JE
SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE
Version
française – JE SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE – Marco Valdo
M.I. – 2021
À
partir d’une version italienne, dont je ne trouve
pas trace de la personne qui l’avait établie, d’un poème
en russe d’Evgueni Alexandrovitch Evtouchenko version italienne
intitulée SONO GAGARIN, IL FIGLIO DELLA TERRA (1969)
L’ENVOL
D’ICARE
Charles-Paul
Landon – 1799
Dialogue
maïeutique
Quand
son pied a été posé dessus dans la botte d’un autre, la Lune lui
demanda, qui es-tu ? Voilà, Lucien l’âne mon ami, la
quintessence et la conclusion de la chanson.
De
quoi me parles-tu, Marco Valdo M.I. mon ami ?
De
la chanson dont on parle, Lucien l’âne mon ami. Elle s’intitule
du moins la version française que je viens de terminer : JE
SUIS GAGARINE, FILS DE LA TERRE. J’insiste
sur sa
dénomination de version
française, car elle doit quand même
forcément
s’éloigner
quelque peu du
poème qu’écrivit Evgueni
Alexandrovitch Evtouchenko ; bref,
ce n’est pas une traduction et
d’ailleurs, comme tu le sais, je n’ai aucune intention de faire
de la traduction ; je n’en ai pas les compétences.
D’autant,
dit Lucien l’âne, que si j’ai bien vu, elle a été composée à
partir d’une
version
italienne, à
laquelle il nous faut bien faire confiance. Par parenthèse, il
s’agit d’une version italienne dont
on ne trouve pas trace du traducteur. Pourtant, il est certain que
si tu voulais en faire une version en
français,
elle
devait – préalablement
– avoir
été traduite dans
une langue que tu pourrais peu ou prou maîtriser
vu qu’Evtouchenko écrivait en russe, qui
à ma connaissance, t’est totalement inaccessible.
En
effet, Lucien l’âne mon ami, c’est bien à partir de ce texte en
italien que j’ai établi cette version française laquelle est
malgré tout comporte
un
certain nombre d’énigmes, que je te propose de démêler.
Ça
ne ferait pas de mal, Marco Valdo M.I. mon ami, car cette épopée de
Gagarine, c’est déjà une vieille histoire et je pense que peu de
gens pourraient la décrypter sans un peu d’aide. En tout cas,
c’est mon cas, mais elle me passionne, car comme âne, je n’ai
pas encore eu l’occasion de m’envoler dans l’espace et le seul
cas connu d’un âne volant est celui – très improbable – du
prophète Mahomet.
Dès
lors, Lucien l’âne mon ami, on pourrait dire que Mahomet a
anticipé la conquête spatiale et que Gagarine a simplement réitéré
son geste.
À
ceci près, dit Lucien l’âne, qu'en ce qui concerne Gagarine, son coursier et son exploit sont
nettement plus crédibles, car étant faits de réalité et de mains
humaines, ce ne sont pas des affabulations fantaisistes et d'autre part, si l’on
compare les dessins hérités de la tradition orientale qui dessinent
le barbu sur son âne ailé avec de lui que publia Charlie Hebdo, on les trouvera fort ressemblants. (voir
notamment : La
Vie de Mahomet)
Moi,
Lucien l’âne mon ami, si je trouve tes remarques très
pertinentes, je rappelle que Youri Gagarine est ce cosmonaute russe
qui avaient l’habitude de monter sur tout ce qu’il croisait et
buvait comme un Russe ; de
ce point de vue,
c’était
un vrai enfant de la Terre.
Certes, il était petit de taille, mais il le fallait pour entrer et
rester dans le Vostok 1, c’est même pour ça qu’on l’avait
désigné. Il n’en reste pas moins que ce fut le premier homme qui
fit le tour de la Terre dans l’espace, bien au-delà de la
stratosphère. C’était
en avril 1961.
C’est
quand même un titre de gloire, dit Lucien l’âne, il faut bien le
reconnaître et
d’ailleurs, j’ai appris qu’il était coutumier des excès de
vitesse et des accidents en automobile et qu’on lui pardonnait tout
ça en tant que héros, car une fois reconnu d’intérêt national,
les héros peuvent à peu près tout se permettre. Il n’y a que la
mort qui peut les calmer.
Oui,
oui, Lucien l’âne mon ami,
et comme on va le voir, c’est ce qui est arrivé. Donc, la chanson.
Je passe les éléments qu’elle explique elle-même ou qui s’en
déduisent aisément parmi lesquels ce qui a trait à la guerre du
Vietnam, aux astronautes étazuniens sur la Lune, aux timbres-poste
et aux lentilles-éphélides. Par contre, je vais examiner cette
vengeance de la Terre qui le fit s’écraser au sol qui est réelle
et prit la forme de l’accident d’avion qui en 1968, mit fin aux
jours de l’officier-aviateur soviétique. C’est autour de cette
vengeance que se brode la chanson. Ainsi, Icare, héros du premier
vol mythique qui subit la vengeance par
l’entremise du
Soleil et tombe
dans la mer (Mer Icarienne) ; Sergei
Isaevitch Utockin (Odessa 1876 – Saint Pétersbourg 1916),
quant à lui, fut d’abord un cycliste et un pistard de renom, puis,
s’est entiché du plus léger que l’air et de l’avion. Il finit
lui aussi – après mille tribulations – dans un accident d’avion
qui l’écrasa au sol et l’entraîna irrésistiblement à une fin
dramatique ; Piotr
Nikolaievitch Nesterov (Nijni Novgorod 1887 – Jovkva 1914),
aviateur russe lui aussi, fit le premier les « boucles »
de Nesterov, connues ici sous le nom de « loopings ».
