dimanche 27 juin 2021

La Guerre de Klim

 

La Guerre de Klim


Chanson française – La Guerre de Klim – Marco Valdo M.I. – 2021


Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.

Épisode 1 – Le Parti ; Épisode 2 – Le Programme du Parti ; Épisode 3 – Le Fils du Pasteur et le Voïvode


Épisode 4



RÉVOLUTIONNAIRE PATRIOTE BALKANIQUE

Louis Dupré – 1821



Dialogue maïeutique


Dans l’Histoire du Parti, dit Marco Valdo M.I., parmi les premiers adhérents, autrement dit les figures historiques du Parti, il y a eu, on s’en souvient sûrement, un fils de pasteur et un voïvode.


C’est certain, répond Lucien l’âne. Il y a peu de temps qu’on a dialogué ici au sujet du Parti, de son programme et de ses premiers membres, à savoir son fondateur le journaliste Jaroslav Hašek, le fils du pasteur et le voïvode Klimeš.


C’est lui, dit Marco Valdo M.I. ; ce Klim ou Klimeš, comme on va le voir, était un fanfaron, une sorte de Tartarin de Prague ou de Sofia. Il faisait lui-même sa promotion et proclamait à qui voulait bien l’entendre qu’il était un révolutionnaire et un grand patriote macédonien. Voilà ce qu’on en savait. Avec cette nouvelle chanson qui lui est entièrement consacrée, on va voir que les choses ne sont pas telles qu’on aurait pu les croire. Ainsi, l’épopée du Parti de Hašek se poursuit et investigue d’un peu plus près les affirmations du voïvode Klimeš. Elle détaille comme toute bonne geste les faits et gestes du héros. C’est en quelque sorte l’apologie de Klimeš, le récit de l’Iliade de Klimeš. C’est carrément un chant digne de l’aède aveugle primitif.


Pourquoi donc, Marco Valdo M.I., évoques-tu l’aède en le qualifiant de primitif ? Je ne pense pas, moi qui l’ai connu et même conduit sur les chemins de l’antique pays des Hellènes, qu’il était ce qu’on a coutume d’appeler un primitif.


Oh, Lucien l’âne mon ami, il ne l’était certainement pas au sens où tu l’entends là. J’ai dit l’aède primitif au sens de premier aède, d’aède primordial, d’aède à l’origine des épopées. J’insiste sur la dénomination d’aède aveugle primitif, car depuis – notamment en Sicile, comme le racontait Carlo Levi et dans les Balkans – comme l’atteste notamment le Dossier H d’Ismaïl Kadaré, la tradition de l’aède aveugle s’est perpétuée en continuation de sa mémoire. Cependant, il me paraît essentiel de préciser que ces « aèdes aveugles » ne sont aveugles qu’au moment où ils scandent leurs récits. C’est une pose artistique et aussi une nécessité technique. Enfermé dans son aveuglement, l’aède aux yeux clos peut se concentrer et sans se laisser distraire par les auditeurs qui l’entourent, dévider l’histoire sans être perturbés par le public. C’est essentiel, car il agit en pleine lumière à deux pas des gens et récite de longues séquences sans autre recours que la mémoire. Comme les jongleurs et les saltimbanques, il travaille sans filet, ce qui le distingue des acteurs et des chanteurs de notre époque qui ne voient pas le public devant eux à cause du noir provoqué par l’éclairage de la scène. Ceci a pour implication de donner au récit toute sa priorité et son importance.


En effet, dit Lucien l’âne, moi qui ai couru les chemins, les villages, les rues et les places des villes depuis tant e temps, depuis au moins, le temps d’Homère, je peux le confirmer ; les aèdes au moment e la récitation ont les yeux soigneusement fermés et le plus souvent, pour renforcer ce huis-clos, bandés.


Exactement, Lucien l’âne mon ami, c’est exactement ainsi que cela se passe. Cependant, pour ce qui est de La Guerre de Klim, qui est la chanson, je ne dirai rien de son contenu et je ne révélerai rien de son véritable sens. Ce sera à toi, comme à tout qui s’y intéressera, de se faire sa philosophie.


Excellente idée, Marco Valdo M.I., tu fais bien ainsi. Que chacun se fasse sa philosophie, c’est précisément l’objectif du dialogue maïeutique, qui est notre démarche philosophique et poétique. Maintenant tissons le linceul de ce vieux monde antique, sénescent, mortel, condamné et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



De tous, Klim faisait l’admiration,

C’était un héros hors dimension.

Un homme hors du commun comme lui

Était l’honneur et l’orgueil du Parti.

