mercredi 10 mai 2017

Avec les Pompiers

Avec les Pompiers

Chanson française – Avec les Pompiers – Fred Adison 1934
Paroles : Charlys et Couvé
Musique : Henry Himmel

Interprètes :


Donc, Lucien l’âne mon ami, nous sommes en 1934, année quasiment liminaire de la consolidation du parti nazi à la tête de l’Allemagne et du renforcement de la dictature d’Adolf Hitler sur le-dit parti – par l’élimination de tous ses concurrents nationalistes et même de la SA, milice nazie, par la SS milice hitlérienne, sorte de garde prétorienne du Führer. Les choses prennent tournure et même, mauvaise tournure. Comme tu pourras aisément le comprendre, on était là devant le début d’un formidable incendie qui va embraser le monde entier quelques années plus tard.
C’est à ce moment que Charlys et Couvé pour les paroles et Henry Himmel pour la musique lancent par la voix de Fred Adison, cette chanson qui raconte l’étrange et cocasse aventure des pompiers pyromanes malgré eux.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, je la connais mi aussi cette et qui ne la connaît pas cette Scie fort populaire (on la chante encore dans ces soirées…) et quand bien même , quelqu’un ne la connaîtrait pas encore, après l’avoir écoutée une seule fois, il ne l’oubliera plus jamais, ne fût-ce qu’à cause de cette musique de fanfare sautillante qui rappelle les tressautements des débuts du cinéma et ces inoubliables fantaisistes que furent Stan Laurel et Oliver Hardy.

Ah, Luxien l’âne mon ami, je ne sais si cette chanson rappellera à tout le monde ces deux loustics extraordinaires, d’autant logiquement pour cela, il faudrait déjà les connaître et donc, les avoir vus dans leurs exploits, mais ce que je sais, c’est que les pompiers maladroits de notre chanson farce, annoncent – tels des Cassandres bottées, casquées et ignifugées – des événements nettement plus dramatiques, plus détestables encore qui vont se dérouler sur une échelle terriblement plus grande. D’autant que cette chanson à la gloire de ces héros du feu sera bientôt suivie d’une autre tout aussi enflammée, intitulée « Tout va très bien, Madame la Marquise » , que l’on peut caser dans la même veine satirico-prophétique.
D’autant plus encore que d’autres incendies, œuvres de pyromanes patentés, en grandeur réelle cette fois, allaient suivre à brève échéance et finalement, embraser la planète entière : Guernica, Madrid, Barcelone, l’Espagne toute entière étaient mises à feu et à sang par les bandes franquistes, fascistes et nazies ; puis vint le tour de la Tchécoslovaquie, la Pologne, l’Europe entière et au-delà.
Je vois, je vois, dit Lucien l’âne. Cette histoire de pompiers incendiaires par incompétence et incommensurable bêtise, sera reprise quasiment à la lettre, mais localement adaptée en Italie et aux circonstances, quinze ans plus tard, sous le titre I Pompieri di Viggiù .

Cela dit, reprend Marco Valdo M.I., outre de donner encore une fois raison à Cassandre, ces chansons prémonitoires me semblent éclairer de leurs flammes fatidiques les épisodes de la Guerre de Cent Mille Ans  qui vont suivre. Cette Guerre d’usure si sournoise que les riches font aux pauvres depuis déjà pas mal de temps afin de maintenir leur domination, de renforcer leur pouvoir, de multiplier leurs richesses, d’étendre leurs influences, d’accroître leur puissance et d’assurer la pérennité de l’exploitation, cette guerre polymorphe qui parcourt la vie des hommes et qui ne pourra être close que du jour où l’humaine nation y mettra fin en mettant hors jeu la richesse et l’ambition.

Mettre fin à la richesse et à l’ambition, que voilà un beau programme, dit Lucien l’âne. Beau et le seul possible, il revient à mettre fin à l’infantilisme, cette maladie qui débilite gravement l’espèce humaine. D’autant plus qu’il faudra que tous s’en convainquent. Alors, nous, nous qui en sommes convaincus, il nous faut reprendre notre tâche et tisser, tisser le linceul de ce vieux monde ambitieux, débile, infantile, perclus de richesses et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Chez nous au village,
On est à la page,
Car nous avons fondé
Une compagnie de pompiers.
Ils se présentèrent
Chez "Mossieu" le Maire
Qui fit un grand discours
Pour fêter ce beau jour.

Nous avons bien rigolé,
La fanfare a défilé,
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.
Au bistrot l’on a trinqué
Et la jeunesse a dansé
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.

Y avait l’instituteur,
Le préfet, le facteur,
La femme au pharmacien
Qui dit du mal de ses voisins.
Dans le pays tout entier,
On a fait tous les cafés
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.

