RUGBY
DE BANLIEUE
Version
française – RUGBY DE BANLIEUE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson
italienne – Rugby
di periferia – Piccola
Bottega Baltazar – 2016
La Mêlée |
Cette
chanson parle de terrains de banlieue, de rugby. Et le
rugby est un sport fait de boue, de travail et de sueur, parfois même
d’un peu de sang, et l’idée de tomber et de se relever
est l’essence même de ce sport, c’est donc une métaphore de la
réhabilitation. Cette chanson raconte
deux histoires de réhabilitation… L’une
est celle des Trois Roses Noires (Le documentaire), une équipe de
réfugiés de Casale Monferrato (Piémont).
L’autre
est celle du Briganti Rugby de Librino, dont le local du camp de San
Teodoro Liberato à Catane (Sicile) a été incendié, avec un
message clairement mafieux, pour un lieu de rencontre après l’école,
un petit phare dans un quartier suburbain de Catane, un de ceux où
l’abandon scolaire précoce est le plus fréquent.
Dialogue
Maïeutique
As-tu
déjà joué au rugby, Lucien l’âne mon ami ? Je suppose que
non, mais peut-être as-tu déjà vu des hommes qui jouent au rugby
ou peut-être des femmes ?
Oui,
j’ai déjà vu ça et je trouve ces mêlées humaines assez
curieuses, dit Lucien l’âne. Mais entre nous, si ça les amuse…
C’est
le but du jeu, dit Marco Valdo M.I., cependant, avant d’aller plus
loin, tout le monde n’est pas comme toi et tout le monde n’a pas
une connaissance de ce jeu et ne perçoit tout son intérêt. Alors,
Pour
ceux qui n’y comprennent
pas trop rien, il est recommandé d’écouter l’explication
du rugby,
haute
en couleurs, par Daniel Herrero, qui lui s’y connaît. C’est
une série de petites vidéos très parfumées aux odeurs de
Provence. Un vrai glossaire en images.
Je
verrai ces explications avec plaisir, car, je t’avoue, Marco Valdo
M.I., que pour ce qui est des détails du jeu, j’aurais besoin d’un
guide. Mais dis-moi, maintenant, la chanson.
Elle
raconte la vie d’une équipe de rugby de banlieue, d’une de ces
équipes de rugby composées d’amateurs qui font – en rugby comme
dans les autres sports – toute la richesse, tout l’intérêt et
toute la vie de ce jeu collectif. Cependant, Lucien l’âne mon ami,
ainsi que le montre la chanson, il y a un solide revers à la
médaille du sport : c’est la compétition, l’esprit de
compétition, l’apologie de la force, des plus forts et ainsi de
suite. Ça débouche évidemment sur l’idée du champion, du
championnat, de l’affrontement et le sommet est atteint quand on
concourt tout cet agone dans une équipe nationale affrontant
d’autres équipes nationales. C’est assez malsain.
Oh
oui, dit Lucien l’âne, ces histoires de compétitions sont assez
absurdes et leurs effets collatéraux délétères. Que des gens –
hommes ou femmes – jouent au ballon ou se courent après pour
jouer, c’est très sain et ça les distrait. Mais qu’on en fasse
une affaire de commerce, c’est une autre affaire ; que l’on
mette en branle des foules autour de ces jeux et on bascule dans
l’univers nauséeux de la manipulation des foules ; il suffit
de l’univers des supporteurs, où l’individu et son opinion, son
goût, sa divergence sont immédiatement stigmatisés. L’humain
disparaît dans la masse, avec le sport compétitif, on est toujours
dans une journée particulière. À l’acmé, c’est la grand-messe
et malheur à l’hérétique, il ne lui restera qu’à dire :
« Je
suis l’expulsé des vieilles pagodes
Ayant un peu ri pendant le Mystère ».
Ayant un peu ri pendant le Mystère ».
(En
Cour d’Assises – Charles Cros)
Vu
ainsi, Lucien l’âne mon ami, le sport a tous les aspects d’une
religion : il a sa célébration rituelle, il a ses officiants,
il a ses fidèles, il a ses hiérarchies, il a aussi ses ordalies. Il
a aussi son fondement d’exploitation et dès lors, la nécessité
de se professionnaliser, de grandir, de s’installer au plus profond
dans l’intimité des êtres. Mais revenons à la chanson qui
s’intéresse simplement au destin d’une petite équipe de
banlieue, où en raison de cette « petitesse » n’a
comme horizon que le jeu lui-même, loin des grandes cathédrales et
des offices prestigieux. Elle raconte sa vie au ras de l’herbe et
insensiblement, se change en parabole sociale. Ceux de la banlieue,
la plupart du temps partent perdants, y compris dans la vie. Et la
chanson serine, d’abord,
« les
autres sont plus forts
…
ils sont toujours plus
forts. »
En
fait, dit Lucien l’âne, C’est
la loi du sport – vu par ses promoteurs et par tous ceux qui en
tirent profit financièrement, économiquement, politiquement,
nationalement, idéologiquement… On
dirait une métaphore de la Guerre de Cent Mille Ans où les riches
et les puissants (« les autres plus forts ») dominent les
pauvres, les faibles pour assurer leur pouvoir, leurs richesses,
leurs privilèges et ainsi de suite.
