dimanche 29 juillet 2018

Les Gueux des Bois


Les Gueux des Bois


Chanson française – Les Gueux des Bois – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
75
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXXIV)







Dialogue Maïeutique

À en croire le titre de la canzone, dit Lucien l’âne, il y aurait une troisième sorte de Gueux ; après les Gueux de terre et les Gueux de mer, on découvre les Gueux des bois. Dans le fond, c’est bien possible et cette nouvelle sorte de Gueux dans son village perdu dans les feuillages me fait irrésistiblement penser à Walter Scott et à son Robin des Bois.

À mon sens aussi, ce n’est pas sans rapport, dit Marco Valdo M.I., d’autant que Charles De Coster, né en 1827, avait sans aucun doute pu lire, déjà dans son enfance ou son adolescence, l’Ivanhoé qui était le livre d’aventures par excellence et avait marqué les romanciers romantiques de sa génération. C’est notamment le cas d’Alexandre Dumas. Par ailleurs, la canzone reprend et sans hésitation cette même filiation.

Pour ce que j’en ai vu, et pas seulement le titre, dit Lucien l’âne, c’est évident. D’autre part, Till lui-même a des points communs avec l’archer vert de la Forêt de Sherwood : guerre de libération, résistance, justicier au grand cœur, combattant inébranlable qui prend le parti des pauvres contre les riches… J’arrête là, mais la chose est certaine. Je pense aussi reconnaître ton goût pour le deuxième sens des mots et des choses dans le titre qui sonne à mon oreille d’âne de bien curieuse façon ; il me semble entendre : les gueules de bois. Mais peut-être est-ce pure supputation de ma part ?

Lucien l’âne mon ami, je ne répondrai pas à pareille insinuation mal torchée, car elle a toutes les raisons d’être pertinente. Cependant, pur en revenir à cet épisode de la Légende et à cette troisième sorte de Gueux, il me semble qu’elle a dû nécessairement exister, car la répression espagnole chassait les hérétiques et avait provoqué des exils nombreux ; de surcroît, dans toutes les guerres de résistance et de libération, on trouve toujours des maquis, des forêts, des bois, des marais, des montagnes, quand ce n’est pas des déserts qui sont des lieux de refuge pour les rebelles. Et enfin, il y aurait mille et mille choses à dire encore, mais ce n’est pas le lieu ici pour des développements encyclopédiques. Ici, nous ne faisons qu’effleurer les choses ; quant aux détails, la chanson en fourmille.

En effet, Marco Valdo M.I., ici, on laisse place à l’imagination et à la patiente recherche. Nous pauvres lélians, pauvres descendants des canuts, nous n’avons pas le temps, ni la notoriété nécessaires pour pontifier. Il nous revient seulement de tisser le linceul de ce vieux monde insensé, injuste, imbécile, incorrect et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Le soleil d’été tue l’ombre ;
À midi, le répit n’existe pas.
Délaissant le bord de la rivière,
Till et Lamme entrent dans le bois.

Assis à l’orée de la clairière,
Ébahis, les deux compères
Regardent passer les cerfs
Et les broquarts surgissant du vert.

Till dit : « Tirons ce gibier
Qui va à sa reposée dans le hallier.
Poursuivons-le dans le fourré,
Il nous fera de quoi manger. »

Lamme répond : « Cerf est gibier de roi.
Laisse courir cette bête-là !
Si on nous prend à le chasser,
Nous serons pendus sans pitié. »

Une bande de loqueteux armés
Qui chassaient la harde.
Emmènent Till et Lamme prisonniers
À leur campement, sous bonne garde.

Au camp, des hommes en armes,
Des femmes, des enfants, tous en alarme.
Till dit : « N’êtes-vous pas nos Frères des bois
Qui fuient la persécution des soudards du roi ? »

« Nous sommes Frères des Bois,
Dit le plus vieux, mais qui es-tu, toi ? »
« Je suis, dit Till, peintre, manant, sculpteur,
Par le monde, je vais libre et sans peur. »

« Et qui es-tu toi, gros homme ?
« De par le monde, je cherche ma femme. »
« Écoute la sonnerie, le cerf est mort.
Nous le mangerons ce soir encore. »

Till dit : « Ne craignez-vous pas
Les juges, les happe-chair, les forestiers ? »
« Nous sommes nombreux, ils préfèrent nous ignorer.
Nous vivons en paix, tant que l’Espagnol n’est pas là. »

Till dit : « C’est sur mer,
Qu’il faut combattre ce fléau.
Pour chasser le bourreau et ses féaux,
Il n’est plus temps de guerre sur terre. »