Hier soir une Delage
Prit feu dans un garage.
Ne voyant pas la nuit
Leur pompe à incendie,
Ils prirent sans méfiance
La pompe à essence
Pour arroser le feu,
Ils firent la queue leu leu.

Nous avons bien rigolé,
Tout le village a flambé
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.
Comme ils étaient affolés,
On a fait un défilé
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.

Le capitaine avait
Requis tous les objets :
Des plats, des vieux chapeaux,
Pour faire la chaîne avec de l’eau.
Enfin, ça s’est arrêté :
Y avait plus rien à brûler
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.

Cette chaude alerte
Causa bien des pertes ;
Après les explosions,
Ce fut l’inondation ;
Il fallut à la nage
Traverser le village ;
Oui, mais pour boire un coup,
Il n’y avait plus d’eau du tout.

Nous avons bien rigolé,
On a failli se noyer
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.
Comme il restait un café,
On y entra pour se sécher
Avec les pompom...
Avec les pompom...
Avec les pompiers.

Nous n’avions plus beaucoup
Les yeux en face des trous
Et tout en nous tordant,
Nous tordions nos vêtements.
En famille, on est rentré,
Mais tous les administrés
Avaient leur pompon
Avaient leur pompon
Avec les pompiers.


LES POMPIERS DE VIGGIÙ

LES POMPIERS DE VIGGIÙ
Version françaiseLES POMPIERS DE VIGGIÙ – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienneI pompieri di ViggiùGigliola Cinquetti 1975


Interprétations :









Dis-moi, Marco Valdo M.I., qu’est-ce que c’est que cette histoire des pompiers de Viggiù ? Je me souviens que tu m’en as parlé l’autre jour à propos d’une chanson d’Eduardo Bennato, qui si j’ai bonne mémoire s’intitulait : « Mesdames et Messieurs [[55008]]».
Tu as bonne mémoire, Lucien l’âne mon ami. À propos des pompiers de Viggiù, je te confirme qu’il s’agit de la délirante histoire d’une compagnie de pompiers d’un village situé au nord de Milan, près de la frontière suisse, histoire qui fut le sujet d’un film italien des années (1949). La chanson I Pompieri di Viggiù, dont le film s’était inspiré, est l’œuvre de l’instituteur, Armando Fragna. Pour moi, cette histoire me rappelle celle, nettement antérieure, que racontait cette inénarrable chanson française (1934) intitulée « Avec les pompiers ». D’ailleurs, je soupçonne fort qu’elle a dû servir de modèle à sa descendante italienne.
Ces Pompiers de Viggiù ont également eu droit aux honneurs d’un film, dont la chanson est le thème musical ; une chanson qui fut reprise par Gigliola Cinquetti : I Pompieri di Viggiù et par bien d’autres encore et non des moindres, tels le Quartetto Cetra.

Mais dis-moi, Marco valdo M.I., il me semble qu’il existe vraiment une commune de Viggiù et peut-être a-t-elle un corps de pompiers ?

Avant d’aller plus loin, je voudrais te préciser que toute cette histoire est purement imaginaire et que si la petite ville de Viggiù existe réellement, elle n’a jamais flambé et en tout cas, pas le jour de la constitution de son corps de pompiers et encore moins de la faute de ses « soldats du feu ».
Je te reprends ici, traduite de ma main, une partie de la longue notice que consacre (wikipedia) à la commune de Viggiù :« Il faut remonter à 1881 pour trouver l’idée de former un groupe volontaire pour un corps de pompiers à Viggiù. Jusqu’alors, pour donner l’alarme quand une cheminée, une ferme ou un bois prenaient feu, on sonnait le tocsin, et intervenaient ceux qui pouvaient. Avec des subventions privées et des volontaires, on acquit une pompe manuelle. Cependant, en attente de bouches d’incendie, il fallait utiliser l’eau des puits, dont Viggiù était heureusement très bien fourni.
Les premières tenues furent acquises chez les pompiers du groupe de Milan, le matériel fut fourni par l’Administration Communale de Viggiù ; les exercices se déroulaient dans la cour de l’école rue de Rome, où se trouvait le garage des pompiers. Les volontaires étaient à 90 %, les ouvriers carriers et marbriers du village. Pour les avertir, en cas d’incendie, en plus d’employer le tocsin, en 1928 un homme fut chargé parcourir le village en bicyclette en jouant une trompe d’appel. En 1939, on installa une sirène. Le détachement fut dissous en 1962.

