SEIZE-OCTOBRE-MIL-NEUF-CENT-QUARANTE-TROIS
Version
française – SEIZE-OCTOBRE-MIL-NEUF-CENT-QUARANTE-TROIS – Marco
Valdo M.I. – 2020
Texte :
Fabio Della Seta –
Roma in valigia. Mille e
anche più sonetti in Urbe et in Orbe, Antonio Stango Editore, 2001
Musique :
Gianni Nebbiosi.
Interprétation :
Sara Modigliani – Calendario Civile
Massacre
à Rome
Antoine
Caron – 1566
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Dialogue
Maïeutique
Le
« seize-octobre-mil-neuf-cent-quarante-trois », voilà,
Marco Valdo M.I. mon ami, une bien curieuse notation.
Le
« seize-octobre-mil-neuf-cent-quarante-trois », répond
Marco Valdo M.I., est ainsi noté, car c’est une date, un moment
historique, une date, un moment, un jour pathétique, un jour, un
moment, une date tragique dans l’histoire de Rome. La date, le
moment, le jour d’une tragédie qui aurait pu ne pas avoir lieu si…
Je me
demande d’abord, dit Lucien l’âne, s’il ne serait pas bien que
tu me dises exactement de quoi il retourne. Qu’a-t-il pu se passer
à cette date-là, ce jour-là, à ce moment-là à Rome ?
Évidemment, je vois qu’on est en pleine guerre et que Rome est
sous la coupe des Allemands et vit, en effet, des moments inquiétants
depuis près de vingt ans déjà. Mais ces jours-là, ces moments-là,
cette date-là du « seize-octobre-mil-neuf-cent-quarante-trois »,
que s’est-il passé de si terrible ?
Comme
tu le supposes, Lucien l’âne mon ami, outre le fait que c’est la
guerre, que Rome est sous l’emprise fasciste depuis vingt ans et
que les Allemands ont fait main basse sur la ville, ce jour-là, à
cette date-là – qu’on retiendra tant qu’il y aura un humain
romain pour se souvenir de l’histoire, c’est le jour de la rafle
de Rome : une rafle semblable à celle qui souilla Paris d’une
honte indélébile l’année précédente, une rafle de juifs
italiens, effectuée à Rome, par des soldats allemands ; elle
se déroula sous les yeux incrédules et impuissants de la population
qui n’y pouvait rien grand-chose, mais qui opposa – ce qui sauve
l’honneur des gens de Rome – une résistance passive en aidant
les persécutés à fuir ou en cachant ceux qu’elle pouvait.
Cependant, plus de 1250 personnes furent emmenées vers Auschwitz,
selon les vœux exprès de l’illuminé qui rêvait d’un Reich de
Mille Ans, épuré de toute présence juive.
Oui,
dit Lucien l’âne, il était véritablement dément ce moustachu
monomaniaque. Mais j’ai comme l’idée que certains Italiens
avaient des délires racistes assez en concordance avec cette doxa
nazie.
Oui,
en effet, répond Marco Valdo M.I., les Italiens fascistes, membres
ou non du Parti, étaient eux aussi très enthousiastes de la nation
et de la race (laquelle ?) italiennes ; c’étaient des
rêveurs et des bâtisseurs d’Empire. D’ailleurs, les lois
raciales de 1938 ont mis en place cette dérive catastrophique, ce
racisme administratif et légal, qui isola et marqua la population
dite « juive » au fer jaune, comme si on avait voulu
préparer son élimination. Tout cela malgré que la présence d’une
population juive à Rome est attestée depuis au moins deux
millénaires, c’est-à-dire plus longtemps que la plupart des
actuels Romains et évidemment, que les fascistes.
Par
ailleurs, dit Lucien l’âne, je me souviens que dans la Rome
ancienne et dans tout son Empire, il y avait une solide tradition de
massacres. Mais avant que je ne conclue, dis-moi ce que raconte cette
chanson ?
Oh,
Lucien l’âne mon ami, c’est une carte postale venue du fond de
la terreur, un court-métrage intimiste, un plan de cinéma
réaliste ; on y voit un couple de vieillards, un peu comme dans
Le
Maître et Martha. Ces deux vieilles gens sont pris dans la rafle
et sous la menace d’une mitraillette sont emmenés. On y voit le
vieil homme blessé narguer encore son persécuteur. Mais il vaut
mieux lire la chanson.
Alors,
dit Lucien l’âne, lisons et tissons le linceul de ce vieux monde
persécuteur, assassin, veule, fascistoïde et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je
me rappellerai toujours ces deux petits vieux
Poussés
dans le dos, par une mitraillette
Posée
sur les reins, serrés tête contre tête,
Avec
derrière eux, un Allemand furieux.
Du
bras, ils se protégeaient la face ;
Elle
marchait au côté de son mari blessé ;
Trop
rouge encore pour avoir séché,
Le
sang coulait le long de son visage
Avec
orgueil, droit devant, il regardait
Comme
pour refuser toute satisfaction
À
la bête immonde. Au milieu de l’affliction
Du
peuple romain spectateur,
Il
passait et tous le voyaient :
C’était
lui, à ce moment,
le vainqueur.