mardi 5 novembre 2019

La Mare aux Cochons

La Mare aux Cochons

Chanson française – La Mare aux Cochons – Marco Valdo M.I. – 2019

ARLEQUIN AMOUREUX – 8 bis

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



Dialogue Maïeutique

Véritablement, Lucien l’âne mon ami, notre Arlequin au monastère a le temps long et s’est résolu à travailler. Comme je ne me souviens pas si je te l’ai déjà précisé, ce monastère par ailleurs est aussi un collège où l’ex-maestro a été abrité – des foudres militaires et des aléas de l’hiver – par le Père Prosper auquel finalement, il sert de surveillant-assistant durant les heures d’école. Après avoir pesé le pour et le contre de sa situation, après avoir interrogé à ce sujet Dieu (le père) lui-même et Arlecchina, il balançait encore, affirmant au Père Prosper et même, au Supérieur du monastère qu’il avait l’intention de se faire à la vie monastique, Matthias se décide soudain. Tel est le thème de la chanson.

Dans le fond, réfléchit Lucien l’âne, moi, je le comprends et je comprends tous ses revirements. Car, quand même, dans cet établissement, il est garanti contre bien des choses et des dangers de l’existence : le froid, la faim, la pluie ; il bénéficie d’un toit, de vêtements, d’une vie tranquille et régulière.Et en plus, il est à l’abri des poursuites militaires. Mais évidemment, il est enfermé et cette vie monacale n’est pas celle qui convient à son tempérament. Donc, finalement, il tranche.

Comme on pouvait l’imaginer, Lucien l’âne mon ami, cette décision n’est pas sans rapport avec le retour du printemps et la venue des belles saisons. En fait, Arlecchino, habitué à l’errance, ne tient plus en place ; dans ce couvent, il se sent comme en prison. Et il choisit de s’en échapper. D’abord, il pense le faire comme un prisonnier qui se fait la belle, c’est-à-dire en catimini, sans prévenir qui que ce soit ; mais au dernier moment, il a le chic de saluer le Père Prosper – le seul qui veille encore à cette heure sombre, et de l’aviser de son escapade. Malgré tout, malgré ce mouvement de confiance, ses habitudes de dissimulation et de mensonge, héritées de sa vie vagabonde et clandestine, le reprennent au dernier moment et il invente une fois encore, comme un élève dissipé, une excuse qu’il pense acceptable, ajoutant le mensonge au mensonge. De même, il ne peut s’empêcher de commettre un dernier larcin.

Mais, dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, que vient faire dans tout ça cette mare aux cochons qui donne le titre à la chanson ?

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, Mathieu, Matthias, Matteo, Luigi Sevastiano Arlecchino Kuře tout comme il n’a pas pu s’empêcher de faire un détour par la sacristie pour y dérober quelques objets de valeur, ne peut s’en aller par la voie normale : la porte par laquelle il était pourtant entré précipitamment quand il était en danger. Il le fait nocturnement et comme à cette heure, le couvent est clos hermétiquement, il passe par les jardins et franchit le mur d’enceinte à l’aide d’une échelle qu’il avait posée là, derrière les groseilliers. Cependant, c’est la nuit noire et du haut du mur, il ne peut voir le sol. C’est ainsi qu’il finit par se lancer dans l’inconnu et s’immerger dans la mare aux cochons. Un incident malodorant, en quelque sorte, prémonitoire ou en tout, exemplaire et illustratif de la situation dans laquelle il se replonge.

En effet, dit Lucien l’âne en riant, il se jette volontairement dans le brin et c’est assez drôle – du moins, pour les spectateurs. Cela dit, tissons le linceul de ce vieux monde boueux, vaseux, merdeux et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je n’en peux plus ! Juré, promis,
C’est fini, je m’en vais d’ici.
Fuir toujours, toujours fuir
Du déserteur, c’est l’avenir.

Dans un drap sur le plancher
Pliés les vêtements, posés les souliers,
Un quignon de pain sec, des pommes ridées
Et Santa Arlecchina soigneusement roulée.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Qu’est-ce qui vous arrive, Matthias ?
Ma mère me réclame, elle trépasse.
Où vas-tu vraiment, Matthias ?
Dehors, très loin, où le vent s’efface.

De nuit, à pieds de bas ?
N’emportes-tu rien avec toi ?
Mon baluchon, un ciboire,
Trois chasubles et au revoir !

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Aller entre le persil et les carottes,
Jusqu’au mur, au pied de l’échelle
Et grimper, une deux, avec ma hotte
Sur la crête, souffler, la vie est belle.

Maintenant, sauter dans le noir.
Qu’y a-t-il en bas ? Rien, une mare
Où seuls les cochons vont boire,
Où passe la route de l’espoir.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.