Toute l’Allemagne transpire
Version
française – TOUTE L’ALLEMAGNE TRANSPIRE – Marco Valdo M.I. –
2017
Chanson
allemande – Ganz
Deutschland im Fieber – Juliane Werding – 1995
« Toute
l’Allemagne transpire », quel titre fabuleux, Marco Valdo
M.I. mon ami. J’aime autant ne pas y penser, car rien que d’y
penser je me sens mal. Imagine l’atmosphère !
Comme
dirait Bartleby : « I would prefer not to». C’est
d’ailleurs, Lucien l’âne mon ami, l’attitude de Juliane
Werding vis-à-vis de toute l’agitation sportive et le fanatisme du
fitness dominical et vespéral. Comme tu l’entendras, elle – dans
ces cas-là, elle reste au lit. C’est du moins le sens revendicatif
de la chanson. Dans les faits, c’est aussi une chanson contre
l’effort et sa mythologie, contre le « arbeit macht frei »
de si jolie mémoire.
À
propos de formules qui se rencontrent ou qu’on fait, comme tu viens
de le faire, se rencontrer, je trouve ce tandem : « Arbeit
macht frei » – « I would prefer not to »,
absolument renversant et délicieux et conforme, me semble-t-il, au
personnage de Melville et à sa confrontation obstinée et en sens
contraire avec la logique de Wall-Street.
Mais
quand même, tout cela nous éloigne assez de Juliane et d’Essen ou
de Berlin, qu’importe. Toute l’Allemagne transpire : il y a
ses odeurs, il y a ses allures et ses tenues rigoureusement à la
mode. On ne transpire pas n’importe comment, ni n’importe où.
Juliane, elle, se tient en son lit le dimanche matin – comme dans
la vieille chanson française : « Le dimanche matin, c’est
le moment rêvé pur faire la grasse matinée » et en son chez
soi, les soirées de semaine. En quoi, elle aurait reçu l’entier
soutien de Winston Churchill, lequel interviewé le jour de ses 90
ans sur sa longévité remarquable, répond un porto dans une main et
un havane dans l’autre : « Never sport ! ».
C’est
drôle cette chanson. Moi, je l’aime beaucoup et Marco Valdo M.I.
mon ami, elle me rappelle tout à la fois Boris Vian
Je ne peux pas travailler et Henri Salvador Le
Travail, c’est la santé. Et j’ajouterais
volontiers, une de tes canzones : Dormir. Pas étonnant que tu aies été dégotter cette chanson de
Juliane Werding.
En
fait, Lucien l’âne mon ami, tu as raison. D’une certaine
manière, il y a une cohérence dans ce monde ; en quelque
sorte, tout se tient.
C’est
d’ailleurs ce qui m’inquiète aussi, car ce grand mouvement
moutonnier d’une large frange de la population allemande et cette
aspiration aux exercices au grand air et aux entraînements excessifs
font remonter des effluves inquiétants. Oh, je ne parle pas de ces
relents de transpiration qui doivent parfumer ces jeunes gens
énergiques, je pense plutôt à des remugles anciens. On pratiquait
beaucoup le sport en tenue appropriée en Allemagne dans la première
moitié du siècle dernier ; ces exercices d’hygiène
collective ont conduit à d’innommables défilés. Il y eut
d’ailleurs à l’époque toute une jeunesse rétive à la
sportivité organisée et musculeuse et tout spécialement, dans la
région de la Ruhr où se trouve Essen ; comme tu sembles t’en
souvenir, il s’agit bien évidemment des Edelweiss
Piraten,
dont Franz-Josef
Degenhardt
racontait
l’histoire
en l’année 1941.
En
fait, considéré de ce point de vue, dit Lucien l’âne en riant,
Juliane fait de la résistance.
