mardi 21 décembre 2021

BERLIN, TON DANSEUR, C’EST LA MORT ! (FOX MACABRE)

 



BERLIN, TON DANSEUR, C’EST LA MORT ! 

(FOX MACABRE)


Version française – BERLIN, TON DANSEUR, C’EST LA MORT ! (FOX MACABRE) – Marco Valdo M.I. – 2021

Chanson allemande – Berlin, dein Tänzer ist der Tod ! (Fox Macabre)Walter Mehring – 1920


Texte : Walter Mehring (1896-1981)
Musique : Friedrich Hollaender (1896-1976)
Voir site Totentanz – Danse Macabre







Une chanson dédiée au Berlin de l’après-guerre (première guerre mondiale), de la République de Weimar, une ville pleine de contradictions, où le désir de liberté et de vie effrénée s’accompagne de la misère la plus profonde et de la répression la plus féroce (contre les militants communistes et Spartacus), le nazisme couvant déjà sous les cendres de la Grande Guerre et l’humiliation de Versailles (le premier coup d’État militaire, le Putsch dit de Kapp, date du 12 mars 1920)…


Une ville qui dansait avec la mort… L’avertissement de Mehring aura sa réponse tragique quelques années plus tard… Quant à lui, détesté par les nazis et en particulier par Goebbels, il a été forcé de fuir à Vienne, puis en France et ensuite aux États-Unis…


DANSE AVEC LA MORT

Dieter M. Weidenbach – 1989




Coup d’œil au cœur de la grande ville,

Le dégoût prend la gorge :

Ils se pressent dans les bars et sur les pistes

Au milieu du fracas des verres !

Comme dans le feu du fox-trot, on oublie

Ce fantôme qui de sa potence nous menace.

Au matin, le journal annonce le meurtre du voleur ;

Et une nouvelle grève à midi ;

L’après-midi, l’agonie des chômeurs

À côté d’un indice des prix.

Comment peut-on danser avec une inconnue

Ou regarder une fée se mettre nue ?


Berlin, ton danseur est la mort !

Berlin, arrête, tu es en danger !

De grève en grève, d’attaque en attaque,

Danse nue, meurtre et macs,

Il te faut t’amuser sans jamais te poser !

Berlin, ton danseur est la mort !

Berlin, arrête, tu es en danger !

Berlin, tu roules avec plaisir dans la merde !

Arrête ! Regarde-toi ! Et réfléchis encore :

Tu ne sens pas la honte dans ton corps,

Tu boxes, tu jazzes, tu foxes sur le baril de poudre !

Peintre et barbouilleur des snobs et de la mode,

Le pinceau se rebelle et marque de rouge votre visage,

Des milliers d’yeux de faim se plombent,

Quand de Berlin, vous primez les plus belles jambes.

Écrasé sous le poids des impôts et pourtant sans gouverne,

Traîne dans le monde une épave malade.

L’esprit est bâillonné, le gnome rit,

La nuit, le diable sort en habit !

Sous la terre, rougeoie le fusible, prenez garde !

Pendant le fox-trot, une coupure et puis, c’est la nuit !

Berlin, ton danseur est la mort !

Berlin, arrête, tu es en danger !

De grève en grève, d’attaque en attaque,

Danse nue, meurtre et macs,

Il te faut t’amuser sans jamais te poser !

Berlin, ton danseur est la mort !

Berlin, arrête, tu es en danger !

Berlin, tu roules avec plaisir dans la merde !

Arrête ! Regarde-toi ! Et réfléchis encore :

Ne sens-tu pas la honte dans ton corps ?

Tu boxes, tu jazzes, tu foxes sur le baril de poudre !



Les nouveaux Hommes

 

Les nouveaux Hommes


Chanson française – Les nouveaux Hommes Marco Valdo M.I. – 2021




LA ZINOVIE
est le voyage d’exploration en Zinovie, entrepris par Marco Valdo M. I. et Lucien l’âne, à l’imitation de Carl von Linné en Laponie et de Charles Darwin autour de notre Terre et en parallèle à l’exploration du Disque Monde longuement menée par Terry Pratchett.
La Zinovie, selon Lucien l’âne, est ce territoire mental où se réfléchit d’une certaine manière le monde. La Zinovie renvoie à l’écrivain, logicien, peintre, dessinateur, caricaturiste et philosophe Alexandre Zinoviev et à son abondante littérature.


LA ZINOVIE

Épisode 1 : Actualisation nationale ; Épisode 2 : Cause toujours ! ;
Épisode 3 : L’Erreur fondamentale ;

Épisode 4 : Le Paradis sur Terre ; Épisode 5 : Les Héros de l’Histoire ; Épisode 6 : L’Endémie ; Épisode 7 : La Réalité ; Épisode 8 : La Carrière du Directeur ; Épisode 9 : Vivre en Zinovie ; Épisode 10 : Le But final


Épisode 11




LES NOVHOMS


Vadim Rokhline – 1969






Dialogue Maïeutique




Comme on va pouvoir s’en rendre compte par la chanson, dit Marco Valdo M.I.., en Zinovie, il y a une certaine logique à l’œuvre et elle est assez épouvantable.


Une logique épouvantable ?, s’étonne Lucien l’âne. Je me demande de quoi il peut s’agir ?


