LES YEUX DE GÉRONIMO
Version
française – LES YEUX DE GÉRONIMO
– Marco Valdo M.I. –
2016
|
Dialogue
maïeutique
Voici,
mon cher ami Lucien l’âne, une chanson dont le titre ne manquera
pas d’intriguer certains. Elle s’intitule « Les Yeux de
Géronimo ». Au départ, j’avais
dans l’idée que c’était une sorte de personnage qui se prenait
pour Géronimo, lequel est un Apache légendaire. Le
personnage de la chanson (licencié
de son emploi)
reparcourait en imagination l’aventure des populations
amérindiennes en lutte pour leur survie en
la plaquant sur sa propre vie.
J’avais
en mémoire une autre chanson italienne où parlait un personnage qui
disait : « Et
moi, j’étais Sandokan ».
Mais après coup, il m’est apparu préférable
de te proposer une
évocation de Géronimo lui-même. Même
si, quand même, le personnage de la chanson…
Comment
peux-tu être aussi affirmatif ?, Marco Valdo M.I. mon ami.
Eh
bien, je suis arrivé à cette conclusion en parcourant la biographie
de Géronimo, un Amérindien Apache, né en 1829, soit –
remarque-le bien – 100 ans après la mort du bon
curé Meslier . Géronimo, quant à lui, mourra en 1909
assez misérablement de pneumonie déporté dans un fort en Oklahoma.
De ce fait, il me faut te raconter un peu la vie de cet homme et la
mettre en parallèle à la chanson. Il connut dès sa jeunesse la vie
errante des tribus apaches – aux confins des Étazunis et du
Mexique ; il est admis, tout jeune, parmi les guerriers. Sa
colère va se déchaîner après le meurtre de sa famille (sa mère,
sa femme, ses trois enfants) par l’armée mexicaine et il
accomplira son devoir de vengeance en massacrant à son tour des
Mexicains, qui pris de terreur imploraient
le saint du
jour : « Jeronimo ». Dès ce moment, il s’empare
de ce nom qui, peut-être le croyait-il, lui avait été adressé.
Les tribus apaches mènent pendant dix années une guérilla avant de
se rendre et d’accepter d’être cantonnées dans une réserve,
dont Géronimo avec d’autres va s’échapper avant d’être
repris et ainsi de suite durant le reste de sa vie. Une
longue série de redditions et de reprises de la guérilla contre les
Mexicains d’abord, puis contre les Étazuniens.
On enverra
contre les Apaches des milliers de soldats afin de mettre fin à
cette perpétuelle révolte. Au total, il mènera la lutte – avec
des hauts et des bas – pendant près de 30 ans et il regrettera
jusqu’à sa mort de s’être finalement rendu.
Oh,
dit Lucien l’âne pensif, il a dû avoir une vie difficile et
terrible, une vie hantée par la colère et la mort. Une vie de
paria, un perpétuel qui-vive ou qui-meurt. Mais, dis-moi, Marco
Valdo M.I., pourquoi le titre est-il « Les Yeux de Géronimo »
et pas seulement, « Géronimo ».
Excellente
question et je vais te répondre en deux temps, sur deux plans. Pour
commencer de façon générale. C’est dans les yeux, dans le regard
que l’on peut vraiment voir l’homme, c’est là que s’exprime
le mieux ce que j’appellerai l’homme intérieur, celui qui est en
dedans. Le corps peut subir bien des vicissitudes, bien des
déboires ; il peut se flétrir, il peut se mutiler, mais le
regard – comme à certains égards – la voix attestent du plus
profond de l’être. Ils sont comme hors de ces atteintes de l’âge
ou des usures physiques. Le regard reste lui-même tant que l’homme
intérieur résiste au temps qui passe. Et maintenant, de manière
particulière en ce qui concerne Géronimo, je t’ai préparé un
gros plan de son regard, de ses yeux et comme tu pourras le constater
toi-même, ils sont remplis de son histoire. Par parenthèse, j’ai
pu le faire car Géronimo est un de ces personnages mythiques (disons
comme Buffalo Bill, alias
William
Frederick Cody (1846-1917),
son presque contemporain)
dont
on possède une série de photographies.