C’était en 1913. Ces fameuses boucles étaient au programme de la
formation de l’élève-aviateur Youri Gagarine. Nesterov finit
lui aussi écrasé au sol en même temps l’avion autrichien (et ses
occupants) qu’il avait volontairement éperonné ; Nikolai
Frantsevich Gastello (Moscou 1907 - ? 1941), autre officier
aviateur russe dont la légende (à la véracité douteuse) raconte
qu’il jeta son appareil sur une colonne militaire allemande en
1941 : telle est la vengeance de la Terre.
C’est
une mère redoutablement possessive, dit Lucien l’âne. Maintenant,
il nous faut conclure et tisser le linceul de ce vieux monde (humain,
seulement humain) brutal, guerrier, maladroit, idiot et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Fils
de la terre, je suis Gagarine,
Oui,
je suis Gagarine.
Le
premier, j’ai volé,
Et
après moi, vous volerez.
Enfant
de l’humanité,
La
terre m’a donné
Pour
toujours aux
cieux.
Ce
mois d’avril radieux,
Les
visages des étoiles, sans caresses, gelés,
Couverts
de rouille et de mousse,
Se
sont réchauffés
À
mes lentilles
ambrées
De
Smolensk au ciel montées.
Mes
éphélides ne sont plus là
Et
il est terrible
pour moi
De
n’être plus
qu’un bronze, un ancien
aléa,
De
ne plus caresser
ni l’herbe, ni
un sapin,
Ni
faire grincer la grille du
jardin.
Sous
la cicatrice noire du timbre,
Je
vous souris
De
mon sourire qui
s’est tari.
Regardez
bien les cartes et les timbres
Et
vous comprendrez à l’instant :
Que
pour l’éternité à
présent,
Je
suis en vol permanent.
Applaudi
des mains de
l’humanité entière,
La
gloire a essayé de me séduire,
Mais
ça n’a pas marché.
Je
me suis écrasé sur la terre,
Que
j’avais vue
si petite à mes pieds,
Elle
n’a pu me le
pardonner,
Moi,
je pardonne à la terre,
Je
suis son fils, en esprit et en chair,
Et
pour des siècles,
je fais serment
De
continuer à survoler
Les
bombardements,
Les
mensonges des télés
Qui
l’enserrent de leurs
arabesques,
Au-dessus
des filles qui
dansent
Leur
strip-tease de dames
Pour
les soldats du Vietnam.
Au-dessus
de la tonsure
Du
moine
Qui
voudrait voler,
gêné par sa soutane,
Au-dessus
de la censure
Qui
en Espagne étouffa
les poètes sous
son voile,
Il
y a ceux qui volent
Dans
le simoun vertigineux des étoiles.
Et
il y a ceux qui se
débattent
Dans
le marais qu’ils
ont voulu.
Des
hommes, ô des hommes,
Vantards
ingénus,
Pensez :
n’êtes-vous
pas inquiétés
Par
les noms
des hommes
que vous avez tués ?
Ayez
honte de cette rumeur de marché !
Vous
êtes des jaloux,
Des
rapaces ou
De
voraces hiboux,
Comment
tomber si bas quand si haut vous volez ?
Je
suis Gagarine, fils de la Terre,
Enfant
de l’humanité :
Je
suis russe, grec et bulgare,
Australien,
finnois, émigré.
Je
vous incarne tous dans
Mon
élan vers le ciel.
Mon
nom est accidentel,
Mais
je n’étais pas un accident.
Alors
que la terre s’encrassait
De
vanité et de
déchets,
Changeait
mon nom,
Mais
mon âme, non.
Ils
m’appelaient Icare.
Je
gis dans la poussière, dans les cendres.
La
terre noyée d’obscurité,
Vers
le soleil, m’avait poussé.
La
cire a fondu, et résidu,
Je
suis tombé sans salut,
Mais
du soleil, un brin
Est
resté dans ma main.
Esclave,
ils m’appelaient.
La
colère sur mon dos pesait
Des
mains et des
pieds, battant la cadence,
Sur
mon corps, ils dansent.
Je
tombe sous leurs
gnons,
Maudissant
leurs
fers,
Je
me fais des
ailes des bâtons
De
mes tortionnaires !
J’étais
Utockin à Odessa,
Le
Duc eut un recul,
Quand
de ses culottes
ridicules,
Un
cheval ailé
s’envola.
Sous
le nom de Nesterov, alors,
Avec
ses boucles de la mort,
Tournant
au-dessus de la poudreuse,
Je
fis tomber la lune amoureuse
La
mort siffla sur
mes ailes encor.
C’est
une vertu de la
mépriser
Et
comme Gastello
aux joues claires,
Sur
l’ennemi, je me suis jeté
Et
mes ailes
téméraires
Brûlant
comme un bûcher, ont protégé,
Vous
qui étiez encore à
ce moment
Aldrin,
Collins, Armstrong, des enfants.
Et
moi, membre invisible et
secret
De
l’équipage d’Apollo au
complet
Et
sûr de l’espoir discret
Que
les hommes sont une seule famille,
On
mangea des
pastilles,
Et
pendant le voyage, on
trinqua
Comme
sur l’Elbe, autrefois,
Et
sur fond de la
Galaxie, on s’embrassa.
Le
travail se fit sans parlotte,
La
vie était en jeu, trop de danger,
Et
finalement, Armstrong avec
sa botte,
Sur
la lune posa mon pied.