Chanson
allemande - Wir sind die Eingeborenen von Trizonesien – Karl
Berbuer – 1948
http://www.youtube.com/watch?v=24zmxUw6dcQ
Nous sommes les indigènes de Trizonésie, Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum ! |
Mon
ami Lucien l'âne, tu me vois bien embarrassé... et embarrassé pour
publier dans les Chansons contre la Guerre une chanson allemande que
personnellement, je trouve des plus intéressantes en ce qu'elle peut
être vue de diverses façons... J'en avais déjà touché un mot en
parlant avec toi de la chanson des Histoires d'Allemagne - Kölle
Alaaf : Qui va payer ça ?, qui se situait justement en 1948.
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Je
m'en souviens, et tu avais noté qu'une autre de ses chansons,
« Heidewitzka, Herr
Kapitän » n'était pas trop appréciée des nazis...
Celle-ci
vient après la disparition du régime nazi, c'est une chanson de
1948, juste au moment où dans l'Allemagne encore occupée, on
commence à doucement se remettre de la folle aventure du Reich de
Mille Ans et où tant bien que mal, la vie continue. Et pour les
habitants, les survivants des carnages déclenchés par leurs
dirigeants imbéciles, c'est le temps de l'occupation par des armées
étrangères, d'une administration sous contrôle étranger... Pour
ceux qui avaient collaboré et soutenu le régime nazi, la chose ne
doit pas leur plaire, mais comme on dit, ils l'ont mérité et ils
ont même de la chance que ce ne soit pas pire. Mais pour ceux qui
avaient déjà dû subir le Reich nazi (sans compter pour certains ce
qui l'a précédé : le Reich de Guillaume, la Guerre, la
défaite de 18, l'occupation des années 20, etc...), il devait être
très pénible de supporter une nouvelle occupation avec tout ce que
cela comporte. C'est cela que raconte la chanson... Elle s'élève
avec humour contre cette situation, cette réduction de leur lieu de
vie en zone occupée, en territoire occupé. Je répète pour que
cela soit bien clair : pour ceux qui avaient été nazis, bien
fait pour leur pomme... Pour les autres, une telle chanson devait
être la bienvenue.
Je
comprends très bien ce que tu veux dire... Mais alors, est-ce que
cette chanson prête à confusion, laisse-t-elle penser à une
quelconque apologie du régime défait ? Si oui, il faut le
dire ; si non, il faut le dire aussi...
Comment
dire, Lucien l'âne mon ami... A priori, deux choses : d'une
part, je n'en sais strictement rien ; d'autre part, rien ne
l'indique. Je ne peux même pas te donner d'indication sur les
rapports qu'entretenait l'auteur de la chanson, Karl Berbuer,
boulanger à Cologne et fan de Karnaval, avec le national-socialisme.
D'ailleurs, le fait qu'il participe comme artiste, amuseur au
Carnaval et aux fêtes, doit être pris en compte. Ainsi, vue avec le
recul, la chanson me paraît à la fois drôle, juste dans ce qu'elle
exprime la situation des Trizonésiens – c'est-à-dire les
habitants de la « trizone », la zone de l'ex-Reich nazi
occupée par trois des Alliés : les États-unis, La
Grande-Bretagne, la France. C'est une chanson de vaincus... Y a-t-il
place pour les vaincus dans l'histoire ? Et les « vaincus »
est aussi un terme vague et ambigu... Avec ce mot, on met tout le
monde dans le même panier. Peut-on considérer comme vaincu et
traiter comme tel quelqu'un qui n'a pas soutenu le régime criminel,
sans pour autant le combattre ouvertement, tout en continuant à
vivre dans son pays ? Peut-on également imaginer l'exil de tous
les opposants ?
Ce
n'est plus un exil, c'est un exode, dit Lucien l'âne.
