SIROCCO
Version
française – SIROCCO – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson
italienne – Scirocco
– Francesco
Guccini – 1987
Paroles :
Francesco Guccini
Musique :
Francesco Guccini – Juan Carlos Biondini [Flaco]
1.
Album : Note di viaggio – Capitolo 1: Venite avanti –
Interprète : Carmen Consoli [2019]
2.
Album : Signora Bovary [1987] – Francesco Guccini [1987]
Toi
derrière la vitre d’un bar discret,
Assis
à une table de poète français
Avec
béant de doutes, ton sempiternel visage
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Dialogue
Maïeutique
Je
pense, Lucien l’âne mon ami, que tu connais très bien ce sirocco,
ce vent des sables, ce vent sec et brûlant qui tombe brusquement sur
les villes et qui sème aussi sûrement le chaud que la bise glacée
de l’hiver sème l’effroi. L’un comme l’autre vident les
boulevards et les esplanades ; ils créent pour un instant un
autre climat passablement insalubre et inhospitalier.
Certes,
dit Lucien l’âne, ce sont des courants d’airs venus d’ailleurs,
qui amènent dans leurs basques des effluves étranges qui
bouleversent le paysage olfactif. À moi, ces senteurs lointaines me
plaisent beaucoup ; elles rompent la monotonie des jours et des
climats ; elles mettent une autre ambiance. Ces souffles plient
autrement les grands voiles de l’espace. Le sirocco est particulier
cependant ; il fait sonner la musique du désert lointain ;
il fait y entendre le chant des regs, des ergs et des dunes, comme
les miaulements et les feulements d’un énorme guépard. Il emporte
très loin les sauterelles en de sombres nuages et les cris des
suricates et des fennecs. Quant à la bise du pôle, elle purifie en
quelque sorte l’atmosphère – qui en a bien besoin, et même de
plus en plus de nos jours – et décantent les rues des importuns et
des bégueules. C’est un vent rempli d’humeurs prophylactiques et
ses froidures et ses pluies éliminent sévèrement les insectes
urticants et les microbes infects. Il s’agit pourtant de se brosser
énergiquement le poil.
Évidemment,
dit Marco Valdo M.I., c’est même le temps pour toi de porter ton
célèbre bonnet et d’y enfourner tes oreilles. Mais tout ceci nous
éloigne du récit de la chanson, qui raconte une brève rencontre
manquée entre un poète attablé à la vitrine d’un café à la
mode de Paris, mais néanmoins italien, et de sa muse, elle-même
italienne.
Une
affaire intemporelle, si tu veux mon avis, dit Lucien l’âne.
Relativement,
en tout cas, reprend Marco Valdo M.I. ; toutefois, vu ainsi, ce
sirocco est un vent qui soupire à l’intérieur des gens. Il conte
une banalité comme il en rencontre des millions d’autres dans son
parcours erratique. Il raconte une histoire quotidienne, qui se
répète quasiment à l’identique chaque jour, même quand il ne
souffle pas. Mais heureusement, il le raconte en chanson.
C’est
ce qui fait son intérêt, dit Lucien l’âne, sinon qui l’aurait
entendu. En somme, voilà à quoi sert la chanson : faire voir
le banal et le quotidien au travers des yeux des vents. Alors,
miracle, on voit tout différemment et ça donne à penser et
oserais-je le mot, à ruminer. Sur ce, tissons le linceul de ce vieux
monde venteux, brûlant, glacial, aride, odorant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Rappelle-toi
ce sirocco luminescent balayait les rues,
Mystifiait
la réalité et la rendait irréelle.
En
un assaut baroque, les tours montaient au ciel
Et
dans la rue des Juifs, les voiliers poursuivaient les nues.
Toi
derrière la vitre d’un bar discret,
Assis
à une table de poète français
Avec
béant de doutes, ton sempiternel visage
Et
dans un verre, un peu de rouge ordinaire…
Je
pensais entrer pour prendre un verre…
Et
parler des nuages.
Mais
elle est arrivée affairée dansant dans le rose
D’une
robe vichy qui s’enroulait autour de sa taille
Et
elle commença à parler et commanda quelque chose
Dans
le ciel extasié, les nuages couraient à la bataille…
Les
larmes s’ajoutèrent au lait de ce thé,
Les
mains dessinèrent des rêves et des certitudes…
Mais
moi, je savais à quel point tu te sentais tiraillé.
Entre
elle et l’autre, que tu ne pouvais pas laisser…
Entre
vos deux fils et l’autre attitude,
Tu
semblais paralysé…
Avec
un dernier geste, elle se levait
Puis
sans se retourner, elle partait
Tandis
que ce vent la remplissait
De
souvenirs impossibles
De
confusion et d’images…
Il
est resté comme qui se serait trompé de rue,
Errant
à la recherche d’on ne sait quelle issue,
Mais
il vaut mieux se souvenir d’un jour fatidique
Que
de retomber dans une réalité toujours identique.
Maintenant,
je ne sais vraiment pas où elle est partie
Si
elle a un enfant ou comment elle meuble ses soirs,
Lui,
il vit seul et partage sa vie
Entre
le travail, ses vers inutiles et la routine du boire.
Ce
vent de sirocco soufflait des vérités
Et
tous les jours nous poussaient à ausculter,
Derrière
le visage abusé des usages
Dans
les sombres labyrinthes des maisons
Derrière
le miroir secret de chaque visage
Au-dedans
de nous, nos
émotions.