La Guerre
Arquebusiers,
faites vos sons !
Bouclez
vos armes, frais mignons,
. |
Dialogue
Maïeutique
Mon
ami Lucien l’âne, voici une chanson qui a à peu près 500 ans –
un demi-millénaire et qui comme son titre l’indique raconte « La
Guerre ».
Certes
oui, mais laquelle ?, demande Lucien l’âne. Toute une guerre,
ça fait beaucoup, quand même.
Tu as
raison, Lucien l’âne. Elle s’intitule « La Guerre »,
mais elle raconte un bataille : celle de Marignan (1515) qui fit
des milliers de morts en deux jours et qui bouleversa l’histoire de
son temps ; au moins pour ce qui est des Suisses, qui signèrent
avec la France un traité de « Paix perpétuelle » et qui
depuis ne se sont plus mêlés de guerre – du moins, en direct.
Comme elle est dans un français de son époque, elle paraît étrange
aux gens de notre temps ; même si, c’était un rap de cette
fin du Moyen-Âge. Dès lors, en quelque sorte sur commande, j’en
ai fait une version adaptée à nos jours, une adaptation
contemporaine, mais en gardant tout de même pas mal de son
étrangeté. On pourra comparer les deux : l’originale,
l’ancienne, celle de Clément Janequin et celle que je viens de
faire. Dans l’ensemble, je la trouve assez fidèle, même si j’ai
dû pour des raisons de rime un peu l’adapter aussi – dans sa
forme.
Ce
sera certainement une version de bonne facture, dit Lucien l’âne.
J’en suis sûr, et d’ailleurs, je me souviens fort bien de la
version de Gentilz
gallans de France que tu fis il y a déjà quelques années.
Cependant,
Lucien l’âne mon ami, je voudrais ajouter deux ou trois remarques
avant de te laisser conclure. La première porte sur le mot
« Galloys » que j’ai conservé sous la forme
« Gaulois », autrement dit, de Gaule ou « Français » ;
il fait polémique (comme d’autres éléments de la chanson) chez
les spécialistes de la littérature française de la Renaissance. En
tout état de cause, « Gallois » fait trop rugbymen et
devait être exclu ; il restait Gaulois ou Français, s’agissant
de l’armée de François Ier. D’aucuns plus
spécialisés en langue d’autrefois suggèrent compagnons ou
camarades.
À
ce compte, pour la rime, tu aurais pu choisir « gars ».
Certes,
répond Marco Valdo M.I., mais j’ai choisi l’assonance, comme
Janequin aurait préféré, lui qui est souvent comparé à un
« bruitiste ».
Un
« bruitiste », dit Lucien l’âne un peu éberlué,
comment ça ?
Oui,
dit Marco Valdo M.I., un « bruitiste », un qui fait du
bruit, qui recrée dans sa musique les bruits ambiants. C’est très
moderne. Ça s’entend à sa musique, mais aussi dans ce texte
bourré d’onomatopées ; c’est vraiment le rap en
avant-garde. À la même époque, mais quelques années plus tard,
dans ses romans, François Rabelais faisait pareil. Peut-être même,
citait-il ces bruissements de La Guerre de Janequin et faisait-il
allusion à la musique du contrapuntiste.
Oh,
dit Lucien l’âne, j’adore ce « bruitisme », c’est
une évocation des sons du monde. J’ai entendu dire qu’on y
revient de ces temps-ci.
Une
autre remarque, Lucien l’âne mon ami, que je voudrais faire
maintenant, c’est qu’outre d’avoir raconté d’autres
batailles – Marengo
(Marengo,
La
Lettre de Marengo, La
Marengo du Lieutenant)
et Austerlitz (Le
Sommeil tranquille de Koutouzov, Austerlitz),
j’avais parcouru ce seizième siècle avec la Geste de
Liberté
ou la
Légende
de Till, à laquelle j’ai consacré des dizaines de chansons ;
je cite la première : « Katheline,
la bonne Sorcière »
et
la dernière : « L’Heure
de l’Hirondelle ».
Oui,
bonne idée, dit Lucien l’âne, sinon on n’en finirait pas. Quoi
qu’il en soit, ces histoires de bataille, chacune
d’elles est toujours un épisode
de La
Guerre de Cent Mille Ans.
Enfin,
dit Marco Valdo
M.I., à propos de cette bataille de Marignan, il est d’usage de
rappeler que c’est là que s’est distingué et a
de son épée adoubé le roi François, c’est-à-dire
le hardi Bayard, Pierre Terrail
de Bayard, dit le chevalier
« sans peur et sans reproche » qui a traversé ainsi
l’histoire pour se muer en sandwich Bayard : le sandwich
« sans beurre et sans reproche ». C’est là aussi qu’on
retrouve le Maréchal de la Palice qui mourra quelques temps après
devant Pavie et dont on garde le souvenir au travers des
« lapalissades », qui toutes dérivent de la petite
chanson de
la Palisse (https://www.youtube.com/watch?v=zb9p89XQMYY)
que ses soldats firent à son
sujet. En voici la version
populaire :
« Monsieur
de la Palice est mort
En
perdant la vie ;
Un
quart d’heure avant sa mort,
Il
était encore en vie. »
On
conclura avec lui, dit Lucien l’âne. Quant à nous, tissons le
linceul de ce monde batailleur, guerrier, lyrique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Écoutez,
tous gentils Gaulois,
La
victoire du noble roi François.
Et
vous entendrez, si bien vous écoutez,
Des
coups rués de tous côtés.
Fifres
soufflez, frappez tambours,
Tournez,
virez, faites vos tours,
Aventuriers,
bons compagnons
Ensemble
croisez vos bâtons,
Fusez
soudain, gentils Gascons,
Nobles,
sautez dans les arçons,
La
lance au poing, hardis et prompts,
Comme
lions !
Arquebusiers,
faites vos sons !
Bouclez
vos armes, frais mignons,
Alarme,
rentrez dedans !
Alarme,
frappez dedans !
Soyez
hardis, en joie mis.
Qu’on
se le dise,
La
fleur de lys,
Fleur
de haut prix,
Y
est en personne.
Suivez
François,
Le
roi François,
Suivez
la couronne !
Sonnez,
trompettes et clairons,
Pour
réjouir les compagnons.
Fan
frere le le fan fan fan feyne
Fa
ri ra ri ra.
À
l’étendard en avant toute !
Gens
d’armes à cheval en route !
Fan
frere le le fan fan fan feyne
Fa
ri ra ri ra.
Grondez,
tonnez bombardes et canons,
Tonnez
gros courtauds et faucons,
Pour
secourir les compagnons.
Von
pa ti pa toc von von,
Ta
ri ra ri ra ri ra reyne,
Pon,
pon, pon, pon,
La
la la, pon pon,
Ta
ri ra ri ra ri ra reyne
La
ri le ron.
France
courage,
Courage !
Donnez
des horions !
Chipe,
chope,
Torche,
lorgne,
Pa
ti pa toc tric,
Trac
zin zin, tric.
Tue !
À mort ! Serrez !
Courage
prenez, frappez, tuez !
Gentils
galants, soyez vaillants !
Frappez
dessus, ruez dessus !
Fers
émoulus, chiquez dessus !
Alarme !
Alarme !
Courage !
Prenez, poursuivez,
Frappez,
ruez !
Ils sont confus,
Ils sont confus,
Ils
sont perdus
Ils
montrent les talons.
Ils
décampent, pas de pardon !
La
trompette est
aux abois.
Ils
sont défaits, tudieu !
Victoire
au noble roi
François !
Tout
est perdu, ils décampent, pardieu.