Son œil d’aigle ne faisait pas d’erreur,

Sûr de lui, de rien, il n’avait peur ;

Sans hésiter, toujours, il se retirait,

Dès que les choses se gâtaient.

Face au danger, dans les règles de l’art,

Il allait réfléchir en douce autre part.


Quand les hordes de l’armée régulière turque

Encerclaient la région de Salonique

Et marchaient sur la montagne Vitocha,

À Sofia dans une usine de sofas,

Klim était tapissier de métier,

C’était un ouvrier, pas un voïvode-né.

Klim vivait pépère dans la ville

Une vie calme et tranquille.

Il ignorait les vertus héroïques,

C’était l’être le plus pacifique.


À Sofia, il mentit pour la première fois,

Après une bouteille de vin grec,

Après une autre bouteille de vin sec,

Sans sourciller, il affirma

Connaître la montagne et tous les défilés

De Macédoine et même, Sarafov l’insurgé,

Ensuite, assassiné par les partisans

Pour avoir détourné l’argent

Des fusils, des grenades, des munitions,

Nécessaires au succès de la révolution.


En l’écoutant, mon désir devint pressant

De partir au front sur le champ ;

Je le suivis sans hésiter

Dans un estaminet moins exposé,

Où un groupe macédonien

Recrutait des volontaires

Pour combattre à la frontière.

Cœur noble, cœur intense, cœur d’airain,

Klim fit un discours immense, héroïque,

C’était émouvant, c’était beau, c’était homérique.

mardi 22 juin 2021

Le Fils du Pasteur et le Voïvode

 


Le Fils du Pasteur et le Voïvode


Chanson française – Le Fils du Pasteur et le VoïvodeMarco Valdo M.I. – 2021


Épopée en chansons, tirée de L’Histoire du Parti pour un Progrès modéré dans les Limites de la Loi (Dějiny Strany mírného pokroku v mezích zákona) de Jaroslav Hašek – traduction française de Michel Chasteau, publiée à Paris chez Fayard en 2008, 342 p.


Épisode 3




VOÏVODE – VLAD III L’EMPALEUR


Anonyme – XVe S




Dialogue maïeutique


Il doit t’être encore frais à l’esprit, Lucien l’âne mon ami, que nous avons dialogué récemment sur Le Parti et Le Programme du Parti. C’étaient les deux premières chansons d’une épopée aux accents politiques et guerriers dont l’objet – je te rassure tout de suite – est de pourfendre la guerre elle-même. On ne sait d’ailleurs à l’heure présente où une telle épopée nous conduira, mais allons-y.


Oui, dit Lucien l’âne, allons-y sans crainte et d’ailleurs, je sais que toi et moi, nous sommes d’inconditionnels partisans de la paix, même si des fois, il y a de quoi désespérer. Mais, venons-en au fait : serait-ce la troisième chanson et de quoi pourrait-elle bien s’inquiéter ?


Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., le Parti, c’est même dans sa nature de parti, se compose de membres. À proprement parler, un parti sans membre n’existe pas, sauf sur papier ou dans l’imagination. Je te concède immédiatement que c’est ainsi que tout parti est conçu. Il y faut quelqu’un qui l’imagine et qui en cristallise les éléments. Quoi qu’il en soit, une fois conçu, il lui faut exister, il lui faut une corporalité, il lui faut des membres.


J’en conviens tout de suite, dit Lucien l’âne, et j’imagine à mon tour que cette chanson va chanter les louanges des membres du Parti.


Tu imagines bien, Lucien l’âne mon ami, la chanson chante les membres du Parti – pas nécessairement leurs louanges. Je dirais qu’elle fait le portrait de deux d’entre eux, les premiers à adhérer à ce Parti.


Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, comme disait le Président Mao, reprenant la parole de Confucius ou de Lao Tseu, en tout cas, une parole de lointaine et antique sagesse immémoriale : « Le plus long des voyages commence toujours pas un premier pas ». Il en va aussi ainsi du Parti et de ses membres et si nous adaptons la parole du Président, nous dirons : « le plus grand des partis commence toujours par un premier membre ».


Soit, répond Marco Valdo M.I., le plus court des voyages aussi et forcément, le plus mince des partis aussi. C’est pure logique. Donc, voici les deux premiers membres du Parti – en plus de son créateur Jaroslav Hašek, bien sûr. Il s’agit, comme le titre l’indique, du fils du Pasteur, dénommé Gustav et d’un voïvode, dénommé Klimeš. Pour la clarté des choses, je précise que le « pasteur » dont le fils est le fils, tout comme son père et le père de son père étaient eux-mêmes « pasteur », est un ministre du culte, une sorte de curé protestant qui n’est nullement tenu au célibat et qui peut donc avoir un ou plusieurs enfants ; quant au voïvode, je résumerai en disant qu’il s’agit d’un de ces dignitaires slaves ou roumains qui ont longtemps combattu les occupants ou les envahisseurs turcs et dont un des plus célèbres est Vlad Țepeș, Vlad III l’Empaleur, alias Dracula. Pour le reste, voir la chanson elle-même, sinon où serait l’intérêt.


