dimanche 31 octobre 2021

Actualisation nationale

Actualisation nationale


Chanson française – Actualisation nationale – Marco Valdo M.I. – 2021



ACTUALISATION

Alexandre Zinoviev


Dialogue Maïeutique


Certains pourraient croire que dans cette chanson, il ne s’agit que de la Russie, dit Marco Valdo M.I., mais il n’en est rien. Elle s’adresse à tous les gens de la terre.


Oui, dit Lucien l’âne, cette chanson a un parfum de Russie, comme qui dirait, elle a l’âme slave.


Certes, reprend Marco Valdo M.I., mais Vian n’était pas russe, même si certains l’ont imaginé du fait qu’il se prénommait Boris. C’est pareil pour la chanson. En fait, sous ses airs slaves, elle vise bien au-delà d’un pays ou d’un guide quelconque. Elle expose seulement le lien indéfectible entre une nation et un guide. D’un autre côté, il est vrai qu’actuellement (et depuis longtemps déjà – plus de vingt ans), la Russie a un guide, qui a pris la succession des précédents, mais nombre d’autres nations disposent d’un guide et nombre d’autres encore espèrent en trouver un. Nation et guide sont les deux mamelles du nationalisme, qui ronge l’humanité depuis des siècles.


En somme, dit Lucien l’âne, pour ce qui est des guides et des nations, s’il fallait établir une liste, il vaudrait mieux établir la liste des pays qui ne sont pas contaminés ou en voie de décontamination ; ils sont très rares. Par ailleurs, pour résumer l’idée qu’avance la chanson, elle établit l’axiome une nation – un guide ; ce qui peut se traduire par : un peuple, un guide et ce qui se dit en allemand : ein Volk, ein Führer.


Exactement, Lucien l’âne mon ami, cette chanson tend à montrer l’existence de certains mécanismes sociologiques, de certains processus quasiment biologiques et à tout le moins, logiques de l’évolution anthropologique. Elle met à nu une tendance catastrophique des humains en groupe : ils veulent un chef, ils veulent s’agglomérer. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir, même le plus raffiné d’entre eux, la démocratie. Cette chanson ne fait que transposer la façon dont les gens anonymes d’un pays quelconque où s’incruste l’idée de nation, d’identité nationale, de grandeur, conçoivent les choses. Il s’agit de décortiquer le monde comme il va. Quant à savoir ce qu’il devrait être, la chanson n’en sait rien.


Oui, mais quand même, dit Lucien l’âne, elle a un air slave ta chanson.


Tout à fait, je te l’ai déjà dit, répond Marco Valdo M.I., et je vais te dire pourquoi. Tout simplement, car elle est directement inspirée du début de « L’Antichambre du Paradis », un livre déjà ancien d’un romancier russe longtemps méprisé, dénommé Alexandre Zinoviev, qui s’est essayé lui aussi à comprendre la société humaine. Mais assez pour cette fois-ci, on y reviendra peut-être.


Alors, tissons le linceul de ce vieux monde nationaliste, identitaire, ambitieux et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Dans notre grand pays,

Il y a un guide.

Il y a toujours eu un guide,

Depuis que notre pays est un pays.

Parfois, on change de guide.

Jamais de pays.


Gloire aux dirigeants,

Nous vivons mieux à présent ;

Grâce à nos dirigeants,

Notre avenir sera grand.


Dans notre grand pays,

Il est une coutume

Qui, à notre grand pays,

Va comme un costume :

Les villes adoptent le nom du guide

Chaque fois qu’on change de guide.


Gloire aux dirigeants,

Nous vivons mieux à présent ;

Grâce à nos dirigeants,

Notre avenir sera grand.


Notre dernier guide baptisé

Du doux nom de Foutine,

Les villes vont s’appeler

Selon notre antique routine :

Foutineville, Foutinegrad,

Foutinetown, Foutinestadt.


Gloire aux dirigeants,

Nous vivons mieux à présent ;

Grâce à nos dirigeants,

Notre avenir sera grand.


jeudi 28 octobre 2021

La Manifestation de Prague


La Manifestation de Prague



Chanson française – La Manifestation de Prague Marco Valdo M.I. – 2021


Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.


Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur ; Épisode 10 La Victoire morale ; Épisode 11 – Le Parti et ses Partisans ; Épisode 12 Le Monde des Animaux ; Épisode 13 Le Parti National Social ; Épisode 14 Le Camarade Škatula ; Épisode 15 Tous Frères


Épisode 16






LA MANIFESTATION DE PRAGUE


František Kupka – 1921




Dialogue maïeutique


Oh, dit Lucien l’âne, la manifestation de Prague. Qu’est-ce ? Laquelle ? Car ce ne doit pas être la seule manifestation qu’il y ait eu à Prague et je me demande ce qui justifie cette formulation et ce que cette manifestation peut avoir de particulier. Il y a eu des tas de manifestations à Prague et même, c’est le seul endroit au monde où il y a eu trois défenestrations – au moins.


Certes, Lucien l’âne mon ami, mais ce n’est pas pareil. Comme la chanson le raconte, il s’agit d’un événement très original et qui n’est pas près de se répéter – à Prague ou ailleurs.


Quoi ? Quel est ce mystère ?, s’étonne Lucien l’âne. Une manifestation ?, mais il n’y a rien là de bien original ; il y en a des milliers – sinon plus, chaque année de par le monde. Ce n’est pas non plus la seule chanson à raconter une manifestation. Par exemple, on en parlait pas plus tard que hier quand on dialoguait maïeutiquement de la chanson « Le grand Métingue du Métropolitain ».


C’est exact, répond Marco Valdo M.I., et je m’en vais te dévoiler le mystère de cette manifestation véritablement exceptionnelle, qui l’est d’ailleurs à plusieurs titres. D’abord, quand tu sauras de quoi il s’agit exactement, il te suffira de l’imaginer aujourd’hui à Rome pour en comprendre toute la particulière dimension. Ensuite, je te prie de noter qu’il ne s’agit pas d’une manifestation du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.


Mais alors, s’étonne Lucien l’âne, que vient-elle faire ici dans l’histoire du P.P.M.L.L. ?


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, elle est consacrée à un membre du Parti, dénommé Karel Penant, lequel a réellement existé, comme d’autres membres du Parti et d’autres personnages qui paraissent dans cette histoire, à commencer par Jaroslav Hašek. D’ailleurs, pour ce que j’en sais, ce qu’en dit la chanson est globalement exact. Voici ce que j’ai pu rassembler comme information biographique (en espéranto) à son sujet : Karel Penant (1874-1925), journaliste tchèque, espérantiste, libre-penseur, athée, pamphlétiste anticlérical et antibourgeois (un ancêtre de Jacques Brel : Les Bourgeois), traducteur anglais et français vers la langue tchèque et l’espéranto.


Bien, dit Lucien Lane, Karel Penant est membre du P.P.M.L.L. et ça nous mène où ?


À la manifestation, justement, répond Marco Valdo M.I. en riant. En tête du cortège des libres-penseurs où marche Karel Penant. Déjà, en soi, une manifestation de libres-penseurs avec drapeaux, bannières, etc., c’est un événement remarquable, exceptionnel ; mais l’affaire se corse quand la manifestation s’augmente d’une procession catholique en l’honneur de l’archevêque, escortée de 400 policiers, et qui se dirige vers la même place Wenceslas par le même boulevard en chantant des hymnes religieux tandis que les mécréants entament en chœur « À bas la calotte ! ».


Ça, dit Lucien l’âne, ce devait être quelque chose, un fameux spectacle ; je l’admets.


Et ce n’est pas tout, reprend Marco Valdo M.I., car débouche sur la même avenue la manifestation du Premier Mai et, ses drapeaux rouges, ses fanfares et ses 30.000 socialistes, qui se joignent aux athées et englobent la procession. C’est ainsi que cette manifestation composite finit sur le grand-place pour saluer l’archevêque de « Louons le Seigneur ! » et d’« À bas la calotte ! »


Le saint homme a dû être un peu surpris, dit Lucien l’âne. Mais soit, je te l’accorde, cette manifestation de Prague était vraiment un moment original et ma foi, réjouissant, digne des frères Marx et des Monty Python. Il ne reste plus à toute cette bande de bigotes et d’anticléricaux qu’à chanter en chœur « Always Look on the Bright Side of Life » ; quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde trop religieux, trop crédule, trop croyant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Karel Pelant est du Parti.

Son seul nom effraie dans le pays

Les abonnées à La Croix ou à Marie.

Les vieilles se signent et prient

Pour son âme d’athée et de bandit.

