BALLADE POUR UNE BALLERINE
Version française – BALLADE POUR UNE BALLERINE – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson
italienne – Ballata
a una ballerina – Marco
Sonaglia – 2021
Ballate
dalla grande recessione (ballades
de la grande récession)
Texte :
Salvo
Lo
Galbo
Musique :
Marco
Sonaglia
DÉSHABILLAGE DE LA DANSEUSE
Henri de Toulouse-Lautrec – 1894
« Ballade à une danseuse » est une chanson poignante dédiée aux derniers moments de l’existence de la danseuse juive polonaise Lola Horovitz (nom de scène Franceska Mann), morte à 26 ans au camp de concentration d’Auschwitz après s’être beaucoup battue (« Ballade pour qui voit venir sa mort, Ballade pour qui veut choisir son sort. ») ; c’est une chanson qui nous apprend que la connaissance du passé est essentielle pour éviter de commettre des erreurs à l’avenir (comme le diraient I Nomadi – les Nomades, un autre groupe dont Sonaglia s’inspire, « Hier engage aujourd’hui pour demain »).
Résister
même quand tout est perdu : telle est la leçon que la danseuse
polonaise laisse derrière elle, même plus de 75 ans après sa
mort.
Courage et intelligence : tels sont les traits saillants de Franceska Mann, une danseuse polonaise morte à Auschwitz des mains des nazis. Ses origines l’avaient arrachée à la danse, sa grande passion et son travail. Elle avait captivé des foules d’hommes, y compris les plus hauts dignitaires nazis qui, une fois au camp, l’avaient reconnue et “regardée”. Ils se repentiraient de ces œillades lascives. À l’occasion de la Journée de commémoration de la Mémoire, nous racontons l’histoire de Franceska Mann, la danseuse qui s’opposa aux nazis.
La danse, quelle passion !
Franceska
Mann est née à Varsovie, le 4 février 1917. Enfant, elle a
commencé à étudier la danse, une passion qui conditionnera toute
sa vie. De fait, dans les années Trente, elle était l’une des
danseuses les plus appréciées de la capitale polonaise. Elle se
produisait sous le nom de Lola Horovitz. En 1939, au plus fort de
l’effervescence nazie, elle se classe quatrième d’un concours
international de ballet à Bruxelles. Mais à la fin de 1943, les
engagements commencèrent à se raréfier au ghetto de Varsovie. Oui,
car Franceska était juive.
La trappe de l’hôtel Polski
En 1943, Himmler ordonne la liquidation immédiate et complète du ghetto de la ville. Franceska, ainsi que de nombreux autres Juifs qui avaient obtenu des papiers de citoyenneté de pays neutres, principalement d’Amérique du Sud, se sont installés dans la partie aryenne de Varsovie, à l’hôtel Polski, au 29 de la rue Dluga, pour être précis. Mauvaise stratégie : l’hôtel était un piège de la Gestapo, mis en place avec l’aide de quelques collaborationnistes, pour capturer des Juifs. Des milliers de personnes ont été remises.
Rencontre avec Josef Schillinger
Le
23 octobre 1943, à l’âge de 26 ans, Franceska monte dans l’un
des trains infâmes à destination d’Auschwitz. Il y en avait des
centaines. Lorsque le train s’est arrêté, on leur a dit que ce
n’était qu’un arrêt intermédiaire vers la Suisse. Puis ils ont
commencé à décharger les passagers et à séparer les hommes des
femmes. Là, Franceska rencontre Josef Schillinger, rapporteur au
crématoire II du camp d’Auschwitz : « Mesdames et
messieurs, au nom de l’administration du camp, je vous souhaite la
bienvenue ! Je suis désolé que votre voyage ait dû être
interrompu, mais les autorités suisses ont demandé que vous soyez
désinfectées avant d’entrer en Suisse afin d’éviter
d’introduire des maladies sur leur territoire », déclara
Schillinger. Franceska, mortifiée de honte comme les autres
déportées, a commencé à se déshabiller et – comme l’ont
ordonné les militaires – à déposer ses objets précieux. Pendant
ce temps, Jozef Schillinger et Wilhelm Emmerich la regardaient. Elle
réalisa qu’elle se trouvait au camp d’Auschwitz-Birkenau et
qu’elle avait une chance de salut.
Danse,
le salut !
Alors, en se déshabillant, elle improvisa un strip-tease. D’abord, elle souleva sa jupe, puis elle enleva son chemisier, s’appuyant sur un poteau pour ôter une chaussure. Et avec cette arme improvisée qu’elle frappa Schillinger au front. Profitant de la confusion, elle saisit son arme et tira deux coups de feu dans l’estomac de l’officier. Elle blessa également Emmerich, mais seulement à une jambe. Cet incident le fera boiter toute sa vie. C’est le début du chaos : les autres femmes rejoignent également la révolte, mais les Allemands répriment tout dans le sang, à coups de mitrailleuses et de grenades. Même la courageuse Franceska mourut et le reste des femmes finit dans les chambres à gaz. Mais tout ne fut pas inutile. « L’action héroïque d’une femme faible face à une mort certaine donna un soutien moral à chaque prisonnière. Nous avons tout de suite compris que si nous levions la main sur eux, cette main pouvait tuer ; eux aussi étaient mortels ». Résister, toujours et dans tous les cas, même face à une mort certaine, est l’une des nombreuses façons de conserver son humanité.
Moi, je vous aurais libérées, mais, les belles,
Vous devez d’abord vous changer.
Lola comprend en montant aux douches ;
Elle se déshabille lentement pour capter
L’attention du soldat, prendre son arme
Et tirer deux balles dans son ventre.
Ballade pour qui voit venir sa mort,
Ballade pour qui veut choisir son sort.
Depuis l’hôtel Polski à Bergen-Belsen jusque là,
Au lieu de dire et de dénoncer, déjà,
Horovitz appela les autres à ses côtés
Les encourageant à attraper
L’histoire en plein vol, comme si une danse
Pouvait suspendre en l’air les insoumises.
Ballade pour qui voit venir sa mort,
Ballade pour qui veut choisir son sort.
Le soldat embrasse la ballerine,
Par d’autres SS, d’un tir meurtrier
Frappée à mort, la figurine
Arrive à son dernier palier,
Juive, de son vrai nom, Franceska Mann,
À Auschwitz, finit dans les flammes
Ballade pour qui voit venir sa mort,
Ballade pour qui veut choisir son sort.
De
la vie et de la
mort, que dire ?
Ces histoires emmêlées toujours à réécrire ?
Une ballade pour qui va mourir
Et cette fois, choisit de vivre.