie Hebdo, on les trouvera fort ressemblants. (voir notamment : La Vie de Mahomet)


Moi, Lucien l’âne mon ami, si je trouve tes remarques très pertinentes, je rappelle que Youri Gagarine est ce cosmonaute russe qui avaient l’habitude de monter sur tout ce qu’il croisait et buvait comme un Russe ; de ce point de vue, c’était un vrai enfant de la Terre. Certes, il était petit de taille, mais il le fallait pour entrer et rester dans le Vostok 1, c’est même pour ça qu’on l’avait désigné. Il n’en reste pas moins que ce fut le premier homme qui fit le tour de la Terre dans l’espace, bien au-delà de la stratosphère. C’était en avril 1961.


C’est quand même un titre de gloire, dit Lucien l’âne, il faut bien le reconnaître et d’ailleurs, j’ai appris qu’il était coutumier des excès de vitesse et des accidents en automobile et qu’on lui pardonnait tout ça en tant que héros, car une fois reconnu d’intérêt national, les héros peuvent à peu près tout se permettre. Il n’y a que la mort qui peut les calmer.


Oui, oui, Lucien l’âne mon ami, et comme on va le voir, c’est ce qui est arrivé. Donc, la chanson. Je passe les éléments qu’elle explique elle-même ou qui s’en déduisent aisément parmi lesquels ce qui a trait à la guerre du Vietnam, aux astronautes étazuniens sur la Lune, aux timbres-poste et aux lentilles-éphélides. Par contre, je vais examiner cette vengeance de la Terre qui le fit s’écraser au sol qui est réelle et prit la forme de l’accident d’avion qui en 1968, mit fin aux jours de l’officier-aviateur soviétique. C’est autour de cette vengeance que se brode la chanson. Ainsi, Icare, héros du premier vol mythique qui subit la vengeance par l’entremise du Soleil et tombe dans la mer (Mer Icarienne) ; Sergei Isaevitch Utockin (Odessa 1876 – Saint Pétersbourg 1916), quant à lui, fut d’abord un cycliste et un pistard de renom, puis, s’est entiché du plus léger que l’air et de l’avion. Il finit lui aussi – après mille tribulations – dans un accident d’avion qui l’écrasa au sol et l’entraîna irrésistiblement à une fin dramatique ; Piotr Nikolaievitch Nesterov (Nijni Novgorod 1887 – Jovkva 1914), aviateur russe lui aussi, fit le premier les « boucles » de Nesterov, connues ici sous le nom de « loopings ». C’était en 1913. Ces fameuses boucles étaient au programme de la formation de l’élève-aviateur Youri Gagarine. Nesterov finit lui aussi écrasé au sol en même temps l’avion autrichien (et ses occupants) qu’il avait volontairement éperonné ; Nikolai Frantsevich Gastello (Moscou 1907 - ? 1941), autre officier aviateur russe dont la légende (à la véracité douteuse) raconte qu’il jeta son appareil sur une colonne militaire allemande en 1941 : telle est la vengeance de la Terre.


C’est une mère redoutablement possessive, dit Lucien l’âne. Maintenant, il nous faut conclure et tisser le linceul de ce vieux monde (humain, seulement humain) brutal, guerrier, maladroit, idiot et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Fils de la terre, je suis Gagarine,

Oui, je suis Gagarine.

Le premier, j’ai volé,

Et après moi, vous volerez.

Enfant de l’humanité,

La terre m’a donné

Pour toujours aux cieux.

Ce mois d’avril radieux,

Les visages des étoiles, sans caresses, gelés,

Couverts de rouille et de mousse,

Se sont réchauffés

À mes lentilles ambrées

De Smolensk au ciel montées.

Mes éphélides ne sont plus là

Et il est terrible pour moi

De n’être plus qu’un bronze, un ancien aléa,

De ne plus caresser ni l’herbe, ni un sapin,

Ni faire grincer la grille du jardin.

Sous la cicatrice noire du timbre,

Je vous souris

De mon sourire qui s’est tari.

Regardez bien les cartes et les timbres

Et vous comprendrez à l’instant :

Que pour l’éternité à présent,

Je suis en vol permanent.

Applaudi des mains de l’humanité entière,

La gloire a essayé de me séduire,

Mais ça n’a pas marché.

Je me suis écrasé sur la terre,

Que j’avais vue si petite à mes pieds,

Elle n’a pu me le pardonner,

Moi, je pardonne à la terre,

Je suis son fils, en esprit et en chair,

Et pour des siècles, je fais serment

De continuer à survoler

Les bombardements,

Les mensonges des télés

Qui l’enserrent de leurs arabesques,

Au-dessus des filles qui dansent

Leur strip-tease de dames

Pour les soldats du Vietnam.

Au-dessus de la tonsure

Du moine

Qui voudrait voler, gêné par sa soutane,

Au-dessus de la censure

Qui en Espagne étouffa les poètes sous son voile,

Il y a ceux qui volent

Dans le simoun vertigineux des étoiles.

Et il y a ceux qui se débattent

Dans le marais qu’ils ont voulu.

Des hommes, ô des hommes,

Vantards ingénus,

Pensez : n’êtes-vous pas inquiétés

Par les noms des hommes que vous avez tués ?

Ayez honte de cette rumeur de marché !

Vous êtes des jaloux,

Des rapaces ou

De voraces hiboux,

Comment tomber si bas quand si haut vous volez ?

Je suis Gagarine, fils de la Terre,

Enfant de l’humanité :

Je suis russe, grec et bulgare,

Australien, finnois, émigré.

Je vous incarne tous dans

Mon élan vers le ciel.

Mon nom est accidentel,

Mais je n’étais pas un accident.

Alors que la terre s’encrassait

De vanité et de déchets,

Changeait mon nom,

Mais mon âme, non.

Ils m’appelaient Icare.

Je gis dans la poussière, dans les cendres.

La terre noyée d’obscurité,

Vers le soleil, m’avait poussé.

La cire a fondu, et résidu,

Je suis tombé sans salut,

Mais du soleil, un brin

Est resté dans ma main.

Esclave, ils m’appelaient.

La colère sur mon dos pesait

Des mains et des pieds, battant la cadence,

Sur mon corps, ils dansent.

Je tombe sous leurs gnons,

Maudissant leurs fers,

Je me fais des ailes des bâtons

De mes tortionnaires !

J’étais Utockin à Odessa,

Le Duc eut un recul,

Quand de ses culottes ridicules,

Un cheval ailé s’envola.

Sous le nom de Nesterov, alors,

Avec ses boucles de la mort,

Tournant au-dessus de la poudreuse,

Je fis tomber la lune amoureuse

La mort siffla sur mes ailes encor.

C’est une vertu de la mépriser

Et comme Gastello aux joues claires,

Sur l’ennemi, je me suis jeté

Et mes ailes téméraires

Brûlant comme un bûcher, ont protégé,

Vous qui étiez encore à ce moment

Aldrin, Collins, Armstrong, des enfants.

Et moi, membre invisible et secret

De l’équipage d’Apollo au complet

Et sûr de l’espoir discret

Que les hommes sont une seule famille,

On mangea des pastilles,

Et pendant le voyage, on trinqua

Comme sur l’Elbe, autrefois,

Et sur fond de la Galaxie, on s’embrassa.


Le travail se fit sans parlotte,

La vie était en jeu, trop de danger,

Et finalement, Armstrong avec sa botte,

Sur la lune posa mon pied.