La Cheminée
Chanson française – La Cheminée – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 47
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XX)
Ulenspiegel le Gueux – 47
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – II, XX)
Donc, Lucien l’âne mon ami, Till est dans la cheminée, les pieds posés sur les crampons, le cul sur une planchette ; il se tait comme un poulet enfumé, car il lui faut « Écouter, entendre, faire rapport ».
Je me souviens, Marco Valdo M.I. ; nous en sommes restés là, nous aussi dans la cheminée enfumée, où comme Till, on attend la suite du débat.
Eh bien, dit Marco Valdo M.I., la voici. Entre les « chefs » des Gueux, soudain, rien ne va plus. Comme toujours dans les luttes d’indépendance, préludes aux combats pour la libération, qui portent les volontés de liberté, comme toujours en ces circonstances, certains se veulent fidèles au pouvoir en place et légitiment l’occupant ; d’autres se rebellent légitimement. Les uns disent leur confiance dans le pouvoir espagnol ; les autres se défient, prennent du champ et entrent en résistance. J’ajoute, à toutes fins utiles, que ce sont des confrontations qui peuvent durer longtemps.
Oui, dit Lucien l’âne, je vois très bien tout ça. Les uns sont pour la soumission à l’autorité d’Espagne ; les autres ne veulent pas se soumettre à l’envahisseur. Mais est-ce bien raisonnable de vouloir la liberté ? Est-ce seulement possible de résister à cette Espagne qui se veut inflexible, qui se croit « une et grande » et qui méprise et vilipende systématiquement ses opposants ? Le rapport de forces me paraît tellement disproportionné entre cette puissante royauté et ces insurgés, armés seulement de leur volonté.
De fait, dit Marco Valdo M.I., c’est la situation à ce moment. Mais pour une fois, je te propose une citation d’un historien de ces péripéties, qui s’appelait Charles de Mazade, qui écrivait, dans la Revue des Deux Mondes – c’était en 1865, il y a 150 ans déjà :
« Espérer quand tout sourit, quand tout concourt au succès, c’est trop facile. La vie des peuples qui souffrent se passe à espérer contre l’espérance, à rester forts contre la force, à faire de leurs malheurs mêmes le commencement et la justification anticipée de leur victoire. »
Cependant, avant de te laisser conclure, Lucien l’âne mon ami, j’aimerais relever les répliques prophétiques entre Egmont et Orange, qui se disent :
« (Egmont:) Adieu, Prince sans terre ! »
Taiseux dit : « Adieu, Comte sans tête ! »
et la réflexion que Till, tout aussi digne de Cassandre, tire dans sa cheminée :
« Albe vient en maître,
Egmont est traître.
L’Espagnol arrive à Bruxelles.
Sauvez vos escarcelles ! »
En disant ça, Marco Valdo M.I., tu m’ôtes les mots de la bouche. Que pourrais-je dire de plus, si ce n’est qu’il me paraît que ces leçons anciennes – tout ça se passait quand même il y a 450 ans – me semblent toujours pertinentes aujourd’hui. Notamment, quand on voit les événements d’Espagne dans le siècle écoulé. Certes, les gens des Pays-Bas ne sont plus sous cette domination, mais il est d’autres gens qui la subissent auxquels la citation de Charles de Mazade pourrait mettre du baume au cœur. Quant à nous, qui n’y pouvons sans doute rien, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde autoritaire, borné, dictatorial et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans la cheminée, campé sur ses crampons,
Till écoute les voix :
La voix hautaine, c’est le Comte d’Egmont ;
La grosse voix, c’est Hornes, Baron d’Altona ;
Le Comte d’Hoogstraeten, c’est la voix enrouée ;
Louis, Comte de Nassau, c’est la voix claire ;
Et Orange le Taiseux, son frère,
Lentement énonce ses paroles empesées.
Hoogstraeten lit les lettres d’Alava,
Ambassadeur d’Espagne aux Pays-Bas,
Où l’on lit les pensées du Roi
Et on devine ce qui adviendra.
Tout le mal vient des trois :
D’Orange, de Hornes et d’Egmont.
Albe et son armée sont là-bas,
Bientôt, Nous les écarterons.
J’aime mieux ma cheminée, pour sûr !,
En ces Pays de brumeuse campagne
Qu’une prison au pays d’Espagne
Où des garrots poussent entre les murs.
Philippe dit : En nos bas pays,
L’Espagne est amoindrie,
Le service de Dieu est avili,
La rébellion doit être punie.
Hoogstraeten dit : « Je bois aux Pays ! »,
Tous font comme lui.
« Une armée vient d’Espagne,
Menée par Albe jusqu’en nos campagnes ! »
« Nous résisterons, dit le Taiseux
Avec l’aide des soldats d’Egmont
Hors des Pays, nous chasserons
Les armées de l’Espagne et le Duc trop pieux. »
Egmont répond : « Je ne le veux !,
Adieu, Prince sans terre ! »
Taiseux dit : « Adieu, Comte sans tête ! »
Les seigneurs quittent les lieux.
Till se dit : Albe vient en maître,
Egmont est traître.
L’Espagnol arrive à Bruxelles.
Sauvez vos escarcelles !