ÉLOGE
DE L’ÂNE
Version
française – ÉLOGE DE L’ÂNE – Marco Valdo M.I. – 2018
Sonnet
introductif
aux dialogues de
della Cabala
del Cavallo Pegaseo
– Londra,
1585
Suivi dell’Asino Cillenico
[Fausse indication (d’éditeur) : Parigi, appresso Antonio Baio, 1585]
Musique et texte modernisé (sous le titre In lode all’asino)
Hautville, 2011
Album : Nomen Lumen
Suivi dell’Asino Cillenico
[Fausse indication (d’éditeur) : Parigi, appresso Antonio Baio, 1585]
Musique et texte modernisé (sous le titre In lode all’asino)
Hautville, 2011
Album : Nomen Lumen
« Je repropose ci-après le célèbre sonnet que Giordano Bruno place en introduction aux dialogues contenus dans la Cabale du cheval Pégase. Un « éloge de l’ignorance », exprimé sous forme de poésie et avec une insurpassable ironie. Il ne suffit pas seulement de rappeler le bûcher du grand philosophe italien, sur le Campo dei Fiori le 17 février 1600, mais il témoigne combien est long et pénible le chemin vers la connaissance et la vérité, à laquelle comme disait le Nolano (alias Giordano Bruno, né à Nola), nous pouvons seulement « tendre à nous approcher ». Dogmatisme, scepticisme et vérités révélées sont en effet toujours en embuscade pour empêcher les êtres humains de sortir du sommeil par la raison. Aujourd’hui, comme alors, le pouvoir, partout où il se tient, élève le « drapeau de l’ânerie », en manipulant savamment l’information, en cachant ses desseins, en prêchant et en imposant son dogme, au seul but de se conserver lui-même. À l’ânerie imposée par les castes de tout genre, le citadin doit savoir opposer une ânerie « consciente », avec la reconnaissance socratique de sa propre ignorance, pour l’élimination de tout genre de préjugé et pour être un acteur de l’Histoire. »
Comme introduction brève mais complète au sonnet du Brûlé du Campo dei Fiori, qu’il écrivit et publia quinze ans avant le fatal 17 février de 1600, je ne pouvais que reproduire ce que dit Sergio Magaldi dans son Zibaldone (un zibaldone est un pêle-mêle, un foutoir, et dans ce cas, un carnet de notes, un cahier et en franglais : blog). Cependant. Deux ou trois autres choses doivent être dites. Dans un site historiquement « asinien » comme celui-ci, et peuplé d’ânes en personne (Lucien Lâne), avec de plus un parcours consacré aux « asini bello adversi » (ânes contre la guerre), j’étais sincèrement convaincu que le sonnet du Nolano fût déjà présent, et peut-être que Marco Valdo l’aurait cité plusieurs fois dans ses Dialogues Maïeutiques. Ensuite, je suis allé voir, et il n’y était pas. Pourrait-il manquer ici ? Jamais de la vie, pour le dire avec un brutal gallicisme. Le voici, et même avec sa musique moderne, récente, par un intéressant groupe d’origine de la Basilicate, les Hautville, qui l’ont harmonisé (en forme très belle, à mon avis) dans leur album du 2011 Nomen Lumen. Et ainsi, il entre dans le site la Sainte Asinité de Giordano Bruno, par la grand’porte. Moi, cependant, je continue à être fondamentalement perplexe sur les fréquentes et anciennes anthropomorphisations des animaux utilisées pour énoncer les vices, caractéristiques et vertus de cet autre animal appelé scientifiquement Homo sapiens. Il me plairait par exemple de savoir quand l’Âne, emblème historique de l’ignorance, a pris son semblable et l’a mis au bûcher sur une place romaine. Ignorance, dieux, bûchers et autres sont des affaires entièrement humaines. Pas celles des ânes.
Avec
tout cela, le 17 février d’il y a 418 ans, s’est passé ce qui
s’est passé ; ce sont de vieilles histoires, et je reste
convaincu que, s’ils pouvaient encore le faire, ils le feraient
tranquillement encore aujourd’hui nonobstant les papefrançois et
tant d’autres. Curieusement, le 17 février est devenu, depuis
l’autre année, la Journée Mondiale du Chat. Peut-être parce que
le très savant Omo Sapienz, par ses superstitions et ses dieux, a
détruit les chats par millions à certaines époques, favorisant
ainsi des épidémies de peste diverses du fait que les très
intelligents petits animaux appelés des rats n’avaient plus leurs
régulateurs naturels. Dites-moi, dès lors, où se tient
l’ignorance. [RV]
Dialogue
maïeutique
Aujourd’hui,
Lucien l’âne mon ami, avec cet éloge de l’âne et
l’interpellation de notre ami Ventu, on ne pourrait faire moins que
de proposer un dialogue maïeutique. D’autres raisons s’y
ajoutent évidemment : d’abord, car ce dialogue est une de nos
habitudes, ce qui suffirait en soi ; mais, ce qui est plus
circonstanciel, mais pas moins déterminant, c’est aussi le mode
d’exposition qu’utilise Giordano Bruno dans cette Cabale de
l’Asino… Excuse-moi, ma langue a fourché, je voulais de toute
évidence dire cette Cabale del cavalo pegaseo, qui en français se
dirait la Cabale du cheval Pégase. Enfin, comme tu le sais, Giordano
Bruno était inscrit dans la constellation de mes préoccupations
prochaines.