Pendant la seconde guerre mondiale, réfugié à Viggiù, l’instituteur Armando Fragna composa la célèbre chanson devenue ensuite le leitmotiv du film I Pompieri di Viggiù. Les Viggiutesi (Vigioutais), qui aimaient tant leurs volontaires, et les volontaires eux-mêmes, n’apprécièrent pas d’être ainsi tournés en bourrique ; toutefois, il fallut se rendre à l’évidence et au succès qu’obtint la chanson. Et, après tant d’années, on peut affirmer que cette joyeuse chansonnette a contribué à répandre le nom de Viggiù ( et de ses pompiers) dans toute Europe et dans le monde entier.

Certes, dit l’âne Lucien en riant, c’est d’ailleurs ainsi, j’en suis persuadé que tu as eu connaissance de l’existence de cette petite ville au pied des Alpes.

Cela dit, son succès s’explique de différentes façons.
Je te rappelle d’abord pour mettre les choses bien en tête que cette chanson est née en exil du croisement de deux chansons françaises du milieu des années 1930 : Avec les pompiers (1934) et Tout va très bien, Madame la Marquise (1935), chansons pour lesquelles on peut émettre un commentaire « politique » du même ordre, mais bien évidemment rapporté aux temps considérés
D’abord au premier degré, par la façon burlesque dont elle dépeint les pompiers et leur catastrophique et héroïque première intervention, le jour-même de la constitution de leur escouade. Comme dans la version française, tout le village a flambé en quelque sorte, grâce aux pompiers et à leur sublime incompétence. C’est donc une chanson comique et sa drôlerie a fait beaucoup pour sa diffusion.
Ensuite, comme dans la chanson française d’origine, il y a un double sens, immédiatement perceptible et lui aussi, terriblement moqueur, plein d’essence d’ironie. Ce double sens est éminemment politique et très, très critique vis-à-vis des autorités. En l’occurrence, vu la date à laquelle elle fut conçue, il ne fait doute qu’elle raconte – à sa manière – l’histoire du fascisme. Dès lors, elle peut être comprise comme une allégorie de toute formation de matamores accédant au pouvoir.
Enfin, cette canzone entre temps est tombée dans le fonds commun des chansons qui hantent la mémoire populaire de sorte qu’Eduardo Bennato, auteur-compositeur et chanteur napolitain de grande envergure, dans une chanson de 2016, fait directement allusion aux « glorieux pompiers de Viggiù » (une commune de 5800 habitants située à 850 km de Naples) et cette référence renvoie évidemment elle aussi au monde politique contemporain – et à mon sens, pas seulement en Italie.

Voilà qui justifie amplement l’insertion de ces chansons (l’originale italienne et sa version française – ainsi que j’espère l’autre chanson française : Avec les Pompiers sera elle aussi bientôt présentée ici) dans un site des chansons contre la guerre. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde tremblotant, flamboyant, flambant, incendié, incendiaire, inflammable et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane







Par la volonté du Vicomte et du Roi
Sur l’avis du Baron,
On a formé la section
Des Pompiers de Viggiù, ce jour-là.
Pompe ici, pompe là,
Pompe en haut et pompe en bas.

Et aux frais du Marquis,
On a acheté les uniformes requis
Avec bicornes à larges bords,
Avec panaches rouge, bleu et or.
Pompe ici, pompe là,
Pompe en haut et pompe en bas.

Comme il fallait les former,
On a allumé un feu de bois
Tout le groupe s’est aligné
Et a crié « Hip hip Hourra ! ».
Vive par-ci, vive par-là,
Vive en haut, vive en bas.

Vive les Pompiers de Viggiù !
Quand ils passent,
Les cœurs s’enflamment.
Vive leurs panaches or, bleu et rouge !
Vive les pompes
Des Pompiers de Viggiù !

Ils affrontèrent l’incendie
Avec leurs pompes-arrosoirs,
Mais à leur grand désespoir,
L’eau était en pénurie.
Pompe ici, pompe là,
Pompe en haut et pompe en bas.

Mais leur Chef, homme de confiance,
Eut une idée vraiment bizarre :
Il emplit d’essence
Le grand réservoir.
Pompe ici, pompe là,
Pompe en haut et pompe en bas.

Et sans hésiter
dans le village incendié,
Dans les fumées, s’est précipité
Tout le peloton des Pompiers.
Vive par-ci, vive par-là,
Vive en haut, vive en bas.

Vive les Pompiers de Viggiù !
Quand ils passent,
Les cœurs s’enflamment.
Vive leurs panaches or, bleu et rouge !
Vive les pompes
Des Pompiers de Viggiù !


Vive les Pompiers de Viggiù !
Vive leurs panaches or, bleu et rouge !
Vive les pompes
Des Pompiers de Viggiù !