lundi 23 décembre 2019

SIROCCO


 

SIROCCO


Version française – SIROCCO – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – SciroccoFrancesco Guccini – 1987
Paroles : Francesco Guccini
Musique : Francesco Guccini – Juan Carlos Biondini [Flaco]

1. Album : Note di viaggio – Capitolo 1: Venite avanti – Interprète : Carmen Consoli [2019]
2. Album : Signora Bovary [1987] – Francesco Guccini [1987]


Toi derrière la vitre d’un bar discret,
Assis à une table de poète français
Avec béant de doutes, ton sempiternel visage



Dialogue Maïeutique


Je pense, Lucien l’âne mon ami, que tu connais très bien ce sirocco, ce vent des sables, ce vent sec et brûlant qui tombe brusquement sur les villes et qui sème aussi sûrement le chaud que la bise glacée de l’hiver sème l’effroi. L’un comme l’autre vident les boulevards et les esplanades ; ils créent pour un instant un autre climat passablement insalubre et inhospitalier.


Certes, dit Lucien l’âne, ce sont des courants d’airs venus d’ailleurs, qui amènent dans leurs basques des effluves étranges qui bouleversent le paysage olfactif. À moi, ces senteurs lointaines me plaisent beaucoup ; elles rompent la monotonie des jours et des climats ; elles mettent une autre ambiance. Ces souffles plient autrement les grands voiles de l’espace. Le sirocco est particulier cependant ; il fait sonner la musique du désert lointain ; il fait y entendre le chant des regs, des ergs et des dunes, comme les miaulements et les feulements d’un énorme guépard. Il emporte très loin les sauterelles en de sombres nuages et les cris des suricates et des fennecs. Quant à la bise du pôle, elle purifie en quelque sorte l’atmosphère – qui en a bien besoin, et même de plus en plus de nos jours – et décantent les rues des importuns et des bégueules. C’est un vent rempli d’humeurs prophylactiques et ses froidures et ses pluies éliminent sévèrement les insectes urticants et les microbes infects. Il s’agit pourtant de se brosser énergiquement le poil.


Évidemment, dit Marco Valdo M.I., c’est même le temps pour toi de porter ton célèbre bonnet et d’y enfourner tes oreilles. Mais tout ceci nous éloigne du récit de la chanson, qui raconte une brève rencontre manquée entre un poète attablé à la vitrine d’un café à la mode de Paris, mais néanmoins italien, et de sa muse, elle-même italienne.


Une affaire intemporelle, si tu veux mon avis, dit Lucien l’âne.


Relativement, en tout cas, reprend Marco Valdo M.I. ; toutefois, vu ainsi, ce sirocco est un vent qui soupire à l’intérieur des gens. Il conte une banalité comme il en rencontre des millions d’autres dans son parcours erratique. Il raconte une histoire quotidienne, qui se répète quasiment à l’identique chaque jour, même quand il ne souffle pas. Mais heureusement, il le raconte en chanson.


C’est ce qui fait son intérêt, dit Lucien l’âne, sinon qui l’aurait entendu. En somme, voilà à quoi sert la chanson : faire voir le banal et le quotidien au travers des yeux des vents. Alors, miracle, on voit tout différemment et ça donne à penser et oserais-je le mot, à ruminer. Sur ce, tissons le linceul de ce vieux monde venteux, brûlant, glacial, aride, odorant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.






Rappelle-toi ce sirocco luminescent balayait les rues,
Mystifiait la réalité et la rendait irréelle.
En un assaut baroque, les tours montaient au ciel
Et dans la rue des Juifs, les voiliers poursuivaient les nues.
Toi derrière la vitre d’un bar discret,
Assis à une table de poète français
Avec béant de doutes, ton sempiternel visage
Et dans un verre, un peu de rouge ordinaire…
Je pensais entrer pour prendre un verre…
Et parler des nuages.


Mais elle est arrivée affairée dansant dans le rose
D’une robe vichy qui s’enroulait autour de sa taille
Et elle commença à parler et commanda quelque chose
Dans le ciel extasié, les nuages couraient à la bataille…
Les larmes s’ajoutèrent au lait de ce thé,
Les mains dessinèrent des rêves et des certitudes…
Mais moi, je savais à quel point tu te sentais tiraillé.
Entre elle et l’autre, que tu ne pouvais pas laisser…
Entre vos deux fils et l’autre attitude,
Tu semblais paralysé…


Avec un dernier geste, elle se levait
Puis sans se retourner, elle partait
Tandis que ce vent la remplissait
De souvenirs impossibles
De confusion et d’images…


Il est resté comme qui se serait trompé de rue,
Errant à la recherche d’on ne sait quelle issue,
Mais il vaut mieux se souvenir d’un jour fatidique
Que de retomber dans une réalité toujours identique.


Maintenant, je ne sais vraiment pas où elle est partie
Si elle a un enfant ou comment elle meuble ses soirs,
Lui, il vit seul et partage sa vie
Entre le travail, ses vers inutiles et la routine du boire.
Ce vent de sirocco soufflait des vérités
Et tous les jours nous poussaient à ausculter,
Derrière le visage abusé des usages
Dans les sombres labyrinthes des maisons
Derrière le miroir secret de chaque visage
Au-dedans de nous, nos émotions.