Cependant,
avant d’aller plus avant, il me faut avouer que j’ignorais tout
de cet Éloge de l’Âne, mais je me rattrape par cette version
française que j’espère convenable et assez fidèle à l’esprit
de Giordano Bruno, lequel doit flotter dans les airs les plus
salubres de l’atmosphère et roder autour du monde tel un satellite
pluricentenaire.
Ah,
Marco Valdo M.I. mon ami, en matière de dialogue maïeutique et
d’intérêt pour Giordano Bruno, tu ne dois pas être si timide,
car je te rappelle que précédemment tu avais proposé ici même une
version française de diverses chansons le célébrant.
Je me souviens ainsi de Giordano de Franco Fosca – avec un dialogue maïeutique, de
Giordano
Bruno de Rocco Rosignoli – avec un dialogue
maïeutique, de Giordano
Bruno de Stefano Rosso – avec un dialogue maïeutique,
de Giordano
Bruno, du som vet vilket pris den kan få betala av de Jan Hammarlund… et bien sûr, il en reste encore à faire.
Je
sais, je le sais, Lucien l’âne mon ami, « mais il y a tant
de choses à faire avant de partir pour le firmament, il y a tant de
jours et tant de nuits », disait presque la petite Émilie de
Philippe Chatel.
Oh,
dit Lucien l’âne, je connais bien cette histoire et il faudra sans
doute que l’insère un jour ici. Le texte d’origine est cependant
légèrement différent, mais sans doute, te connaissant, tu l’as
volontairement
un peu adapté. De fait, il est moins contemplatif et plus tourné
vers l’acte. Tiens, je te chantonne le passage d’Émilie
et le Grand Oiseau – n’était-ce pas Julien Clerc ? :
« Mais
il y a tant de choses à voir avant
De partir pour le firmament,
Il y a tant de pages à tourner
Ta vie ne fait que commencer,
Il y a tant de choses à voir avant
De partir pour le firmament,
Il y a tant de jours et tant de nuits,
Tu es au début de ta vie. »
De partir pour le firmament,
Il y a tant de pages à tourner
Ta vie ne fait que commencer,
Il y a tant de choses à voir avant
De partir pour le firmament,
Il y a tant de jours et tant de nuits,
Tu es au début de ta vie. »
Mais
finalement, revenons à ce sonnet de Bruno qui fait l’éloge de
l’asinité, autrement
dit
d’une certaine bêtise sociétalement répandue. Au passage, on
rappellera que Jean-Paul fit (en allemand) comme
entrée dans sa vie littéraire et que Jacques Brel la chanta lui aussi, cette Bêtise qui devrait avoir sa place
bien en vue ici, étant une des causes principales de la guerre et un
de ses meilleurs fondements.
Tout
cela est fort bien, dit Lucien l’âne, mais il nous faut reprendre
notre tâche et tisser, tisser le linceul de ce vieux monde rongé
par la bêtise, la cupidité, l’ignorance, la brutalité et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Ô
sainte Ânerie,
sainte Ignorance
Sainte Sottise et pieuse Dévotion,
Que peut faire l’âme de bon
Si talent et savoir humains ne lui sont d’aucune avance ;
Sainte Sottise et pieuse Dévotion,
Que peut faire l’âme de bon
Si talent et savoir humains ne lui sont d’aucune avance ;
N’y
arrive pas la
peineuse attention
Qu’elle soit, d’art ou d’invention,
Ou de pontifiante contemplation
Du ciel où tu situes ta maison.
Qu’elle soit, d’art ou d’invention,
Ou de pontifiante contemplation
Du ciel où tu situes ta maison.
Que
vous vaut,
curieux, l’étude
De ce que fait la nature,
Si de terre, feu et mer sont aussi les astres ?
De ce que fait la nature,
Si de terre, feu et mer sont aussi les astres ?