Évidemment
et ce n’est pas un hasard, déclare Marco Valdo M.I., il suffit de
voir d’autres de ses chansons. Mais que dit-elle exactement dans
celle-ci ? En fait, elle fait une peinture de genre, elle peint
une certaine partie de population qui se livre à ces
pratiques sautillantes et elle entend se démarquer nettement de
cette coterie. Ce qui n’est pas directement dit, mais qui est
exposé, c’est la fracture sociale et les comportements qu’il
convient d’adopter si l’on aspire à utiliser l’ascenseur
social, à être dans le coup, à profiter de la conjoncture. Et si
on replace cette appétence dans le cadre de la Guerre
de Cent Mille Ans,
on comprend le « I would prefer not to » que Juliane
oppose à l’effort socialement bien considéré. C’est le sens de
tous les signes de reconnaissance sociale, en
l’occurrence, c’est
la marque (les marques, les bleus, les crampes) de l’appartenance
(volontaire) au groupe des prétendants, ceux marqués au signe du
buffle, selon Heinrich Böll.
Arrête,
Marco Valdo M.I. mon ami, arrête tout de suite, tu t’envoles, tu
vas te predre dans ton propre discours. On sait toujours quand et où
tu commences, mais on ne sait jamais où tu vas, ni
quand tu vas aboutir. Je te dis halte, suffit, on y reviendra.
Maintenant la chanson et puis continuons notre tâche simple
et tissons le linceul de ce vieux monde sportif, attelé à l’effort,
musculeux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dimanche
matin, quand le soleil sourit,
On s’entraîne dehors,
En short et tricot de sport.
Voyez-les déguisés en Pochettes-surprise,
Manger des Power-Food, d’ISO drinks se gaver,
Courir en baskets dans les bois,
Et faire du vélo par plus de 30 degrés.
C’est admirable, mais pourquoi, pourquoi ?
On s’entraîne dehors,
En short et tricot de sport.
Voyez-les déguisés en Pochettes-surprise,
Manger des Power-Food, d’ISO drinks se gaver,
Courir en baskets dans les bois,
Et faire du vélo par plus de 30 degrés.
C’est admirable, mais pourquoi, pourquoi ?
Hey,
hey, hey,,
Toute l’Allemagne transpire.
Hey, hey, hey,
Je glande seule au lit.
Je lis un livre, j’ai de la visite
Et en dormant, j’entretiens ma forme.
Hey, hey, hey,
Toute l’Allemagne transpire.
Hey, hey, hey,
Je suis celle, celle qui ne fout rien ;
Je me laisse aller et je me ménage
Et ça me va bien.
Toute l’Allemagne transpire.
Hey, hey, hey,
Je glande seule au lit.
Je lis un livre, j’ai de la visite
Et en dormant, j’entretiens ma forme.
Hey, hey, hey,
Toute l’Allemagne transpire.
Hey, hey, hey,
Je suis celle, celle qui ne fout rien ;
Je me laisse aller et je me ménage
Et ça me va bien.
Lundi
matin – je suis fraîche et dispose,
Les autres sont foutus,
Malgré leurs bleus et leurs crampes
C’est encore tout pour le sport et les exercices
À midi du pissenlit en salade
Et du thé vert, par-dessus
Et le soir quand chez moi, je me délasse,
Alors, ils suent au club de mise en forme.
Les autres sont foutus,
Malgré leurs bleus et leurs crampes
C’est encore tout pour le sport et les exercices
À midi du pissenlit en salade
Et du thé vert, par-dessus
Et le soir quand chez moi, je me délasse,
Alors, ils suent au club de mise en forme.
Hey, hey, hey,,
Toute l’Allemagne transpire.
Hey, hey, hey,
Je glande seule au lit.
Je lis un livre, j’ai de la visite
Et en dormant, j’entretiens ma forme.
Hey, hey, hey,
Toute l’Allemagne transpire.
Hey, hey, hey,
Je suis celle, celle qui ne fout rien ;
Je me laisse aller et je me ménage
Et ça me va bien.