vendredi 3 septembre 2021

BALLADE POUR UNE BALLERINE

BALLADE POUR UNE BALLERINE


Version française – BALLADE POUR UNE BALLERINE – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – Ballata a una ballerinaMarco Sonaglia2021

Ballate dalla grande recessione (ballades de la grande récession)
Texte : Salvo Lo Galbo
Musique : Marco Sonaglia



 


DÉSHABILLAGE DE LA DANSEUSE

Henri de Toulouse-Lautrec – 1894

 

 

 « Ballade à une danseuse » est une chanson poignante dédiée aux derniers moments de l’existence de la danseuse juive polonaise Lola Horovitz (nom de scène Franceska Mann), morte à 26 ans au camp de concentration d’Auschwitz après s’être beaucoup battue (« Ballade pour qui voit venir sa mort, Ballade pour qui veut choisir son sort. ») ; c’est une chanson qui nous apprend que la connaissance du passé est essentielle pour éviter de commettre des erreurs à l’avenir (comme le diraient I Nomadi – les Nomades, un autre groupe dont Sonaglia s’inspire, « Hier engage aujourd’hui pour demain »).






Résister même quand tout est perdu : telle est la leçon que la danseuse polonaise laisse derrière elle, même plus de 75 ans après sa mort.


Courage et intelligence : tels sont les traits saillants de Franceska Mann, une danseuse polonaise morte à Auschwitz des mains des nazis. Ses origines l’avaient arrachée à la danse, sa grande passion et son travail. Elle avait captivé des foules d’hommes, y compris les plus hauts dignitaires nazis qui, une fois au camp, l’avaient reconnue et “regardée”. Ils se repentiraient de ces œillades lascives. À l’occasion de la Journée de commémoration de la Mémoire, nous racontons l’histoire de Franceska Mann, la danseuse qui s’opposa aux nazis.


La danse, quelle passion !


Franceska Mann est née à Varsovie, le 4 février 1917. Enfant, elle a commencé à étudier la danse, une passion qui conditionnera toute sa vie. De fait, dans les années Trente, elle était l’une des danseuses les plus appréciées de la capitale polonaise. Elle se produisait sous le nom de Lola Horovitz. En 1939, au plus fort de l’effervescence nazie, elle se classe quatrième d’un concours international de ballet à Bruxelles. Mais à la fin de 1943, les engagements commencèrent à se raréfier au ghetto de Varsovie. Oui, car Franceska était juive.


La trappe de l’hôtel Polski


En 1943, Himmler ordonne la liquidation immédiate et complète du ghetto de la ville. Franceska, ainsi que de nombreux autres Juifs qui avaient obtenu des papiers de citoyenneté de pays neutres, principalement d’Amérique du Sud, se sont installés dans la partie aryenne de Varsovie, à l’hôtel Polski, au 29 de la rue Dluga, pour être précis. Mauvaise stratégie : l’hôtel était un piège de la Gestapo, mis en place avec l’aide de quelques collaborationnistes, pour capturer des Juifs. Des milliers de personnes ont été remises.



Rencontre avec Josef Schillinger



Le 23 octobre 1943, à l’âge de 26 ans, Franceska monte dans l’un des trains infâmes à destination d’Auschwitz. Il y en avait des centaines. Lorsque le train s’est arrêté, on leur a dit que ce n’était qu’un arrêt intermédiaire vers la Suisse. Puis ils ont commencé à décharger les passagers et à séparer les hommes des femmes. Là, Franceska rencontre Josef Schillinger, rapporteur au crématoire II du camp d’Auschwitz : « Mesdames et messieurs, au nom de l’administration du camp, je vous souhaite la bienvenue ! Je suis désolé que votre voyage ait dû être interrompu, mais les autorités suisses ont demandé que vous soyez désinfectées avant d’entrer en Suisse afin d’éviter d’introduire des maladies sur leur territoire », déclara Schillinger. Franceska, mortifiée de honte comme les autres déportées, a commencé à se déshabiller et – comme l’ont ordonné les militaires – à déposer ses objets précieux. Pendant ce temps, Jozef Schillinger et Wilhelm Emmerich la regardaient. Elle réalisa qu’elle se trouvait au camp d’Auschwitz-Birkenau et qu’elle avait une chance de salut.



Danse, le salut !


Alors, en se déshabillant, elle improvisa un strip-tease. D’abord, elle souleva sa jupe, puis elle enleva son chemisier, s’appuyant sur un poteau pour ôter une chaussure. Et avec cette arme improvisée qu’elle frappa Schillinger au front. Profitant de la confusion, elle saisit son arme et tira deux coups de feu dans l’estomac de l’officier. Elle blessa également Emmerich, mais seulement à une jambe. Cet incident le fera boiter toute sa vie. C’est le début du chaos : les autres femmes rejoignent également la révolte, mais les Allemands répriment tout dans le sang, à coups de mitrailleuses et de grenades. Même la courageuse Franceska mourut et le reste des femmes finit dans les chambres à gaz. Mais tout ne fut pas inutile. « L’action héroïque d’une femme faible face à une mort certaine donna un soutien moral à chaque prisonnière. Nous avons tout de suite compris que si nous levions la main sur eux, cette main pouvait tuer ; eux aussi étaient mortels ». Résister, toujours et dans tous les cas, même face à une mort certaine, est l’une des nombreuses façons de conserver son humanité.





Moi, je vous aurais libérées, mais, les belles,

Vous devez d’abord vous changer.

Lola comprend en montant aux douches ;

Elle se déshabille lentement pour capter

L’attention du soldat, prendre son arme

Et tirer deux balles dans son ventre.


Ballade pour qui voit venir sa mort,

Ballade pour qui veut choisir son sort.


Depuis l’hôtel Polski à Bergen-Belsen jusque là,

Au lieu de dire et de noncer, déjà,

Horovitz appela les autres à ses côtés

Les encourageant à attraper

L’histoire en plein vol, comme si une danse

Pouvait suspendre en l’air les insoumises.


Ballade pour qui voit venir sa mort,

Ballade pour qui veut choisir son sort.


Le soldat embrasse la ballerine,

Par d’autres SS, d’un tir meurtrier

Frappée à mort, la figurine

Arrive à son dernier palier,

Juive, de son vrai nom, Franceska Mann,

À Auschwitz, finit dans les flammes


Ballade pour qui voit venir sa mort,

Ballade pour qui veut choisir son sort.


De la vie et de la mort, que dire ?

Ces histoires emmêlées toujours à réécrire ?

Une ballade pour qui va mourir

Et cette fois, choisit de vivre.