Ensuite,
Lucien l’âne, la chanson poursuit sur son erre et elle dévoile le
ressort caché, le faux espoir entretenu pour maintenir en place
l’édifice, pour pouvoir continuer à jouer au-delà du jeu, pour
pouvoir continuer à participer aux offices, pour être encore dans
le jeu, si tant est qu’il faut y rester, si tant est qu’on ne
pourrait pas jouer en dehors de leurs stades, sans complexe et pour
le plaisir.
Ainsi,
la question se pose face à ce
« Mais
ensemble, on résiste ;
Divisés,
on tombe. »
de
savoir où on tombe et est-il gênant de tomber en dehors de leur
monde ? Ou n’est-ce pas, tout au contraire, la solution ?
Jouer autrement ou à autre chose.
Ne serait-ce pas le sens de « Make love, not war » ?
Moi,
dit Marco Valdo M.I., face à ces parades, je suis de l’avis de
Juliane Werding
« Hey,
hey, hey,
Ich bin die, die gar nichts tut,
Ich laß mich gehn und ich pfleg mich schö'n
Und es geht mir gut.
Ich bin die, die gar nichts tut,
Ich laß mich gehn und ich pfleg mich schö'n
Und es geht mir gut.
Hey,
hey, hey,
Je suis celle, celle qui ne fout rien ;
Je me laisse aller et je me ménage
Et ça me va bien. »
Je suis celle, celle qui ne fout rien ;
Je me laisse aller et je me ménage
Et ça me va bien. »
Quoi
qu’il arrive, je n’ai pas l’intention de jour dans leurs jeux,
dit Lucien l’âne et moi aussi, « ça me va bien ».
D’ailleurs comme tu le sais, je me balade depuis des siècles –
sans compétition, sans compétiteur ; mais, je prends quand
même le temps de tisser le linceul de ce vieux monde compétitif,
concurrentiel, sportif, commercial, avide, cupide et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Le
nouveau vient d’arriver et on l’a mis à l’aile.
Il
est fait d’os et de nerfs, il n’a pas froid aux bras.
Il
est toujours prêt si on lui passe l’ovale.
Il
ne sait pas aller en mêlée, mais il court et le reste, il
l’apprendra.
Pour
lui, la ligne de but est une hypothèse lointaine,
Mais
moins que la Moldavie, sa patrie lointaine.
L’adversaire
fait un clin d’œil et un sourire de glace.
Qui
signifie à peine je le peux, je te plaque.
Bruit
de fond de la rocade,
Les
touffes d’herbe sur le champ gelé,
Un
couple de corbeaux dans le ciel mouillé.
Un
pilier en première ligne montre un visage de tueur,
Car
peu importe sa taille, il y a ce moment de peur.
Alors,
son équipier le prend par le maillot,
Ils
se tiennent serrés en beuglant face à l’assaut.
Mais
les lignes là-bas dehors ne sont pas bien claires.
Il
est difficile de savoir quoi enfoncer avec les épaules
Le
coup de sifflet peut survenir à tout moment
Te
laissant seul à faire la mêlée avec le vent.
Bruit
de fond de la rocade
Le
béton vide de la tribune
Pas
d’acclamations, pas d’orchestre avec l’hymne.
C’est
que les autres sont plus forts
C’est
qu’ils sont toujours plus forts.
C’est
que les autres sont plus forts
C’est
qu’ils sont toujours plus forts.
Mais
ensemble, on résiste ;
Divisés,
on tombe.
Le
milieu a des poils blancs dans sa barbe et une famille.
On
dit qu’il devrait rester à la maison avec sa fille,
Sa
femme en a eu marre de la boue dans la maison.
Lui,
les mains sur les hanches, il gonfle sa poitrine et crache.
Demain,
c’est lundi et il n’y a pas de travail.
Demain,
c’est lundi et il n’y a plus de travail.
C’est
que les autres sont plus forts
C’est
qu’en paroles, ils sont tous plus forts
Et
si les autres sont plus forts, et si les autres sont plus forts.
C’est
que les autres sont plus forts
C’est
qu’en paroles, ils sont tous plus forts
Et
si les autres sont plus forts
Ensemble,
on résiste ;
Divisés,
on tombe.