Faisons ainsi, réplique Lucien l’âne et puis, tissons le linceul de ce vieux monde religieux, sévère, enflammé, opprimé, révolutionnaire et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Gustav le fils du pasteur,

Descendait d’une lignée de pasteurs,

Tous hommes authentiquement religieux,

Tenant haut le respect de Dieu.

Il avait bu le lait sacré de sa mère

Et mangé les principes moraux de son père.

Dans l’ombreuse cathédrale évangélique,

Il passait des heures mystiques

Craignant la rude cravache

D’une justice divine fort vache.


Couché en travers des genoux paternels,

Il entendait la leçon de l’Évangile éternel :

Toute autorité vient de Dieu,

On ne peut défier la volonté des Cieux.

Le genou et la cravache le disent bien :

On ne peut contrarier les vœux du destin.

Poète, il entraîne son âme assoiffée de beauté

À la recherche de nouvelles aventures

Dans une errance inextinguible de café en café.

À la fin, des costauds l’éjectent dans la nature.


Le cheveu en broussailles, la barbe noire,

Le voïvode Klim était né quelque part,

Sa vie était toute une histoire.

Il était voïvode, il se sentait tsar.

Le discours enflammé était la tasse de thé

De ce libérateur des peuples opprimés.

Le voïvode Klim chantait ses propres exploits

Hautement de sa basse voix,

De café en café, chaque soirée,

Il contait sa glorieuse épopée.


Dans la plaine grondait le canon,

La mitraille crépitait pour de bon.

Le voïvode Klim avait tout du gospodar.

Sans avoir peur, il battait en retraite

Dans le respect des règles de l’art,

Ainsi, il tenait sa gloire secrète.

Le voïvode Klim était chef révolutionnaire,

À la bataille du Mont Garvan, il était là.

Au siège de Monastir, il s’empiffra.

Il a rejoint le Parti après ses guerres.






lundi 21 juin 2021

LA CIVILISATION

 

LA CIVILISATION


Version française – LA CIVILISATION – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson italienne – La civiltàAndrea Buriani – 2001


LE RETOUR

René Magritte – 1940


Chanson écrite après l’attaque des tours jumelles de New York en 2001 (les nouvelles tours de Babel), que beaucoup ont qualifiée d’attaque contre notre civilisation (occidentale) par des êtres non civilisés. Mais nous aussi, en regardant l’histoire, malheureusement aussi l’histoire récente, nous n’avons pas beaucoup de quoi nous vanter.


Dialogue maïeutique


La civilisation, Lucien l’âne mon ami, voilà un titre dont je ne devrai sans doute pas t’expliquer le sens.


Oh évidemment, dit Lucien l’âne, c’est là un titre qu’on comprend aisément et qu’il ne faudrait pas expliquer. Du moins, à première vue, car c’est là un bien grand mot et tout le reste reste à préciser.


En effet, Lucien l’âne mon ami, la civilisation est un concept vague et qui renvoie à des réalités multiples. Employé ainsi, il renvoie immédiatement à celui qui l’exprime. Autrement dit, la civilisation est celle de celui qui parle et envisagée singulièrement, elle se distingue de toutes les autres civilisations. Cependant, je te rassure, la chanson sait cela et elle s’échine à distinguer et à qualifier toutes sortes de civilisations ou de visages de la civilisation, d’une civilisation particulière, celle où nous vivons ici actuellement, celle que très curieusement on appelle « occidentale », comme si on n’était pas tous à l’est ou à l’ouest de quelqu’un d’autre. Sinon, comment expliquer Christophe Colomb qui partait vers l’Occident pour atteindre un pays d’Orient.


En fait, dit Lucien l’âne, ça dépend de quel côté on se tourne et puis, depuis longtemps, on sait que la Terre est ronde. Où commence l’ouest ? Nulle part ou partout, ce qui revient au même. Où finit-il ? Nulle part ou n’importe où.