Ce mécréant ne croit pas en Dieu, il l’écrit,

Il le dit, il le proclame urbi et orbi.

Sa bête noire est l’Église catholique,

Contre elle, sans cesse, il polémique.

Il l’invective sans répit, elle le maudit.


Karel Pelant, demain, ira en Amérique

Prêcher aux Indiens baptisés

Le refus de ce Dieu venu de l’étranger

Et l’abandon de sa croix totémique.

À Prague, en attendant,

Il marche en tête fièrement

Du grand cortège libre-penseur

Défilant bannières au vent.

Tous sont de bonne humeur.

Ce le premier jour de mai, c’est le printemps.


Par quatre cents policiers encadrée,

Venant d’une autre allée,

En toute chrétienne innocence,

De vieilles, de vieux, d’enfants de chœur,

Chantant : « Nous te louons, Seigneur ! »,

Une religieuse procession s’avance :

C’est l’archevêque qu’on honore

D’ostensoirs et d’oriflammes multicolores.

Tous vont dans le même sens,

Rien encore ne trouble les consciences.


Voici une troupe encore qui s’en va en ville,

Des femmes, des hommes, au moins trente mille.

Sous les banderoles et les drapeaux rouges,

Tout un peuple remue et bouge.

Voici les socialistes, voici les anarchistes.

Ils scandent « À bas la calotte ! »

Et toutes sortes d’hymnes antipapistes.

Soudain, les foules s’emberlificotent

Et les bondieusards pieux prient Dieu

Et tremblent parmi les banlieusards tumultueux.








mercredi 27 octobre 2021

Le grand Métingue du Métropolitain

 


Le grand Métingue du Métropolitain

Chanson française – Le grand Métingue du Métropolitain – Marc Ogeret – 1988.

Texte : Maurice Mac Nab – Musique : Camille Baron – 1880

Diverses interprétations :

Jacques Grello – Le grand Métingue du Métropolitain

Marc Ogeret - Le grand Métingue du Métropolitain

Pierre Perret – Le grand Métingue du Métropolitain


 


 JEAN JAURÈS EN MÉTINGUE – 1913.


Dialogue maïeutique


Oui, oui, Lucien l’âne mon ami, on l’avait perdu de vue ou d’ouïe cette histoire du grand métingue du Métropolitain, mais comme le temps des cerises, elle flotte dans la mémoire et resurgit parfois. C’est le sort de la chanson populaire ; souvent même, on n’en connaît pas l’auteur et on ne sait ce qu’est devenue celle qui en fut l’inspiratrice. Tout ce qu’on en sait, c’est ce qu’en dit plus tard l’auteur, Jean-Baptiste Clément :


« Nous sûmes seulement qu’elle s’appelait Louise et qu’elle était ouvrière.
Naturellement, elle devait être avec les révoltés et les las-de-vivre !
Qu’est-elle devenue ? »


Ah, dit Lucien l’âne, le grand métingue ; ça me rappelle quelque chose. Rien que le titre ouvre des horizons de Bastille, de bistrot et de cachot.


Oui, c’est bien cette chanson-là, reprend Marco Valdo M.I., où un ouvrier parisien, un samedi soir après le turbin, au lieu d’aller au bal ou spectacle avec sa Poupoule, comme le chanta le premier Mayol, dans sa tout aussi populaire « Viens, Poupoule ! », s’en va au grand métingue du Métropolitain. À vrai dire, il est déjà fort entamé et pas mal éméché – dame, il a touché sa paye :


« J’avais déjà vidé plus d’une bouteille,
Si bien que je m’avais jamais trouvé si rond. »


Une chanson qui connaît bien son monde, vu qu’on y croise, allusion à Robespierre à la République ou à la proximité entre le courant socialiste et la libre-pensée :


« Les citoyens, dans un élan sublime,
Étaient venus guidés par la raison. »


Je passe le reste.


Je comprends, dit Lucien l’âne, mais il faudrait faire un petit lexique pour ceux à qui certains mots ne seraient pas familiers.


Bien volontiers, Lucien l’âne mon ami. Voici donc :

rond : soûl, saoul

zingue : comptoir du bistrot (en zinc)

turbin : boulot, travail

métingue : réunion, assemblée. Mot passé en anglais sous le nom de « meeting ».

municipaux – pluriel de municipal : agents de police

pékin : civil

orgueille : orgueil

bastringue : chahut, tumulte

brind’zingue : dans le gaz, soûl

géants de 48 : les révolutionnaires de 1848 qui chassèrent Louis-Philippe et créèrent la IIe République.

