lundi 1 juin 2020

La Guerre

La Guerre


Chanson française – La GuerreClément Janequin – 1528
Version adaptée au temps présent – La Guerre – Marco Valdo M.I. – 2020






Arquebusiers, faites vos sons !
Bouclez vos armes, frais mignons,
.



Dialogue Maïeutique

Mon ami Lucien l’âne, voici une chanson qui a à peu près 500 ans – un demi-millénaire et qui comme son titre l’indique raconte « La Guerre ».

Certes oui, mais laquelle ?, demande Lucien l’âne. Toute une guerre, ça fait beaucoup, quand même.

Tu as raison, Lucien l’âne. Elle s’intitule « La Guerre », mais elle raconte un bataille : celle de Marignan (1515) qui fit des milliers de morts en deux jours et qui bouleversa l’histoire de son temps ; au moins pour ce qui est des Suisses, qui signèrent avec la France un traité de « Paix perpétuelle » et qui depuis ne se sont plus mêlés de guerre – du moins, en direct. Comme elle est dans un français de son époque, elle paraît étrange aux gens de notre temps ; même si, c’était un rap de cette fin du Moyen-Âge. Dès lors, en quelque sorte sur commande, j’en ai fait une version adaptée à nos jours, une adaptation contemporaine, mais en gardant tout de même pas mal de son étrangeté. On pourra comparer les deux : l’originale, l’ancienne, celle de Clément Janequin et celle que je viens de faire. Dans l’ensemble, je la trouve assez fidèle, même si j’ai dû pour des raisons de rime un peu l’adapter aussi – dans sa forme.

Ce sera certainement une version de bonne facture, dit Lucien l’âne. J’en suis sûr, et d’ailleurs, je me souviens fort bien de la version de Gentilz gallans de France que tu fis il y a déjà quelques années.

Cependant, Lucien l’âne mon ami, je voudrais ajouter deux ou trois remarques avant de te laisser conclure. La première porte sur le mot « Galloys » que j’ai conservé sous la forme « Gaulois », autrement dit, de Gaule ou « Français » ; il fait polémique (comme d’autres éléments de la chanson) chez les spécialistes de la littérature française de la Renaissance. En tout état de cause, « Gallois » fait trop rugbymen et devait être exclu ; il restait Gaulois ou Français, s’agissant de l’armée de François Ier. D’aucuns plus spécialisés en langue d’autrefois suggèrent compagnons ou camarades.

À ce compte, pour la rime, tu aurais pu choisir « gars ».

Certes, répond Marco Valdo M.I., mais j’ai choisi l’assonance, comme Janequin aurait préféré, lui qui est souvent comparé à un « bruitiste ».

Un « bruitiste », dit Lucien l’âne un peu éberlué, comment ça ?

Oui, dit Marco Valdo M.I., un « bruitiste », un qui fait du bruit, qui recrée dans sa musique les bruits ambiants. C’est très moderne. Ça s’entend à sa musique, mais aussi dans ce texte bourré d’onomatopées ; c’est vraiment le rap en avant-garde. À la même époque, mais quelques années plus tard, dans ses romans, François Rabelais faisait pareil. Peut-être même, citait-il ces bruissements de La Guerre de Janequin et faisait-il allusion à la musique du contrapuntiste.

Oh, dit Lucien l’âne, j’adore ce « bruitisme », c’est une évocation des sons du monde. J’ai entendu dire qu’on y revient de ces temps-ci.

Une autre remarque, Lucien l’âne mon ami, que je voudrais faire maintenant, c’est qu’outre d’avoir raconté d’autres batailles – Marengo (Marengo, La Lettre de Marengo, La Marengo du Lieutenant) et Austerlitz (Le Sommeil tranquille de Koutouzov, Austerlitz), j’avais parcouru ce seizième siècle avec la Geste de Liberté ou la Légende de Till, à laquelle j’ai consacré des dizaines de chansons ; je cite la première : « Katheline, la bonne Sorcière » et la dernière : « L’Heure de l’Hirondelle ».

Oui, bonne idée, dit Lucien l’âne, sinon on n’en finirait pas. Quoi qu’il en soit, ces histoires de bataille, chacune d’elles est toujours un épisode de La Guerre de Cent Mille Ans.

Enfin, dit Marco Valdo M.I., à propos de cette bataille de Marignan, il est d’usage de rappeler que c’est là que s’est distingué et a de son épée adoubé le roi François, c’est-à-dire le hardi Bayard, Pierre Terrail de Bayard, dit le chevalier « sans peur et sans reproche » qui a traversé ainsi l’histoire pour se muer en sandwich Bayard : le sandwich « sans beurre et sans reproche ». C’est là aussi qu’on retrouve le Maréchal de la Palice qui mourra quelques temps après devant Pavie et dont on garde le souvenir au travers des « lapalissades », qui toutes dérivent de la petite chanson de la Palisse (https://www.youtube.com/watch?v=zb9p89XQMYY) que ses soldats firent à son sujet. En voici la version populaire :

