samedi 11 septembre 2021

Le Parti et ses Partisans

 

Le Parti et ses Partisans


Chanson française – Le Parti et ses Partisans – Marco Valdo M.I. – 2021


Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.


Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode ; Épisode 4 – La Guerre de Klim ; Épisode 5 – La Prise de Monastir ; Épisode 6 – La Vérité sur La Prise de Monastir ; Épisode 7 – Le Parti et les Paysans ; Épisode 8 – Le Premier Chrétien ; Épisode 9 – Le Provocateur ; Épisode 10 La Victoire morale ;



Épisode 11




LA TAVERNE

Bohumil Kubišta – 1910


Dialogue maïeutique


Souviens-toi, Lucien l’âne mon ami, dans cette histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi, on en était resté à la tentative de confrontation démocratique et pacifique des idées avec le Parti National-Social lors d’un meeting de ce dernier. L’affaire s’était terminée par l’expulsion brutale des contradicteurs et même, de leur passage à tabac. Chose qui avait été baptisée justement la victoire morale.


Je me souviens parfaitement de ça, dit Lucien l’âne, et cette conclusion réaliste :

« Aux partisans, il faut souvent des soins urgents.

Sauf accident, un parti débutant vaincra moralement. »


Fort bien, dit Marco Valdo M.I. ; alors, il ne me faut pas expliquer ce qu’est une victoire morale et sa signification profonde. Ainsi, suite à cette première victoire morale, les membres du Parti, au nombre de sept, se replient sur leur quartier-général-refuge, l’auberge du Litre d’Or pour un moment de répit mérité.


Et puis, après ?, demande Lucien l’âne.


Après, répond Marco Valdo M.I., la chanson en profite pour présenter quelques-uns des partisans, qui, note le en passant, se révèlent tous être des anarchistes. Comme quoi, il y a eu aussi des partis anarchistes, dont celui-ci dont on s’apercevra qu’il est quand même fort différent des partis classiques. On y découvre Mahen – Jiří Mahen, de son vrai nom Antonín Vančura, poète et dramaturge, qui plus tard, sous la république tchèque, deviendra metteur en scène et directeur du Théâtre national de Brno ; il se suicidera en 1939 à l’entrée des armées nazies en Tchécoslovaquie. On y rencontre le poète et cabarettiste Joseph Mach, plus tard également écrivain, homme de théâtre et de cinéma ; il est l’auteur de l’« hymne » du Parti. Enfin on croise un commissaire de police qui persuade le conteur de l’histoire, président-fondateur du Parti, Jaroslav Hašek de laisser son emploi de rédacteur dans le journal anarchiste « La Commune ». C’est à la suite de cette intervention, venue d’en haut, qu’il entre au journal « Le Monde des Animaux » et fonde le Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi.



Oh, dit Lucien l’âne, il n’y a là rien d’étonnant. Si je me souviens bien, toi-même, tu fus l’inspirateur du parti de Blanche Neige et des Sept Nains, qui connut aussi une étonnante victoire morale lorsqu’il se présenta (sans toi) aux élections et Pierre Dac et Francis Blanche avaient bien créé Le Parti d’en Rire. Par ailleurs, ce commissaire n’a pas vraiment tort. À mon sens, c’est à nouveau, l’histoire de la baleine ; elle peut désavouer et maudire la mer, il lui faut pourtant s’y mouvoir et jouer son rôle de baleine. C’est pareil pour les ânes, je dois le dire. Maintenant, je suis curieux de connaître la suite de cette aventure politique. En attendant que tu la composes, tissons le linceul de ce vieux monde anarchiste, monarchiste, turfiste, fasciste et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient, Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Après son écrasante victoire morale,

Le Parti reforma ses rangs à l’écart,

Derrière la maison communale.

Avec nos yeux au beurre noir,

On avait l’air de conspirateurs.

Pour panser nos douleurs,

Le poète Josef Mach dit alors :

« L’ardeur pousse au combat politique,

On la puise au fond d’une barrique. »

Ainsi, on rentra au Litre d’Or.


Il y avait au Parti toutes sortes d’adhérents :

Des journalistes, des étudiants, des artisans.

Mahen était un chaud partisan.

C’était un anarchiste, oralement ;

À plein temps, il philosophait.

Implacable contre tous les tyrans,

Il les dénonçait, il les condamnait.

Au nom de la Raison, il les mettait au ban.

Mahen était à la société entière,

Ce qu’à la Révolution, était Robespierre.


Notre Parti était truffé de libertaires :

Josef Mach, le jour, était un poète discret,

Le soir, il chansonnait dans les cabarets.

Jiří Mahen, dans le théâtre, faisait carrière ;

C’étaient des artistes, moi, j’étais journaliste,

Le commissaire, père d’un ami, m’avertit.

La police d’État de Vienne vous tient pour anarchiste.

Être anarchiste est donc interdit ?

Pas du tout, mais c’est gênant.

Pour vous, pour votre frère et pour vos parents.


Moi aussi, j’ai connu ça, dit le conseiller ;

Moi aussi, j’ai été révolté,

Mais depuis, je suis devenu monarchiste.

Voyez, maintenant, j’ai un bon métier.

Quittez la Commune, ce journal anarchiste.

Vous y gagnerez, croyez-moi.

Ainsi, j’ai fondé le Parti pour un Progrès modéré

Dans les Limites de la Loi.

Ainsi, j’écris dans Le Monde des Animaux.

Ainsi, je me conforme aux ordres d’en haut.