LE TESTAMENT DE MARIO
Version
française – LE TESTAMENT DE MARIO – Marco Valdo M.I. – 2013
29
novembre 2010. Il y a dix ans. Le réalisateur de Viareggio Mario
Monicelli est hospitalisé à l’hôpital San Giovanni de Rome pour
un cancer de la prostate en phase terminale. Il a 95 ans et a presque
complètement perdu la vue. Laissé seul dans la pièce, il se traîne
à la fenêtre et se jette dans le vide.
« Je
ne sais pas ce qui sera dit demain sur ce qui s’est passé –
c’est le commentaire brûlant du réalisateur Giovanni Veronesi –
mais une chose doit être dite : je n’ai jamais entendu de
quelqu’un qui se serait suicidé à l’âge de nonante-cinq ans.
C’était vraiment spécial. »
Tomaso
Monicelli, le père de Mario, journaliste et dramaturge, s’est
également suicidé en 1946. À propos de la mort de son père,
Monicelli avait dit : « J’ai compris son geste. La vie
ne vaut pas toujours d’être vécue ; si elle cesse d’être
vraie et digne, elle n’en vaut pas la peine. J’ai trouvé le
cadavre de mon père. Vers six heures du matin, j’ai entendu un
coup de feu, je me suis levé et j’ai forcé la porte de la salle
de bain. Entre autres choses, une salle de bain très modeste » .
Quelques
mois auparavant, Mario Monicelli avait donné une interview dans
laquelle il déclarait : « Ne jamais avoir d’espoir. L’espoir
est un piège, c’est une chose infâme inventée par les
responsables. »
En
définitive, le geste de Mario Monicelli est un geste de liberté,
contre ceux qui « ne me laissent pas faire autrement »,
comme l’écrit Appino dans cette belle chanson, contre ceux qui
veulent décider de notre vie et de notre mort.
Dialogue
Maïeutique (Court)
Ah,
ajoute Marco Valdo M.I., figure-toi que j’ai dû un peu préciser
le titre de
ma version en
langue
française
et l’intituler « LE TESTAMENT DE MARIO »,
car le
titre qui correspondait au titre italien « Il Testamento »
était déjà pris et l’antériorité
de la chanson de Georges Brassens, intitulée : « Le
Testament » ne fait aucun débat. Il
n’y aura dès lors aucune confusion possible.
De
mon côté,
dit Lucien l’âne, je voudrais juste signaler que cette version
française a été faite sur la suggestion de Lorenzo Masetti, suite
à la lecture de « Euthanasiez-moi »,
qui faisait référence à la chanson « Déshabillez-moi »,
que le même Lorenzo avait traduite en italien. Pour
le reste, tissons le linceul de ce vieux monde réactionnaire,
pandémique, exotique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
J’ai
dix strophes pour laisser un beau souvenir ;
J’ai
dix étages qui m’attendent là en bas ;
Certes,
peu de gens peuvent comprendre ça,
Mais
en vérité, je suis heureux de mourir.
J’ai
fait tout ce que je devais faire
Et
j’ai foiré pour le plaisir de foirer.
J’étais
volubile quand il valait mieux se taire
Et
j’ai dormi seulement pour recommencer.
J’ai
été seul tout le temps nécessaire
À
regarder les autres et je n’étais pas un solitaire
Et
j’ai cru à tous autant que j’ai pu.
Je
me suis toujours relevé après être chu.
J’ai
trompé seulement les plus puissants ;
Je
leur ai toujours préféré les mendiants.
Je
me fichais des jugements des gens,
Car
personne ne juge, s’il est un peu intelligent.
J’en
ai aimé beaucoup, car je le voulais.
J’en
ai détesté tant, eux aussi par amour, mais
Si
j’ai préféré le Christ à son père,
Qu’aucun
Dieu ne vienne me mettre en terre.
J’ai
choisi tout ce que j’ai été
Et
j’ai payé bien content de payer,
Car
le choix au fond est la seule ligne
Qui
rend cette vie plus ou moins digne.
Et
donc, je choisis de sauter de la corniche
Comme
un cerf-volant, une mouette, un faucon,
Comme
une phalène, une pipistrelle, un avion
Qui
vole haut, mais maintenant je m’écrase.
Et
si je t’ai choisie pour des raisons mystérieuses,
Nous
avons passé ensemble des journées merveilleuses
Et
tu le sais bien que je le fais par nature,
Ne
plus te revoir est mon unique fêlure.
Aux
bienpensants qui le trouvent immoral,
À
ceux qui le liront dans le journal,
Aux
dames à la bouche pleine et au grand coeur,
À
ceux qui ne me laissent pas le faire à mon heur,
J’ai
choisi exactement ce que je suis
Sans
le choix, moi, ma vie je l’abandonne.
Sauf
ma douleur, j’ai tout choisi,
Et
je vais la
tuer ; et il n’y a rien à comprendre.