LES DRAPEAUX À BRÛLER
Version française – LES DRAPEAUX À BRÛLER – Marco Valdo M.I. – 2022
Chanson italienne – Bandiere da bruciare – Kalashnikov collective – 2001
Album : Chansons romantiques de la dissidence
DANSE MACABRE 1917
Otto Dix – 1923
Dialogue maïeutique
Cette chanson, Lucien l’âne, a tout l’air d’être intemporelle et de convenir de ce fait à tous les temps. C’est la chanson d’aucun camp ; elle évoque les répercussions d’une guerre lointaine, de n’importe quelle guerre. C’est la chanson du vent qui est passé au-dessus des lieux des grands massacres et qui s’en vient porter au loin les effluves.
Pour qui sait écouter, dit Lucien l’âne, pour qui veut bien entendre, dans la Guerre de Cent Mille Ans, le vent apporte souvent de telles rumeurs.
À vrai dire, presque tout le temps, répond Marco Valdo M.I. ; mais elles peuvent provenir de zones plus ou moins lointaines et être portées par des vents de sens différents. Pour l’instant, sur notre continent, c’est un vent d’Est et du Nord-Est qui charrie des monceaux d’horreur indicible à d’autres que lui. Et les étoiles et les pierres ont raison :
« Les étoiles tombent dans un ciel écarlate,
Les pierres projetées crient :
Les drapeaux au bûcher, mort aux idéologies ! »
Et on entend venant des grands champs de blé et d’héliotropes, la plainte de la terre et du sol martyrisés par les lourdes machines de la culture guerrière et par le passage de la horde imbécile et barbare. La plaine qui portait déjà en son ventre la prochaine moisson est violée, éventrée, incendiée, mutilée. Et tout ça pour quoi ?
« Tant
qu’il
y
aura des militaires,
Soit ton fils, soit le mien,
Il
ne pourra
y avoir sur terre
Pas grand-chose de bien.
On te tuera pour
te faire taire
Par-derrière comme un chien
Et tout ça
pour rien, et
tout ça pour rien. »
Oui, dit Lucien l’âne, tout ça pour quoi ? Ainsi, cette terre noire connaît le sort de La Butte rouge :
« Ce qu’elle en a bu du beau sang cette terre,
Sang d’ouvriers et sang de paysans,
Car les bandits qui sont cause des guerres,
N’en meurent jamais, on ne tue que les innocents. »
Dans la guerre, dit Marco Valdo M.I., il y a toujours un vent de folie qui se lève quelque part et qui déferle – accident vasculaire cérébral d’une nation, d’un pays, d’un peuple de cette manière, décérébré – sur les champs qui se préparaient à fleurir au printemps. Cette rupture d’intelligence se produit dans une éruption d’avidité, d’envie, d’ambition, de cupidité et à l’évidence, d’imbécillité. La guerre en tant qu’agression manque de civilité et
« Le vent scande
Le nom de chaque soldat ».
Soldat d’ici, soldat de là, poursuit Lucien l’âne, on ne sait jamais qui mourra. Demain, demain, le vent retombera, la folie s’apaisera, l’illusion de puissance et d’empire s’effondrera et les gens (« E le genti che passeranno » – Bella Ciao) se demanderont quelle mouche absurde a pu piquer le monstre préhistorique, pour le réveiller et qu’il se déchaîne ainsi. Quant à nous qui voyons l’agresseur et l’agressé, nous n’y pouvons mie, mais si c’était une querelle d’enfants, je t’enverrais ce mauvais plaisant, cette stupide brute, ce méchant idiot, ce sale gamin au lit – sans manger – réfléchir à la bêtise de certains humains et à l’énormité des douleurs faites aux autres. Comme on le sait tous, le commanditaire de cette opération spéciale reste caché, à l’abri dans son antre. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde mité, miteux, empoisonné par la bêtise, rongé par la vanité, orgueilleux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le vent souffle,
Souffle de terres lointaines
Et avec lui, apporte une chose
Qui écrase le silence.
Le
vent expire des
triomphes et d’amères
défaites.
Il expire des mots brûlants de douleur et de lutte !
Les étoiles tombent dans un ciel écarlate,
Les pierres projetées crient :
Les drapeaux au bûcher, mort aux idéologies !
Le vent scande
Le nom de chaque soldat
Et chaque nom est un éclat
Qui brûle le silence.