mercredi 19 août 2015

LE BARON FANFULLA DE LODI


LE BARON FANFULLA DE LODI

Version française – LE BARON FANFULLA DE LODI – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Il barone Fanfulla da Lodi - anonimo





Qui l'a dans le cul se le garde

Et protège son doigt.








Si je dis « Bartolomeo Tito Alon », né à Basiasco, le 1
er septembre 1477 et mort à Pavie, le 24 février 1525, je crois que ce nom dirait quelque chose à peu de gens. Peut-être à beaucoup d'entre eux, le nom avec lequel il est passé à l'histoire, c'est-à-dire Fanfulla da Lodi, dirait davantage. C’est un des mythiques « condottieri » italiens, valeureux, d'esprit altier et hautain, méprisant du danger à la bataille et cetera. Piero Novati dit de lui : « Il n'y a pas de combat important à cheval du Seizième siècle auquel Fanfulla n'ait pas participé, d'abord comme simple soldat de fortune et ensuite comme capitaine avec sa troupe de cinquante hommes d'armes directement subordonnés à son commandement et à sa solde ». Les condottieri italiens du XVIe siècle, qui combattaient justement à la solde des puissances qui avaient fait de l'Italie leur champ de bataille préféré (France et Espagne en premier), eurent à subir avec le Risorgimento le mythe d'un pays qui n'existait littéralement pas ; en devant servir d'exaltateur de ses « qualités guerrières » (à l'Italie), ces mercenaires (quels mercenaires c'étaient !) se retrouvèrent par exemple à combattre tous ensemble dans une joute chevaleresque dans la plaine entre Corato et Andria, dans les Pouilles, donnant lieu à ce qui est passé à l'histoire comme la « Disfida de Barletta » (Défi de Barletta) qu'on nous a tant servi à titre d'exemple de la « vertu italienne contre le lâche étranger » depuis le temps de Massimo d'Azeglio (entretemps, d'autre part, en Italie, on remportait les défis chevaleresques pendant que n'importe quelle armée des puissances européennes en faisait (de l'Italie) son très confortable champ de bataille en semant deuil et ruines).

Fanfulla da Lodi a le rôle principal de cette très célèbre chansonnette ; une « chanson paillarde ». Eh bien oui : les CCG ne s'arrêtent devant rien. La « paillarde » renvoie à des temps lointains, d'université élitiste, du fait que des riches, des rejetons bons à rien qui pouvaient se permettre, en attente de devenir la classe dirigeante, de s'amuser à faire le casse-cou avec l'argent de papa ; ce n'est pas pour rien qu'elle fut littéralement balayée par '68 ( tout en survivant dans quelques facultés, particulièrement les juridiques, dans quelques universités, et généralement liée à une tradition de droite). Malgré cela, dans quelques chants – au moins parmi des plus anciens, il est possible de trouver des piques considérablement intéressantes, particulièrement de dérision de certaines « vertus dorées » ; ainsi dans cette « Fanfulla ». Là, le condottiere est présenté, pour ainsi dire, dans les coulisses : finies les batailles et les défis, le voici dans la peau d'un petit homme obsédé qui réussit à escroquer une prostituée en en tirant cependant une très amère (et bien méritée) surprise.

Une « chanson contre la guerre » ? Eh bien, s
i elle l'est, elle l'est pour d'excellentes raisons, Charles Martel revient de la bataille de Poitiers [[20274]] de Fabrizio de André (et Paolo Villaggio), est aussi « Fanfulla », qui semble bien être son ancêtre direct ; le même « guerrier » cueilli dans un instant fort peu vertueux et édifiant, le même traitement réservé à la donzelle facile, le même « esprit » qui traverse les deux chansons. « Carlo Martello », écrit par un nonchalant étudiant de jurisprudence (qui ne passera jamais sa licence ) de bonne (bien plus, d'excellente) famille, est une chanson paillarde de plein droit. Sans compter que, dans la strophe finale de la « Fanfulla », là où on énonce la très célèbre « Loi de Volga » (qui fait contrepoids à l'aussi célèbre « Loi de la Menga » fondement même de la plus célèbre composition paillarde italienne, le poème Il processo di Sculacciabuchi (Le procès des Sculacciabuchi) écrit en 1899 par un étudiant du nom de Rosati, qui ensuite ne devint rien de moins que ministre de la Justice), on énonce le principe universel de toute guerre.

De ce chant, existent d'innombrables versions ; il s'agit, probablement d'un des rares chants paillards qui ont connu le processus de transformation en un véritable chant populaire. Le texte ici – repris de it:wikipedia – est le plus complet.


Je ne te cache rien, moi Lucien. Tu es mon ami l'âne et tu le sais bien. Cependant, il faut que je t'avoue la chose comme elle est : cette fois-ci, je me suis amusé à mettre en français cette chanson. Dis-moi quand même, car je me suis posé la question… Toi qui es allé partout et dans tous les temps, n'as-tu pas connu le sieur Fanfulla, baron de son état ?


Bien évidemment que si que j'ai croisé ce couillon ; car c'en était un vraiment, tu peux me croire. Rompre ainsi sa lance au premier combat… Si tu vois ce que je veux dire ; franchement, ça ne se fait pas. Sans être vantard, ni crâneur, ni bravache, ni épateur, ni prétentieux, ni esbroufeur, ni hâbleur, ni frimeur, ni fanfaron, ni matamore, ni rodomont, ni fier à bras, je t'avouerai que au long de mes longues pérégrinations, comme je suis à présent (et depuis longtemps) équipé comme un âne, je n'ai pas manqué une occasion d'user de mon tromblon. Mais jamais, au grand jamais, je n'ai eu recours au goldon. D'ailleurs, ils sont trop petits.