« Monsieur de la Palice est mort
En perdant la vie ;
Un quart d’heure avant sa mort,
Il était encore en vie. »

On conclura avec lui, dit Lucien l’âne. Quant à nous, tissons le linceul de ce monde batailleur, guerrier, lyrique et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Écoutez, tous gentils Gaulois,
La victoire du noble roi François.
Et vous entendrez, si bien vous écoutez,
Des coups rués de tous côtés.
Fifres soufflez, frappez tambours,
Tournez, virez, faites vos tours,
Aventuriers, bons compagnons
Ensemble croisez vos bâtons,
Fusez soudain, gentils Gascons,
Nobles, sautez dans les arçons,
La lance au poing, hardis et prompts,
Comme lions !
Arquebusiers, faites vos sons !
Bouclez vos armes, frais mignons,
Alarme, rentrez dedans !
Alarme, frappez dedans !
Soyez hardis, en joie mis.
Qu’on se le dise,
La fleur de lys,
Fleur de haut prix,
Y est en personne.
Suivez François,
Le roi François,
Suivez la couronne !
Sonnez, trompettes et clairons,
Pour réjouir les compagnons.
Fan frere le le fan fan fan feyne
Fa ri ra ri ra.
À l’étendard en avant toute !
Gens d’armes à cheval en route !
Fan frere le le fan fan fan feyne
Fa ri ra ri ra.
Grondez, tonnez bombardes et canons,
Tonnez gros courtauds et faucons,
Pour secourir les compagnons.
Von pa ti pa toc von von,
Ta ri ra ri ra ri ra reyne,
Pon, pon, pon, pon,
La la la, pon pon,
Ta ri ra ri ra ri ra reyne
La ri le ron.
France courage,
Courage !
Donnez des horions !
Chipe, chope,
Torche, lorgne,
Pa ti pa toc tric,
Trac zin zin, tric.
Tue ! À mort ! Serrez !
Courage prenez, frappez, tuez !
Gentils galants, soyez vaillants !
Frappez dessus, ruez dessus !
Fers émoulus, chiquez dessus !
Alarme !
Alarme !
Courage ! Prenez, poursuivez,
Frappez, ruez !
Ils sont confus,
Ils sont perdus
Ils montrent les talons.
Ils décampent, pas de pardon !
La trompette est aux abois.
Ils sont défaits, tudieu !
Victoire au noble roi François !
Tout est perdu, ils décampent, pardieu.


La Terreur blanche



La Terreur blanche

Chanson française – La Terreur blanche – Marco Valdo M.I. – 2020

Quelques histoires albanaises, tirées de nouvelles d’Ismaïl Kadaré, traduites par Christian GUT et publiées en langue française en 1985 sous le titre La Ville du Sud.(6)





LA TERREUR BLANCHE



Dialogue Maïeutique

« La Terreur blanche », Lucien l’âne mon ami, voilà qui me rappelle quelque chose. La terreur est un mal qui se répand par toute la Terre : on en a vu des noires, des brunes, des rouges, des bleues, des vertes, des safrans et bien sûr, des blanches. De façon générale, il s’agit de massacrer ceux avec qui on n’est pas d’accord et de préférence, des civils désarmés et sans défense. Au fait, les Vaudois ont connu ça.

Oui, Lucien l’âne mon ami, dit Marco Valdo M.I. ; mais avant d’aller plus avant, je voudrais faire une petite précision : quand il s’agit de se massacrer entre militaires, on appelle ça la guerre. Pour en revenir aux Vaudois, la Terreur blanche les poursuivit souvent jusque dans leurs plus hautes retraites désertiques et même plusieurs fois au cours du millénaire écoulé et cette terreur blanche venait toujours du même côté, du côté de l’Église catholique et de ses affidés. La terreur blanche vient toujours de la droite, c’est la Terreur de la réaction et elle déborde souvent en mouvements populaires, en mouvements des foules assassines. Quand on regarde l’histoire, la terreur blanche a sévi et la liste n’est pas exhaustive – en France (notamment en Bretagne), en Russie, en Hongrie, en Chine, en Inde et plus récemment, en Espagne et aux États-Unis, où elle est menée par des organisations proches du KKKKu Klux Klan, où la Terreur blanche est liée très étroitement au racisme et à la volonté de domination de la « race blanche ». Note qu’en Allemagne, dans le Reich nazi, le même KKK résumait de la façon la plus traditionnelle, le rôle de la femme : Kinder, Küche, Kirche – littéralement, enfant, cuisine, église.

Je pense même, dit Lucien l‘âne, qu’on peut en trouver des traces en Amérique latine, en Australie; enfin, un peu partout.