Parfaitement, Lucien l’âne mon ami, et c’est pareil pour l’est. Par contre, grâce aux pôles, on peut situer beaucoup plus exactement le nord et le sud et même la ligne de partage qu’est l’Équateur. Pour la chanson, la civilisation, dont elle parle a de multiples défauts et elle est vue – en quelque sorte – de l’intérieur, par un de ses habitants. Disons quelqu’un qui vit dans le même tropisme que Jacques Dutronc, dans la civilisation de l’« Et moi, et moi, et moi », la civilisation de l’émoi, émoi, émoi.


Et ça dure, ça dure et on n’en voit pas la fin, dit Lucien l’âne, et la colombe qui attend pour se poser. Elle attend quoi, au juste ?


Ça, Lucien l’âne mon ami, je peux te le dire : elle attend la fin de la Guerre de Cent Mille Ans, que les riches et les puissants font aux pauvres afin de garder leur pouvoir, d’assurer leur domination, de couver leurs richesses, de perpétuer l’exploitation, etc.


Alors, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est pas demain la veille, s’il faut attendre jusqu’au Matin du Grand Soir, surtout, qu’il y a les autres « civilisations », à l’est ou à l’ouest, on ne sait plus ; dans tous les cas, la colombe est perdue. Enfin, même si l’avenir nous échappe, on en saura plus quand on y sera. En attendant, tissons le linceul de ce vieux monde éwaré, égaré, perdu, confus, tordu et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



La civilisation de l’arrogance, la civilisation
du « monde est à moi »,

La civilisation du désespoir, la civilisation du "Et moi, et moi, et moi",

La civilisation à la peau blanche, la civilisation à la peau de couleur,

La civilisation du compte en banque, la civilisation de la peur,

La civilisation du terrorisme et de la main assassine,

La civilisation de la peine de mort, par la guillotine ou par la famine.


Au-dessus de la ville vole la blanche colombe,

Dans la ville, ne se pose pas la blanche colombe.


La civilisation de « Dieu le veut », la civilisation de la guerre sainte,

La civilisation de la violence, de la conscience éteinte,

La civilisation de l’oppression et du désespoir,

La civilisation de l’intolérance et de l’étouffoir,

La civilisation de l’étranger dangereux assassin,

La civilisation du supérieur à ses voisins.



Au-dessus de la ville vole la blanche colombe,

Dégoûtée, ne se pose pas la blanche colombe.


La civilisation de l’holocauste et l’extermination des
gens différents,

La civilisation d« On a gagné », quand on a toujours perdu, pauvre illusion,

La civilisation de l’or noir, belle bombe à retardement,

La civilisation de la poudre blanche, passeport pour l’aliénation

Et les nouvelles Babels s’effondrent au rythme de la danse

Des malentendus, des rancunes et de l’ignorance.


Au-dessus de la ville vole la blanche colombe,

Un jour, peut-être, se posera la blanche colombe.


Au-dessus de la ville vole la blanche colombe,

Un jour, peut-être, se posera la blanche colombe.

samedi 19 juin 2021

LA MARCHE DE GUSTAPO

 

LA MARCHE DE GUSTAPO


Version française – LA MARCHE DE GUSTAPO – Marco Valdo M.I. – 2021

d’après la version italienne de Stanislava d’une

Chanson tchèque – Pochod GustapaKarel Kryl – 1969




CHVEIK ET GUSTAPO

Illustration de Josef LADA






Le nom Gustapo est un croisement de mots (un mot-valise) : d’une part (comme on peut le deviner), il rappelle la Gestapo, d’autre part, le « u » fait vraisemblablement référence à Gustáv Husák, un fonctionnaire qui, en 1969, est devenu secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, remplaçant Alexander Dubček à ce poste et marquant une rupture définitive avec les espoirs du Printemps de Prague. À partir de 1975, il est également président de la république jusqu’en décembre 1989, quelques jours après la révolution de velours.





Dialogue maïeutique


Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson tchèque, une chanson du même pays, de la même région du monde que celle où ont vécu l’Arlequin amoureux, personnage de Jiří Šotola, Joseph Chveik, personnage de Jarolav Hašek. Le premier, au temps de Napoléon – entre Marengo et Austerlitz, le second, cent ans plus tard – La Chanson de Chveik le soldat et pour cette chanson-ci, on ajoutera encore un demi-siècle. Et toujours, la Tchécoslovaquie vivait sous la protection amicale de grands frères alliés.


Oui, dit Lucien l’âne, je vois ça : une protection qu’elle n’avait pas demandée et qu’elle ne souhaitait pas vraiment.


Exactement, Lucien l’âne mon ami, même si certains des habitants et nombre de ses dirigeants s’en trouvaient fort bien. Car, il ne peut être passé sous silence qu’une part notable de la population et une grande part des élites collaboraient avec enthousiasme parfois au régime en place.


