vendredi 26 septembre 2014

ROME EST FAITE POUR LES RUPINS

ROME EST FAITE POUR LES RUPINS

Version française – ROME EST FAITE POUR LES RUPINS – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson romanesque (italienne) – Roma è fatta pei ricchi signori – anonimo - 1970




Chantier à Rome - Carlo Levi - 1949

On comprend ici pourquoi Rocco Scotellaro, venu à Rome sans chaussettes (ainsi que le racontait Linuccia Saba, l'amie de Carlo Levi, lorsque Rocco était arrivé chez eux de Matera), n'a pu rester dans cette ville, ogresse tentaculaire. Il le racontait dans Passaggio alla città - Passage vers la ville [[48207]]. Et je vais te dire que j'ai un peu galéré en ce qui concerne le titre de la canzone. 


Tu as galéré ? Et pourquoi ? Je ne vois vraiment pas où est le problème et ce qui a pu t'arrêter, dit Lucien l'âne en ouvrant des yeux et si noirs qu'on aurait dit des lacs de haute montagne à la tombée du jour et en dressant ses oreilles en points d’interrogation…


Sans doute, vu de l'extérieur, c'est simple, mais… J'aurais, vois-tu Lucien l'âne mon ami, j'aurais dû traduire (et si on traduit, c'est évidemment la bonne solution) « Roma è fatta pei ricchi signori » par quelque chose comme : « Rome est faite pour les riches messieurs »… Mais çà, crois-moi, ça ne tient pas la route en français.


Oh oui, dit Lucien l'âne, je le sens bien… Ça ne va vraiment pas. Il vaudrait mieux, si tu permets, il eût mieux valu – car je vois bien que tu ne reviendras pas sur ton titre… il eût mieux valu dire : « Rome est faite pour les gens riches », ce que raconte très bien « La dolce vita » de Fellini.


Et c'est bien comme ça que je l'avais traduit une première fois. Le sens est exact et la formule est bonne. Mais je l'ai abandonné aussi cette traduction ; ça disait bien ce que ça voulait dire, mais il manquait quelque chose, un je ne sais quoi d'ironique… C'est ça, il manquait un peu d'acide ironique, un peu de crème de mépris pour ces « gens-là » ; pour cette caste. Alors, il m'est revenu ce mot de rupin. D'où vient-il ? Si j'en crois les dictionnaires, c'est un mot ancien, on le trouverait déjà au XVIième siècle… Mais pour moi, il m'est revenu de Léo Ferré qui l'avait repêché dans l'argot parisien ; il en a d'ailleurs fait une chanson, que je vais m'empresser de te faire connaître – et nous en discuterons ensemble. Mais pour résumer la chose et en clair, les « rupins », ce sont les riches, les richetons…


Rome est faite pour les riches… Mais toutes les grandes villes, toutes les capitales… sont faites pour les riches et dans toutes, le destin des pauvres est bien celui décrit ici… Misère et compagnie. Et même si la chanson date de 1970, on dirait une description, une histoire d'aujourd'hui…


Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde méprisant, méprisable, condescendant, rampant et cacochyme.



Heureusement !




Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Nous avons du temps à chômer
Nous avons du temps pour flâner
Avec ces sous qu'ils nous ont donnés
On ne peut s'en tirer.

Les prix montent, montent
Et toujours descend le salaire
Dis-moi comment on fait à Rome
Dis-moi comment on fait à Rome

Rome est faite pour les rupins
Pour les grands requins
Et nous nous n'avons rien

Quand on mange, on ne s'habille pas
Quand on s'habille, on ne mange pas
Quand on doit payer un loyer
On va au mont de piété

L'autre soir, ma femme m'a déclaré
Avec cette misère qu'ils nous donnent, on ne peut aller bien loin
Et ainsi l'ouvrier est obligé
De se jeter dans le fleuve, il n'y a plus de saints.