Soit, dit Marco Valdo M.I., dans la chanson, c’est en Albanie qu’on la retrouve. À l’époque, là, la Terreur blanche était l’œuvre des royalistes et des fascistes albanais qui s’étaient alliés aux fascistes italiens ; puis, après la déroute de ceux-ci et la reprise des territoires par les armées allemandes, elle s’est ralliée aux nazis l’essentiel était de combattre et d’éliminer les partisans et les résistants. Cependant, dans la chanson, rien de tout cela n’est précisé ; on ne peut que le deviner. Dans la conversation des grands de la famille, on use du concept de « lutte des classes » – ce qui indiquerait une orientation marxiste – tendance Karl (je précise puisque toi et moi, nous sommes aussi marxistes, mais de la tendance Groucho) et on tremble à l’idée de la terreur blanche, ce qui indiquerait une orientation anti-royaliste, antifasciste de la famille. On entend des coups de feu, des assassinats se passent dans la nuit et tout ce qu’on sait, tout ce qu’on perçoit, ce sont un inquiétant silence, l’effroi des grandes personnes, les coups de feu et le commentaire glaçant de la grand-mère :

Tac, tac, tac ! Des tirs, des tirs encore.
J’entends ces coups de feu dans la nuit :
Mémé dit :« Dans la viande, dans le corps.
Malheureuses femmes, pauvres enfants ! »

En somme, dit Lucien l’âne, c’est la guerre (in)civile entendue du lit d’un enfant. Écoutons-la et tissons le linceul de ce vieux monde terrorisé, raciste, brut, brutal et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Terreur blanche ! Terreur ! Terreur !,
Mots terribles dans les conversations.
Aucun grand ne répond à mes questions.
Quelle est cette chose qui leur fait si peur ?

Comme pour la lutte des classes, on ne me répond jamais.
Mais, moi, je sais ce que c’est :
C’est la guerre entre deux clans de rouspéteurs.
Mais que font les instituteurs ?

Alors, chez les grands, tout le monde rit.
Moi, je rougis ; moi, je n’ai rien compris.
Mais pour la terreur blanche, la terreur,
Personne ne rit, c’est l’horreur.

Le soir est triste autour du foyer.
De mon lit, j’écoute les grands
Aux yeux inquiets, aux visages tourmentés.
Ils se taisent longtemps.

Au moindre bruit, un craquement,
Une porte qui bat, d’une voix blanche
Maman dit : « C’est le vent ».
Pan, pan, pan ! Terreur blanche !

Tac, tac, tac ! Des tirs, des tirs encore.
J’entends ces coups de feu dans la nuit :
Mémé dit :« Dans la viande, dans le corps.
Malheureuses femmes, pauvres enfants ! »

Le blanc à présent me fait peur.
Peur des roses blanches, des rideaux blancs,
Peur de la chemise blanche de grand-maman.
Terreur blanche ! Hiver ! Terreur ! Terreur !

Je veux mourir, dit la centenaire


Je veux mourir, dit la centenaire.


Commentaire à la chanson Euthanasiez-moi !








Dialogue Maïeutique



Euthanasiez-moi, dit Lucien l’âne, est une chanson des plus utiles ; elle chante le choix de mourir, le droit à la liberté ; elle chante la liberté.

Car c’est une des libertés encore à conquérir que de pouvoir mourir à son heure, à l’heure que l’on choisit et de le faire dans de bonnes conditions.

Une ancienne institutrice, quelque part en France, a décidé de mourir. Elle a écrit un petit mot :

« Je ne veux pas être ranimée.
Je ne veux pas de soins.
H. Wuillemin
Le 27 mai.

Je cite ici une partie du texte de l’interview de Madame Wuillemin, relayée par France-info, intitulée :"Quand on souffre comme ça, ce n’est pas la peine de rester" : Hélène, centenaire, en grève de la faim pour qu’on lui laisse "le droit de mourir" :


« Hélène Wuillemin a un visage aux mille rides, deux petits yeux rieurs qu’on distingue à peine et depuis le 6 mars dernier, un âge à trois chiffres : "Je viens d’avoir 100 ans. J’aurais bien souhaité ne pas les avoir, mais malheureusement je continue à vivre." Depuis une semaine, cette centenaire, qui habite seule chez elle à Laxou (Meurthe-et-Moselle), près de Nancy, a donc entamé une grève de la faim car on lui refuse, dit-elle, "le droit de mourir". »…

« Hélène a un temps pensé à d’autres solutions : "Mais moi je n’ose pas me suicider, m’ouvrir les veines, ça me dégoûte." Avant de se décider à faire cette grève de la faim et à l’annoncer à son fils et à sa fille : "Je lui ai dit ’j’arrête de manger’. Elle ne m’a rien répondu, qu’est-ce que vous voulez qu’elle dise ? »

Oui, dit Marco Valdo M.I., et de fait, il n’y a rien à dire, car on ne peut rien opposer à pareille volonté et surtout pas la soi-disant volonté d’une entité fantomatique ou d’une institution. De plus, il n’est pas nécessaire d’avoir cent ans pour désirer fermer le livre de sa vie ; il n’est pas indispensable d’être perclus de douleurs pour descendre du train. Pour finir, on doit pouvoir descendre à l’arrêt qu’on choisit, mais dans la Guerre de Cent Mille Ans, il y a toujours ces adversaires de l’humanité qui s’oppose à la liberté de disposer de soi.

Tissons le linceul de ce vieux monde dictatorial, croyant, bigot, crétin et cacochyme.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.