C’est fort simple, répond Marco Valdo M.I. ; voici de quoi il s’agit. Quand on veut changer le monde, il faut changer la société, c’est logique et jusque-là, tout va bien. Et tout aussi logiquement, on en vient à vouloir changer l’homme (ou l’enfant, ou la femme…) qui en est l’élément de base. Cependant, les choses ne se passent pas si aisément.


Changer l’homme (etc.), dit Lucien l’âne, soit, mais comment ? Il faut que l’intéressé change de lui-même et dans le sens qu’on souhaite. Et pur ce que j’en sais, l’homme a naturellement une tête de mule et à mon avis, il est quasiment impossible de le changer. Sauf évidemment, si on laisse la nature et le passage des générations s’en charger ; ce qui prend du temps, demande de la patience, beaucoup d’intelligence et pas mal de chance. C’est une chose progressive et à vouloir aller plus vite que la musique, il y a des couacs, mais je suppose qu’il ne s’agit pas de s’en tenir à cette évolution qu’on appelle aussi la civilisation.


Ah, si c’était ça, Lucien l’âne, il n’y aurait rien à y redire. On pourrait juste s’inquiéter de sa relative lenteur. Très relative d’ailleurs. Cependant, en Zinovie, on a imaginé de changer l’homme lui-même à marches forcées ; c’est une idée révolutionnaire.


Fort bien, mais il se trouve que comme la mule, dit Lucien l’âne, et pour tout dire, l’ensemble des organismes vivants complexes, l’homme (etc.) est contraint par sa propre nature à suivre le rythme de l’évolution, elle-même hasardeuse, capricieuse, hésitante, lente et contraignante. Pourtant, chaque homme (etc., comme tout être vivant) est à chaque instant un homme nouveau. Il ne reste jamais pareil à lui-même, même si ces changements sont infinitésimaux et leur action immédiate, en quelque sorte, invisible ou insensible. L’homme (etc.) change et en changeant, change les autres, la nature autour de lui ; et la nature et les autres le changent à leur tour. Bien entendu, il faut en plus tenir compte de la multitude et de certaine tendance de la nature à résister au changement. C’est une mutation perpétuelle tempérée ; c’est la musique de la vie.


D’accord, coupe Lucien l’âne, mais où veux-tu en venir ?


À la chanson, tout bonnement, Lucien l’âne mon ami. Elle raconte, vu par un Zinovien, sujet et témoin de la chose, comment et même pourquoi en Zinovie, on change l’homme. L’affaire se déroule dans un établissement spécialisé, une sorte d’usine à fabriquer le « novhom », comme on appelle là-bas l’homme nouveau. En gros, il s’agit de formater l’homme nouveau au standard de la société nouvelle, en partant du principe que puisque l’homme n’est pas conforme, il faut le conformer. Pour cela, on recourt à un chloroforme perfectionné.


Et ça marche ?, demande Lucien l’âne.


Oui et non, répond Marco Valdo M.I. ; presque, mais totalement ; il y a au dedans de l’être vivant comme un résidu de résistance.


« On obéit, sans discuter.

Ils le croient, mais c’est une erreur.

En dedans, il reste un résidu de résistance,

Maintenant et toujours, indépendance ! »


Et de toute façon, comme on peut l’anticiper, le résultat est effrayant et de ce fait, ne peut être généralisé.


Comment pourrait-il en être autrement, demande Lucien l’âne. On ne peut rien obtenir de bon en forçant la nature ; on finit toujours par créer des monstres. Alors, tissons tranquillement le linceul de ce vieux monde agonisant, étouffant, gâteux, bêtifiant, zinoviant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane










Ici, on forme les nouveaux hommes,

Les échantillons presque réussis

De la vie sociale du nouveau pays.

On les nomme les novhoms.

Les infirmiers et les gardiens sont venus.

On ne les a pas trop battus.

L’homme nouveau ne peut pas mourir,

Mais pour apprendre, le « novhom » doit souffrir.

Dresser les êtres vivants est difficile :

Tous, animaux, plantes, à un moment

Se rebiffent et sont résistants.

Puis, meurent, seuls les morts sont dociles.


Absurde tout ce passé,

Du blabla pour la gloire,

Cent ans se sont effacés

Et ils parlent encore d’histoire.

Pourquoi tout ce cinéma ?

Pour maintenir le guide au pouvoir,

Les amis et la camarilla,

Imposer leur image à la mémoire.

Rien pour nous, tout pour eux.

Mais à leur place, ferait-on mieux ?

Il a dit que lui, il ne voulait pas.

La question est de savoir pourquoi ?


On l’a ramené inconscient.

À la première piqûre, il a gémi,

Sangloté comme un enfant,

Il a soupiré et s’est endormi.

À la deuxième piqûre, il a souri

Et s’est pris pour le président.

Ils l’ont écouté juste un instant.

À la troisième piqûre, il a dit

Qu’il avouait tout ce qu’on voulait,

Qu’il dénonçait tous ses amis,

Qu’il ferait tout ce qu’on lui dit,

Qu’il ferait tout ce qu’on voudrait.


Le jour, le soir, la nuit, le matin,

Ici, on n’est presque plus rien.

Des bouts de connaissance,

Des bribes de réminiscences,

Des souvenirs, des soupirs, des sourires.

Réalité vraie ou simple délire ?

Où est passée notre volonté ?

On ne sent plus la faim, ni la douleur.

On obéit, sans discuter.

Ils le croient, mais c’est une erreur.

En dedans, il reste un résidu de résistance,

Maintenant et toujours, indépendance !