VOIX
DU CHARNIER (POUR LE JOUR
DES MORTS. AU LIEU D'UN PRÊCHE)
Version
française – VOIX DU CHARNIER (POUR LE JOUR DES MORTS. AU LIEU D'UN
PRÊCHE) – Marco Valdo M.I. – 2014
Chanson
allemande - Stimmen aus dem Massengrab (Für den Totensonntag.
Anstatt einer Predigt) – Erich Kästner – 1927
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Quatre ans de meurtre, et aujourd'hui une paire de couronnes !
Ne vous fiez jamais à Dieu et à ses gens !
Nom de Dieu, n'oubliez jamais ça !
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Poème
du grand écrivain et poète allemand, du
recueil
intitulé « Herz auf Taille » publié en 1928.
Je
crois que le
premier
à mettre
en musique ce très beau
et terrifiant poème
fut
le peintre et musicien allemand Hans Trimborn (1891-1979) en 1941.En
2012 Campino, le leader de Die Toten Hosen, a inclus ce
poème dans
le
double CD que
le groupe a publié sous
le titre « Ballast der Republik ».
Ah,
Lucien l'âne mon ami, ces
morts qui parlent font penser à l'Anthologie de Spoon
River d'Edgar Lee Masters… Il n'y aurait là rien d'impossible…
La-dite anthologie date de quinze ans avant le poème de Kästner…
Peut-être,
dit Lucien l'âne, mais je crois plutôt plus encore que ce sont les
épigraphes grecques qui elles datent de bien des siècles et qui ont
elles-mêmes inspiré le poète de l'Illinois.
Quoi
qu'il en soit des inspirations, c'est un texte terrible et
prémonitoire. Il date de 1927 et dit déjà :
«Nous
sommes morts. Mais nous sommes morts pour rien.
Comme nous hier,
vous serez abattus demain. »
Et
voyant cela, dit Lucien l'âne, je fais juste une parenthèse, pour
dire le rôle révélateur de la poésie. On ne constate souvent que
longtemps après qu'elle disait ce qu'il adviendrait et le pire, mais
Homère le racontait déjà, c'est que très rares sont ceux qui la
croient.
Pour
le reste, il faut rendre à Kästner cette place, qui lui revient, de
poète d'insigne envergure, qui dans la sphère de culture française
a été ignoré, négligé ou carrément oublié. Et il faudra bien
aussi aller voir l'essayiste, le militant pacifiste, l'écrivain, le
journaliste… Un homme, quoi ! Un de ceux qui dans la Guerre de
Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres et font faire aux
pauvres afin d'accroître leur puissance, leurs richesses, leurs
dominations… Un de ceux qui ont nettement marqué leur choix,
nettement montré de quel côté ils entendaient être – toujours (
le côté des pauvres, évidemment) et s'y sont tenus à travers
tout.
Tu
fais bien d'insister, Marco Valdo M.I. mon ami, car des hommes de
cette trempe sont rares et leur histoire est exemplaire…
Parenthèse
pour parenthèse, Lucien l'âne mon ami, à propos de cette idée
d' « exemplaire », Erich Kästner est aussi un
romancier pour enfants et dans ce genre particulier, les romans qu'il
écrivit sont eux aussi « exemplaires » en ce sens
qu'outre d'être des histoires passionnantes, ils indiquaient –
dans les temps difficiles où ils furent conçus – comment ne pas
se laisser prendre aux avilissantes pratiques des adultes en chemises
d'uniformes… Bien sûr, ils (ces adultes aux mœurs avilissantes)
ont brûlé ses livres sur les places publiques…
Allons
dans son sens et prolongeons ses efforts en tissant, nous aussi, le
linceul de ce vieux monde bancal, exécrable, ennuyeux, mortifère et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Nous
gisons là et depuis longtemps en morceaux.
Vous passez et vous
pensez : ils doivent bien dormir.
Mais sans dormir nous gisons sur
le dos,
Car notre peur de vous nous empêche de dormir.
Nous
avons de la boue en bouche. Nous devons nous taire.
Mais nous
pleurerons jusqu'à ce que la tombe se casse !
Mais nous monterons
sur nos tombes en criant à pleine voix!
Nous avons de la boue en
bouche. Vous ne nous entendez pas.
Vous
n'entendez que les prêches des desservants,
Qui se concertent
avec votre chef, confidentiellement.
Votre cher Dieu a perdu une
guerre
Et il vous fait dire : Laissez les morts en terre !
Vous
pouvez faire l'éloge des serviteurs du Très Haut.
Au charnier,
ils ont bien parlé du devoir.
Nous étions en bas, et ils étaient
en haut.
« La vie n'est pas le bien le plus méritoire. »
Nous
gisons là, notre
bouche morte emplie de saleté.
Et
il est advenu
autre chose, que
ce qu'en mourant nous avions pensé.
Nous
sommes morts. Mais nous sommes morts pour
rien.
Comme
nous hier, vous serez abattus demain.
Quatre
ans de meurtre, et puis le carillon sonne!
Vous passez et vous
pensez : ils dorment profondément.
Quatre ans de meurtre, et
aujourd'hui une paire de couronnes !
Ne vous fiez jamais à Dieu
et à ses gens !
Nom de Dieu, n'oubliez jamais ça !