Oh, dit Lucien l’âne, c’est souvent le cas en de telles circonstances, quel que soit ce régime. J’ai pu le constater tout au travers des lieux et des âges que j’ai traversés.


Toutefois, reprend Marco Valdo M.I., tout au long de son histoire et de ses différents pouvoirs étrangers ou sous influence étrangère qui se sont succédé, une part importante de la population tchécoslovaque même si pacifique, elle dut se plier aux ukases, n’en était pas moins « dissidente » en pensée, de cœur et d’humour et comprenait fort bien ses écrivains, ses dramaturges, ses chanteurs et leurs paroles cryptées. Ainsi, cette chanson de Karel Kryl, qui dès 1969, c’est-à-dire quelque temps après l’invasion soviétique et des autres alliés, dut se réfugier en Allemagne, est nettement dirigée contre le régime, son dirigeant et leurs protecteurs.


Oui, certes, dit Lucien Lane, c’est même vrai, je le sais, pour toutes ses chansons, mais que signifie le titre de celle-ci ? Qui est ce Gustapo au nom si sinistre ?


Ah, Gustapo ! Ce nom si bizarre, dit Marco Valdo M.I., mérite en effet un brin d’explication, car il contient à lui seul tout le sens de la chanson. Comme il est dit plus haut, c’est ce qu’on appelle un mot-valise, un mot qui contient plusieurs mots et par conséquent, plusieurs idées. C’est la concrétion du prénom du Kollaborateur en chef, autrement dit le patron du parti au pouvoir, Gustav Husak et de celui de la sinistre police nazie qui s’activa dans le pays lorsqu’il était sous domination allemande : la Gestapo. Cette conjonction est intéressante, car elle suggère beaucoup de choses que je laisse au ressenti de chacun. En principal, elle assimile les deux régimes d’occupation et les désigne à l’opprobre du monde. Cela dit, pour en revenir à la connivence (à travers le temps) entre les auteurs tchèques, les périodes historiques et l’humour national, je t’invite à relire les deux chansons, tirées de Jaroslav Hašek et terriblement prémonitoires : Le Parti et Le programme du Parti, dont je retiens :


« Pour imposer le bien-être universel,
Le Parti crée une œuvre d’envergure,
La Vérité et le Parti ont la peau dure. »

(Le Parti) 

« Suivant la politique du moment.
Selon les circonstances ou les événements,
Avec intelligence, le Parti suivait le mouvement.
Jamais en arrière, toujours en avant. »

(Le Programme du Parti)


Oh, dit Lucien l’âne, il se révèle à nouveau que quel que soit le parti, son but est d’accéder au pouvoir et ensuite, d’y rester. C’est d’ailleurs ce que fit obstinément  Gustapo – jusqu’à ce qu’enfin, de chasseur, il se fit gibier et on le chassa définitivement – mais il fallut 20 ans. C’est toujours ainsi dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches et les puissants font aux pauvres et aux gens sans prétention afin d’assurer leur domination, de renforcer leur pouvoir, de protéger leurs privilèges, etc. Oui, ces « gens sans prétention » sont ceux qu’évoque Tonton Georges dans La Mauvaise Réputation :


« Au village, sans prétention,
J’ai mauvaise réputation.
Que je me démène ou que je reste coi,
Je passe pour un je-ne-sais-quoi ! »


Enfin, on pourrait encore épiloguer longuement, cependant, il me faut conclure. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde sérieux, prétentieux, costumé, cravaté, amidonné et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane








L’obéissance au-dessus du cerveau et le credo au-dessus de la raison,

L’appartenance légitime vaut plus qu’un trou dans le pantalon,

Nous avons renié notre mère, et le frère a renié son père,

On tire sur certains, on casse une jambe aux autres.



Le diable nous
poussait et nous marchions comme des moutons ;

Tous conscients qu’en gibier serait transformé le chasseur,

Nous marchions et nous avions la patente de la raison,

Notre but brillait ; vous êtes contre ? Alors, vous êtes un imposteur.


Vous mettez le coton dans vos oreilles et sur vos yeux, la cécité,

Vous devenez un despote et votre fils au bourreau vous livrez ;

Puis à votre meilleur ami, vous tournez le dos.

Et s’ils les fusillent, une fois mort, vous en faites des héros.


Le diable vous pousse, vous marchez encore comme des moutons,

Désormais, le chasseur est gibier ; ce n’est pas une blague.

Son ami est un nain, et le credo est au-dessus de la raison.

En avant, toujours en avant, en avant, toujours en avant…

En avant ! Toujours en avant !

Et là-devant, ça pue le soufre.