Fourrer au violon : mettre en cellule.


Et ainsi, pour une fois, dit Lucien l’âne, on s’est fendu d’un peu de didactisme. Je dis « pour une fois », puisque ce n’est vraiment pas dans nos habitudes, car s’il fallait faire de l’explication de texte à chaque fois, on n’en finirait pas et on ne s’en sortirait plus. Maintenant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde fatigué, rond, tremblant et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane







C’était hier, samedi, jour de paye,
Et le soleil se levait sur nos fronts
J’avais déjà vidé plus d’une bouteille,
Si bien que je m’avais jamais trouvé si rond.
Voilà la bourgeoise qui rapplique devant le zingue:
« Feignant, qu’elle dit, t’as donc lâché le turbin ? »
« Oui, que je réponds, car je vais au métingue,
Au grand métingue du Métropolitain ! »

Les citoyens, dans un élan sublime,
Étaient venus guidés par la raison.
À la porte, on donnait vingt-cinq centimes
Pour soutenir les grèves de Vierzon.
Bref, à part quatre municipaux qui chlinguent
Et trois sergents déguisés en pékins,
J’ai jamais vu de plus chouette métingue,
Que le métingue du Métropolitain !

Y avait Basly, le mineur indomptable,
Camélinat, l’orgueille du pays.
Ils sont grimpés tous deux sur une table,
Pour mettre la question sur le tapis.
Mais, tout à coup, on entend du bastringue ;
C’est un mouchard qui veut faire le malin !
Il est venu pour troubler le métingue,
Le grand métingue du Métropolitain !

Moi je tombe dessus, et pendant qu’il proteste,
D’un grand coup de poing, j’y renfonce son chapeau.
Il déguerpit sans demander son reste,
En faisant signe aux quatre municipaux
À la faveur de ce que j’étais brind'zingue,
On m’a conduit jusqu’au poste voisin
Et c’est comme ça qu’a fini le métingue,
Le grand métingue du Métropolitain !

Morale :

Peuple français, la Bastille est détruite,
Et y a z'encor des cachots pour tes fils !
Souviens-toi des géants de quarante-huit
Qu’étaient plus grands que ceusses d’au jour d’aujourd’hui,
Car c’est toujours le pauvre ouvrier qui trinque,
Même qu’on le fourre au violon pour un rien.
C’était tout de même un bien chouette métingue,
Que le métingue du Métropolitain !


dimanche 24 octobre 2021

Arbre d’ananar

 

Arbre d’ananar

Chanson française – Arbre d’ananar – Marco Valdo M.I. – 2021





ARBRE ROUGE

Piet Mondrian – 1909


Dialogue maïeutique


Qu’est-ce que c’est que cette chanson « Arbre d’ananar » ?, dit Lucien l’âne. C’est marrant, elle me rappelle une chanson où il est question de moi, oui, oui, de moi, à poil et en os, même qu’elle s’intitule « L’Âne anar ».


Tu as raison, Lucien l’âne mon ami, et même qu’elle est liée à une autre chanson, une chanson de Léo Ferré, qui s’intitule « Graine d’ananar » et même que Bernart Bartleby (tout un programme ce nom de Bartleby) nous l’avait dédiée. Donc, celle-ci – précisément « Arbre d’ananar » – reprend en une parodie du texte et pourquoi pas, carrément la musique, le schéma de celle-là. C’est une lointaine tradition des poètes et des chansonniers, des trouvères et des troubadours, des aèdes et des rhapsodes, des ménestrels et des croque-notes, des bardes et des scaldes et même des cantastorie que j’ai coutume de traduire par « chantauteurs ». Je l’ai faite à force de voir partout célébrer le centenaire posthume de Tonton Georges et quand je me suis rendu compte de cette coïncidence : il a pris sa retraite (de manière assez abrupte) à quelques jours de son anniversaire de naissance. Ce qui fait qu’il y a ces jours-ci quarante ans qu’il s’en est allé dans les bras de la Camarde.


Oui, dit Lucien l’âne, je sais cela. Mais parle-moi encore d’« Arbre d’ananar ».


