samedi 28 juin 2014

BERCEUSE POUR MOI

BERCEUSE POUR MOI

Version française – BERCEUSE POUR MOI – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson en langue allemande – Schlaflied für mich – Selma Meerbaum-Eisinger – janvier 1941

Poème de Selma Meerbaum-Eisinger (Cernovizza, 1924 – campo di lavoro nazista di Michajlovka, 1942).

Musique de Leibu Levin (1914-1983), poète et compositeur lui aussi, comme Selma Meerbaum-Eisinger, juif et originaire de la Bucovine, région des Carpates aujourd'hui divisée entre la Roumanie et l’Ukraine, partie de l’empire autrichien jusqu'à la Grande Guerre.
Leibu Levin survécut à l’Holocauste, il émigra ensuite en Israël. C'est aussi l'auteur de la traduction en Yiddish des poésies de Selma Meerbaum-Eisinger (qui écrivait en allemand).



La mort de Selma
Dessin d'Arnold Daghani - Bershad Camp - 1943




The Death of Selma Meerbaum-Eisinger, Bershad Camp, 1943 Arnold Daghani (1909-1985)
Selma Meerbaum-Eisinger était née en 1924 à Cernovizza (Bucovine du nord, aujourd'hui dans ukrainienne) dans une famille de commerçants juifs. Alors les 150 ans de domination des Habsbourgs se faisaient encore beaucoup sentir, mais dès la fin de la Grande Guerre, la région fut soumise à un fort processus de romanisation. Avec la défaite de l'Allemagne, en effet, le territoire fit partie de la Grande Roumanie. Ensuite en 1940, sur base d'une interprétation « extensive » des accords de partage paraphés avec l'Allemagne nazie, l'Union soviétique s'empara de la Bucovina septentrionale et sans beaucoup de ménagement (pour employer un euphémisme) pour les gens du lieu, qui étaient bourgeois de langue allemande, peut-être juifs, ou des paysans de langue roumaine. Ensuite, il y eut l'occupation nazie et le régime collaborateur d'Ion Antonescu… Les gens restèrent broyés au milieu, et les Juifs plus que tous.

Selma Meerbaum-Eisinger - active dans les organisations de jeunesse juives comme Hashomer Hatzair, aimant le Beau et la poésie de Rilke et de Heine et Verlaine, elle-même poète, comme son plus célèbre cousin Paul Celan – fut enfermée avec autres ses coreligionnaires dans le ghetto de Cernovizza et ensuite déportée dans le camp de travail de Michajlovka (Volgograd) où elle mourut de typhus en décembre 1942. La brève et douloureuse présence de Selma dans le camp fut notée dans le journal et dans les dessins d'un autre interné, le peintre Arnold Daghani, qui en représenta la mort comme une véritable déposition.



Je me berce, me berce et me berce
Nuit et jour de rêves
Et je bois le même vin vermeil
Que celui qui dort quand il veille.

Je me chante, chante et chante,
Une chanson d'espoir et de chance,
Je la chante comme celui qui s'en va et ne voit pas
Que jamais plus il ne reviendra.

Je me raconte, raconte et raconte
Un monde d'amour, qui m'apaise
Je n'y crois plus et je me le raconte
Je le sais pourtant : la fin est mauvaise.

Je joue, joue et joue
La musique des jours passés,
Je me libère de la vérité
Et fais, comme si j'étais aveugle.

Je ris, ris et ris
Et je me moque de mon jeu
Et je file des rêves si indécis
Qu'ils vont sans tête ni queue.