Oui, Lucien l'âne mon ami, j'ai compris. Mais Fanfulla dans tout ça ?


Ah oui, Fanfulla, ce couillon… Comme baron, il était un peu con. Il bataillait à gauche, il bataillait à droite et il bataillait au milieu et du coup, il mourut pas bien vieux et encore, lui, il fit long feu. Tel est le sort des condottieres.


Merci beaucoup de la précision. Cela dit, j'ai vérifié, pour éclairer ta lanterne, la loi de Menga et celle de la Volga à certaine source sûre et encyclopédique. Je conseille vivement à ceux qui lisent l'italien d'aller y jeter un coup d’œil et même plus. J'y ai trouvé confirmation de ces deux lois et moultes explications qu'il serait fastidieux de reprendre ici et maintenant (hic et nunc!). Cependant, j'y ai trouvé quelques corollaires intéressants en « talien » (comme dit Montalbano quand Sergio le traduit en français ; dans l'original (en siculo-camillerien) : « taliano »). Je cite et je traduis à la volée...


Comme d'habitude, dit Lucien l'âne en riant, tu ne fais jamais autrement. À moi, tu ne peux pas m'en raconter, je te vois faire.


Donc, dit Marco Valdo M.I., arrête d'agiter ta queue et écoute ; je cite et je traduis à la volée :
Da questa legge derivano tutta una serie di preziosi corollari, conseguenze fondamentali e inconfutabili di tale legge e ormai capisaldi della fisica moderna: (De cette loi dérivent une série de précieux corollaires, conséquences fondamentales et irréfutables de cette loi et désormais fondements de la physique moderne:)
  • Legge di Keplero: soffri di più se il cazzo è nero (On souffre plus si le vit est noir)
  • Legge del Volga: chi l'ha in culo se lo tolga (Qui l'a dans le cul, l'ôte)
  • Legge del Bisenzio: vedi BISENZIO [[10493]]: chi l'ha in culo soffra in silenzio (Qui l'a dans le cul, souffre en silence) voir en français Bizensio [[22866]]
  • Legge di Avogadro: non esiste cazzo quadro (il n'existe pas de vit carré)
  • Legge di Gay-Lussac: cazzo in culo fa cic-ciac (vit dans le cul fait chic-chiac ou chic sac ?)
  • Legge di Fagioli: cazzo in culo 'un fa figlioli. (vit dans le cul ne fait pas d'enfants)
  • Legge di Voghera: anche la bionda ce l'ha nera. (même la blonde l'a noir)
  • Legge di Sigfrido: se m'inculi non mi fido. (si on m'encule, je ne fais plus confiance)
  • Postulato di Livello: venir nel culo non è bello. (venir dans le cul n'est pas beau)
  • Principio di Archimede: cazzo in culo non fa erede. (vit dans le cul ne fait pas d'héritier)

Ah ben, on s'amuse en Italie. Vaut mieux ça qu'une nuit avec le Pape et une semaine au Vatican. Tiens, je me souviens d'un coup que Ventu avait dit quelque part dans ce foutu labyrinthe que toute chanson dans les CCG finit tôt ou tard par être traduite… Voilà, c'est fait. Comme quoi, Ventu finit toujours par avoir raison. Et reprenons notre tâche qui consiste essentiellement, je te le rappelle, non pas à étudier les fondements physiques et le physique des fondements, mais à tisser le linceul de ce vieux monde répétitif, sinistre, somnambule et cacochyme.



Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien l'âne.




Le baron Fanfulla da Lodi,
Condottière de grand renom,
Fut conduit un soir en catimini
Chez une dame de belles façons.

La chaste hallebarde de Fanfulla
Était novice aux duels d'amour
Mais à la vue d'un si bel atour,
Il empoigna son braquemart et l'enfonça.

Et il cavala, cavala, cavala
Enfin Fanfulla se lasse.
Au réveil, l'abjecte baillasse
Lui susurra : « Cent écus, tu me dois. »

Vaffancul, vaffancul, va te faire foutre
Lui répond Fanfulla en colère
Je t'ai déjà donné vingt écus
Et le reste, tu te le mets dans le cul

Un jour passe, deux jours, trois jours
Fanfulla, inquiet, regarde son oiseau
Mais, se dit-il, quel est ce mal nouveau
Que la nature nous donne ce jour ?

Il fit appel à un célèbre docteur
Il vint, il vit et il dit
« Baron, c'est un grand malheur,
Je dois amputer votre vit.»

La queue sèche de Fanfulla, encore fière
Fut déposée dans une macabre bière.
Mille vierges firent la compétition
Pour lui chanter cette chanson :

« Tu fis le fol, fis le fol, fis le fol
Sans gant, sans gant, sans gant
Tu fis le fol, fis le fol, fis le fol
Sans gant et te voilà sans gland ! »

La morale de cette histoire
Renvoie à la loi de la menga :
Qui l'a dans le cul se le garde
Et protège son doigt.

Mais au-delà de cette loi,
Il y a aussi la loi de laVolga :
Qui l'a dans le cul l'ôte du sien
Et le met dans le cul du voisin !