La Guerre de Klim
Chanson française – La Guerre de Klim – Marco Valdo M.I. – 2021
Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.
Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode
Épisode 4
RÉVOLUTIONNAIRE PATRIOTE BALKANIQUE
Louis Dupré – 1821
Dialogue maïeutique
Dans l’Histoire du Parti, dit Marco Valdo M.I., parmi les premiers adhérents, autrement dit les figures historiques du Parti, il y a eu, on s’en souvient sûrement, un fils de pasteur et un voïvode.
C’est certain, répond Lucien l’âne. Il y a peu de temps qu’on a dialogué ici au sujet du Parti, de son programme et de ses premiers membres, à savoir son fondateur le journaliste Jaroslav Hašek, le fils du pasteur et le voïvode Klimeš.
C’est lui, dit Marco Valdo M.I. ; ce Klim ou Klimeš, comme on va le voir, était un fanfaron, une sorte de Tartarin de Prague ou de Sofia. Il faisait lui-même sa promotion et proclamait à qui voulait bien l’entendre qu’il était un révolutionnaire et un grand patriote macédonien. Voilà ce qu’on en savait. Avec cette nouvelle chanson qui lui est entièrement consacrée, on va voir que les choses ne sont pas telles qu’on aurait pu les croire. Ainsi, l’épopée du Parti de Hašek se poursuit et investigue d’un peu plus près les affirmations du voïvode Klimeš. Elle détaille comme toute bonne geste les faits et gestes du héros. C’est en quelque sorte l’apologie de Klimeš, le récit de l’Iliade de Klimeš. C’est carrément un chant digne de l’aède aveugle primitif.
Pourquoi donc, Marco Valdo M.I., évoques-tu l’aède en le qualifiant de primitif ? Je ne pense pas, moi qui l’ai connu et même conduit sur les chemins de l’antique pays des Hellènes, qu’il était ce qu’on a coutume d’appeler un primitif.
Oh, Lucien l’âne mon ami, il ne l’était certainement pas au sens où tu l’entends là. J’ai dit l’aède primitif au sens de premier aède, d’aède primordial, d’aède à l’origine des épopées. J’insiste sur la dénomination d’aède aveugle primitif, car depuis – notamment en Sicile, comme le racontait Carlo Levi et dans les Balkans – comme l’atteste notamment le Dossier H d’Ismaïl Kadaré, la tradition de l’aède aveugle s’est perpétuée en continuation de sa mémoire. Cependant, il me paraît essentiel de préciser que ces « aèdes aveugles » ne sont aveugles qu’au moment où ils scandent leurs récits. C’est une pose artistique et aussi une nécessité technique. Enfermé dans son aveuglement, l’aède aux yeux clos peut se concentrer et sans se laisser distraire par les auditeurs qui l’entourent, dévider l’histoire sans être perturbés par le public. C’est essentiel, car il agit en pleine lumière à deux pas des gens et récite de longues séquences sans autre recours que la mémoire. Comme les jongleurs et les saltimbanques, il travaille sans filet, ce qui le distingue des acteurs et des chanteurs de notre époque qui ne voient pas le public devant eux à cause du noir provoqué par l’éclairage de la scène. Ceci a pour implication de donner au récit toute sa priorité et son importance.
En effet, dit Lucien l’âne, moi qui ai couru les chemins, les villages, les rues et les places des villes depuis tant e temps, depuis au moins, le temps d’Homère, je peux le confirmer ; les aèdes au moment e la récitation ont les yeux soigneusement fermés et le plus souvent, pour renforcer ce huis-clos, bandés.
Exactement, Lucien l’âne mon ami, c’est exactement ainsi que cela se passe. Cependant, pour ce qui est de La Guerre de Klim, qui est la chanson, je ne dirai rien de son contenu et je ne révélerai rien de son véritable sens. Ce sera à toi, comme à tout qui s’y intéressera, de se faire sa philosophie.
Excellente idée, Marco Valdo M.I., tu fais bien ainsi. Que chacun se fasse sa philosophie, c’est précisément l’objectif du dialogue maïeutique, qui est notre démarche philosophique et poétique. Maintenant tissons le linceul de ce vieux monde antique, sénescent, mortel, condamné et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
De tous, Klim faisait l’admiration,
C’était un héros hors dimension.
Un homme hors du commun comme lui
Était l’honneur et l’orgueil du Parti.
Son œil d’aigle ne faisait pas d’erreur,
Sûr de lui, de rien, il n’avait peur ;
Sans hésiter, toujours, il se retirait,
Dès que les choses se gâtaient.
Face au danger, dans les règles de l’art,
Il allait réfléchir en douce autre part.
Quand les hordes de l’armée régulière turque
Encerclaient la région de Salonique
Et marchaient sur la montagne Vitocha,
À Sofia dans une usine de sofas,
Klim était tapissier de métier,
C’était un ouvrier, pas un voïvode-né.
Klim vivait pépère dans la ville
Une vie calme et tranquille.
Il ignorait les vertus héroïques,
C’était l’être le plus pacifique.
À Sofia, il mentit pour la première fois,
Après une bouteille de vin grec,
Après une autre bouteille de vin sec,
Sans sourciller, il affirma
Connaître la montagne et tous les défilés
De Macédoine et même, Sarafov l’insurgé,
Ensuite, assassiné par les partisans
Pour avoir détourné l’argent
Des fusils, des grenades, des munitions,
Nécessaires au succès de la révolution.
En l’écoutant, mon désir devint pressant
De partir au front sur le champ ;
Je le suivis sans hésiter
Dans un estaminet moins exposé,
Où un groupe macédonien
Recrutait des volontaires
Pour combattre à la frontière.
Cœur noble, cœur intense, cœur d’airain,
Klim fit un discours immense, héroïque,
C’était émouvant, c’était beau, c’était homérique.