Il
faut d’ailleurs, pour beaucoup d’entre nous, faire un effort
d’imagination pour arriver à situer Géronimo dans le temps, tant
ces histoires de western, de tribus indiennes, ces histoires
d’Amérique nous semblent si lointaines comme
les légendes arthuriennes ou les aventures des mousquetaires. Mais
Géronimo est un personnage réel qui à quelques années près
aurait pu jouer son propre rôle dans un film. Ainsi, je te rappelle
que cet homme est mort en 1909 et que, par exemple, « L’Origine
des Espèces » de Charles
Robert Darwin date de 1859, soit un demi-siècle
auparavant ; et si Géronimo était venu en Europe, il aurait
fait la traversée sur un paquebot transatlantique à vapeur et
aurait gagné Paris en train, il aurait monté en haut de la Tour
Eiffel, comme nous pourrions le faire toi et moi.
Cela
dit, les problèmes que posaient Géronimo et les siens ne sont
toujours pas résolus et les Amérindiens survivent généralement
mal dans les réserves où on les a parqués. Et il n’est sans
doute pas à l’ordre du jour de les régler. Il doit y avoir un
relent de ça dans le regard si perçant de Géronimo. Alors, pour
notre part, tissons, tissons le linceul
de ce vieux monde raciste, perclus, recroquevillé sur ses inégalités
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
J’avais
dans un sac à dos, mes quinze ans et un peu de rêves
Et la terre me brûlait sous les pieds,
J’avais les pupilles dilatées par le trop de soleil déjà fixé
Et ma confiance dans la vie, mise à l’épreuve.
Avec la violence du matin, qui mordait sans trêve
Comme un chien qui saute droit à la gorge,
J’avais le cœur à contre temps et ma flamme sous le vent.
Quand l’incendie éclate, on n’a pas un instant.
Et la terre me brûlait sous les pieds,
J’avais les pupilles dilatées par le trop de soleil déjà fixé
Et ma confiance dans la vie, mise à l’épreuve.
Avec la violence du matin, qui mordait sans trêve
Comme un chien qui saute droit à la gorge,
J’avais le cœur à contre temps et ma flamme sous le vent.
Quand l’incendie éclate, on n’a pas un instant.
J’avais
du sang sur mon vêtement quand ils m’ont agenouillé
Et porté au tribunal enchaîné,
Mes blessures encore ouvertes et les pieds entravés.
Jure sur Dieu, jure de dire la vérité.
Et porté au tribunal enchaîné,
Mes blessures encore ouvertes et les pieds entravés.
Jure sur Dieu, jure de dire la vérité.
Mais
de ma bouche, Votre Honneur ne saura pas plus la vérité
Que de chaque gredin que j’ai tué,
Chaque banquier en costume, chaque garde de la moralité.
Je crois bien que je mentirais de m’excuser.
Que de chaque gredin que j’ai tué,
Chaque banquier en costume, chaque garde de la moralité.
Je crois bien que je mentirais de m’excuser.
J’avais une famille et un travail au moins honnête
Et les cheveux trop tôt blanchis sur ma tête.
Réduction de personnel, ils m’avaient dit ;
Sans un salut, sans même un merci.
Et
ma maison eut vite un ciel comme toit,
Quand la banque me l’enleva
Et il ne reste rien, sauf le reflet d’un miroir
Où j’ai peur de me voir.
J’avais les dents gâtées et le courage dans le doigt
Lorsque je pressai sur la détente
Et n’espérez pas que je me repente
De les avoir tous étendus dans ce trou avant moi.
Quand la banque me l’enleva
Et il ne reste rien, sauf le reflet d’un miroir
Où j’ai peur de me voir.
J’avais les dents gâtées et le courage dans le doigt
Lorsque je pressai sur la détente
Et n’espérez pas que je me repente
De les avoir tous étendus dans ce trou avant moi.
J’avais
la vie ravagée d’un homme de quarante ans
Mais, ils ne m’ont pas fait plier, pas même un instant.
Ils ont tout pris, mais pas le regard de ce temps :
Je les ai regardés avec mes yeux de Géronimo.
Mais, ils ne m’ont pas fait plier, pas même un instant.
Ils ont tout pris, mais pas le regard de ce temps :
Je les ai regardés avec mes yeux de Géronimo.