Il te souviendra aussi, dès lors que tu as une pareille mémoire, Lucien l’âne mon ami, d’une autre parodie dont on avait parlé ici, que j’avais faite en souvenir de Léo Ferré, intitulée « Mon vieux Léo », tirée de la chanson de Georges Brassens « Le vieux Léon ». Elle imaginait, cette chanson, que Brassens adressait une salutation à Léo Ferré. On y disait :

« C’est « Mon Vieux Léo », une canzone où il est question de Léo Ferré. C’est, comme je te l’ai dit, une parodie d’une chanson de Georges Brassens : « Le vieux Léon » (1953) et elle a comme trame une histoire que j’ai inventée, à savoir que Georges Brassens, reprenant son vieux Léon, s’adresse à Léo Ferré par-delà le temps de façon très amicale et l’interpelle à propos de son grand saut dans le rien ou sur le rocher (étant Monaco où on l’a ramené d’Italie) et la vie d’artiste qu’il peut y mener avec les autres anarchistes exilés là-bas dans le néant. »


Sûrement que je m’en souviens, répond Lucien l’âne et je pourrais reprendre mot pour mot ma conclusion de cet ancien dialogue :

« Juste pour dire, évidemment. Cela étant, il faudrait sans doute un de ces jours que tu insères « Le vieux Léon » de Tonton Georges dans les Chansons contre la Guerre, car tout comme La Vie d’Artiste de Ferré, cette chanson manque cruellement au tableau. Enfin, je t’avoue que je suis très impatient de découvrir cette parodie et je me réjouis hautement déjà, rien qu’à l’idée. Voyons-la et reprenons notre tâche »


Sans doute, dans le futur, te souviendras-tu de ce dialogue-ci, reprend Marco Valdo M.I. ; maintenant, j’invite à un petit jeu sans malice et qui remue bien des souvenirs.


En voilà une idée, répond Lucien l’âne en riant et de quoi s’agit-il ?



Tout simplement, Lucien l’âne mon ami, il s’agit de découvrir dans cette parodie une série d’allusions, de références à diverses chansons de Georges Brassens et aussi, de Léo Ferré.


À première vue, conclut Lucien l’âne, je dirais aussi de Boby Lapointe, qui dans « Ta Katie t’a quitté » disait :


« Ce soir au bar de la gare
Igor hagard est noir
Il n’arrête guère de boire. »


Ma parole, ta parole, par exemple ; avec un peu d’oreille et de mémoire, on peut y jouer avec beaucoup de chansons et trouver des tas de clins d’yeux à d’autres chanteurs, à d’autres poètes. On en a assez dit, tissons le linceul de ce vieux monde féroce, oublieux, sénescent, pénible, ignoble, ignare et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Le temps s’en est allé

Mais toi, tu es resté

Au Bal des Quat’z’Arts,

Hors de ce grand bazar

Qu’est cette société,

Loin de la société,

Tu l’as toujours été,

Tu es un type à part,

Un arbre d’ananar.


On a dit que mouflet,

Tu volais

Et que ton papa

Brave homme, ne voulait pas

Qu’on mette à l’écolier

Un collier tressé

Qui l’aurait blessé,

Une chaîne de clébard

À l’arbre d’ananar.


T’avais des copains

Qui buvaient le vin

Mais le vin est tiré

Pour être éclusé

En bonne société.

Au cœur de l’amitié

À chacun son quart,

Arbre d’ananar.


Si je savais où

Tu as fait ton trou,

J’irais te retrouver

Pour t’écouter chanter.

Comme je ne sais pas

Où aller pour ça,

J’irai voir au bar de la gare

Après l’arbre d’ananar.


On me dit que c’est fini,

Que tu es parti

Et que tu resteras

Au nom de la loi

De l’éternité,

Loin de cette société

Qui doit regretter

D’avoir mis au rancart,

L’arbre d’ananar.


Même le grand oubli

Se fait tout petit,

Même les corneilles

Croassent des merveilles,

Pour te garder ici

Et c’est amusant

Qu’il y a ce vent

Qui souffle sur le pont des Arts

Dans tes branches d’arbre d’ananar.


Après toutes ces années,

Il reste de toi

Les traces de ta voix

Et de tes idées.

Moi, je dis que la société

Ne doit pas brusquer

Les enfants bâtards

De l’arbre d’ananar.

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