samedi 5 juillet 2014

BERCEUSE NOSTALGIQUE


BERCEUSE NOSTALGIQUE

Version française – BERCEUSE NOSTALGIQUE – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson de langue allemande – Schlaflied für die Sehnsucht – Selma Meerbaum-Eisinger – 1942

Poèmes de Selma Meerbaum-Eisinger (Černivci, 1924 – camp de travail nazi de Michajlovka, 1942).
Je veux vivre.
Je veux rire et m'ennuyer
Je veux combattre, aimer et haïr
Je veux saisir le ciel avec les mains
Je veux être libre, respirer et crier.
Je ne veux pas mourir. Non.
Non…

Selma





La poétesse elle-même nota sur le manuscrit « à chanter d'après la mélodie « Di zun iz fargangen» de M. Gebirtig ».

Dans sa «Di zun iz fargangen », Gebirtig chante le rêve des années heureuses, d'insouciante jeunesse… Le réveil est amer : le soleil est couché et le poète, est seul, découragé et vieux…
De la même manière, la jeune poète de Černivici rêve de donner du courage à son bien-aimé en le berçant dans ses bras ; mais au réveil, il y a seulement horreur, vide et douleur…

Le vieux Mordechai de Cracovie et la jeune Selma de Cernovici moururent tous les deux en 1942, à peu de mois l'un de l'autre, écrasés par la fureur nazie…



Moi, dit Lucien l'âne, j'aime beaucoup cette jeune personne... Elle est entrée – par effraction – dans mon cœur d'âne. Elle n'en sortira plus. Dans le fond, elle me rappelle les jeunes filles, les jeunes femmes que j'ai croisées tout au long de mon long chemin. L'ennui, vois-tu Marco Valdo M.I. mon ami, c'était que j'étais un âne... à leurs yeux. Sans doute, si elles avaient su...


Sans doute, Lucien l'âne mon ami, pas sûr ! Mais peut-être, certainement ! Car, Lucien l'âne mon ami, les femmes sont les femmes et il n'y a là aucun mystère. Eussent-elles su qu'elles eussent pu espérer ta, comment dire ?, ta réhumanisation ; que tu retrouves, en somme, ta forme originelle... et qu'elles eussent su ce que savait celle qui te donna par inadvertance, inconscience, erreur ou jalousie, le baume qui te fit pousser indûment les oreilles, le poil et le reste... elles eussent sans sourciller pris quelque patience... Ou même, mieux encore, tenté de hâter ta résurrection ithyphallique. Mais voilà, hormis les lettrés, nul ne connaît ton potentiel... Nul ne se souvient qu'Adonis lui-même fit pauvre figure comparé à ta jeune prestance. Quel dommage !


Quel dommage, en effet, dit Lucien l'âne en baissant tristement les oreilles. Et ça fait des milliers d'années que ça dure... Imagine, Marco Valdo M.I. mon ami, ce que je dois ressentir quand elles me grimpent sur le dos, qu'elles me caressent la tête, les oreilles, le museau tout humide... Qu'elles me regardent d'un air si audacieux... et tout le reste... Quel supplice que ce bonheur ! Quel bonheur que ce supplice !


Mais pour en revenir à la chanson, c'est bien une chanson d'amour, mais d'un amour au bout du désespoir, juste avant le grand saut dans le néant. Pour cette jeune poétesse, cette Berceuse Nostalgique, c'est le chant du cygne. Elle essaye de consoler son bien-aimé et de se réconforter elle-même en invoquant la voie des rêves. Une poésie sereine au bord du gouffre. La poésie du bonheur comme viatique face à l'exil imposé par la barbarie nazie.


Pour lors, allons de l'avant, et à notre tour, comme le fait cette jeune fille si aimable, tissons le linceul de ce monde si détestable, si hideux, si meurtrier, si inique et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Oh, mon aimé, pose
Dans tes mains ta tête
Je te chante une chanson. Écoute bien !
Je te chante la douleur, la mort et la fin ;
Je te chante le bonheur, le rien.

Ferme les yeux, viens
Je vais te bercer ; enfin
Nous rêverons ensemble du bonheur.
Nous referons les mensonges les meilleurs,
Nous nous rêverons tout à l'heure.

Le réveil, ensuite
Mon aimé, c'est l'aube grise -
Ah, plus que jamais, tout est vide -
Oh, puissent les rêves bâtir encore notre bonheur,
Chasser mon épouvantable douleur !