Et
puis, à partir de quand faut-il s'exiler ? Certains ont pu
s'exiler, mais à quel prix ? On sait combien l'exil est
difficile – difficile à envisager, difficile à opérer et
difficile à vivre. Pour aller où ? Faire quoi ? Il suffit
d'évoquer l'exil des Républicains espagnols en France ou celui des
opposants allemands au nazisme en France ou ailleurs... Nombre
d'entre eux se sont suicidés : Ernst Töller, Klaus Mann,
Stefan Zweig, Kurt Tucholsky, Walter Benjamin, Joseph Roth... Le
boulanger Berbuer a continué à faire du pain et peut-être a-t-il
été embrigadé, comme des millions d'autres... On ne sait. Mais la
chanson, elle, est vraiment une chanson contre la guerre... Elle dit
l'humiliation que la guerre impose aux gens – avant, pendant et
après. Et on peut tout aussi bien comprendre ici, la chanson comme
un sursaut de dignité face à la honte qui noie tout autour de
vous... Bien sûr, il y a le « nous » qui ne distingue
pas entre les « Trizonésiens », qui ne sépare pas le
bon grain de l'ivraie, qui ne dénonce pas le passé crapuleux, et ce
nous-là, ce nous les « Trizonésiens », qui est le nous
de l'Allemagne fédérale, qui est à présent, le nous de
l'Allemagne actuelle ne laisse pas d'inquiéter... Cela dit, voici la
chanson...
Certes,
dit Lucien l'âne, tous les Allemands n'étaient pas nazis et
d'ailleurs, tous les nazis n'étaient pas Allemands... Il faut faire
la distinction. D'ailleurs, cette ambiguïté se retrouve partout. La
guerre est une chose complexe, comme le montre la Guerre de Cent
Mille Ans où même la paix est un moment ou un état de la guerre.
Quoi qu'il en soit, tissons le linceul de ce vieux monde plein de
périls, de massacres, d'humiliation, complexe, ambigu et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Mon
cher ami, mon cher ami,
Les anciens temps ne sont plus là,
On rit là, on pleure ici,
Le monde continue, un, deux, trois.
Un petit groupe de diplomates
Fait aujourd'hui la grande politique,
Ils changent les États, ils créent des Zones
Et qu'en est-il de nous à l'heure actuelle ?
Les anciens temps ne sont plus là,
On rit là, on pleure ici,
Le monde continue, un, deux, trois.
Un petit groupe de diplomates
Fait aujourd'hui la grande politique,
Ils changent les États, ils créent des Zones
Et qu'en est-il de nous à l'heure actuelle ?
Nous
sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous avons des Madeleines d'une nature ardemment sauvage,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous ne sommes certes pas des cannibales,
Nos baisers sont sans égal.
Nous sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous avons des Madeleines d'une nature ardemment sauvage,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous ne sommes certes pas des cannibales,
Nos baisers sont sans égal.
Nous sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Messieurs
les étrangers, il vous faut savoir,
Un Trizonésien a de l'humour,
Il est cultivé, il aime l'art,
Il va de l'avant sans détour.
Goethe lui-même vient de Trizonésie,
Le grand Beethoven est né ici.
Non, il n'y a rien de tel dans toute l'Asie,
Voilà pourquoi nous sommes fiers de notre pays.
Nous sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous avons des Madeleines d'une nature ardemment sauvage,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous ne sommes certes pas des cannibales,
Nos baisers sont sans égal.
Nous sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Un Trizonésien a de l'humour,
Il est cultivé, il aime l'art,
Il va de l'avant sans détour.
Goethe lui-même vient de Trizonésie,
Le grand Beethoven est né ici.
Non, il n'y a rien de tel dans toute l'Asie,
Voilà pourquoi nous sommes fiers de notre pays.
Nous sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous avons des Madeleines d'une nature ardemment sauvage,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !
Nous ne sommes certes pas des cannibales,
Nos baisers sont sans égal.
Nous sommes les indigènes de Trizonésie,
Trizonésiennes, Trizonésiens, tschimmela-tschimmela-boum !