dimanche 3 avril 2016

LE FLEUVE PÔ

LE FLEUVE PÔ

Version française – LE FLEUVE PÔ – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Il fiume PôRicky Gianco – 1977
Une des premières chansons écologistes, suivant d’un an à peine Eppure soffia [[4833]] de Bertoli.



Kafka a pris un bain (dans le fleuve)

Avant de se transformer en hanneton














Dialogue maïeutique

Il n’y a donc pas que l’Escaut, la Meuse, le Rhin, le Rhône, la Seine, la Senne, la Loire, le Danube, etc, sans aller jusqu’à évoquer les autres fleuves du monde, le Pô aussi sert d’égout industriel et agricole. Il n’y a là rien d’exceptionnel, la situation est semblable ou pire, partout dans le monde. C’est un effet du progrès, enfin, c’est ainsi qu’on l’appelle. Le progrès, c’est comme le camembert : Tant plus ça va, tant plus ça pue, tant plus, c’est meilleur. Si on continue, on finira quand même par en être dégoûtés.


Comme si déjà, on l’avait particulièrement apprécié, dit Lucien l'âne en riant. Tous ces ennuis ont commencé avec la machine à vapeur. Mais qu’y faire ?


D’abord, éclaircir les idées. Ce n’est pas d’une guerre à la Terre qu’il s’agit. La Terre n’a pas à s’en faire, aucune inquiétude à avoir pour elle, du moins pendant quelques milliards d’années encore. De son point de vue, la pire des guerres nucléaires ne serait qu’une facétie de cette espèce passagère et transitoire, composée de bipèdes arrogants et dès ce moment où elle aurait déclenché son feu d’artifice, disparue. Exit l’artificier avec ses bombes. Résumons : comme le chameau [[12553]] de la chanson, la Terre s’en fout. Il fut un temps où les Alpes n’existaient pas et il n'y avait pas de Pô non plus, bien entendu. Peut-être viendra le temps de leur disparition, y compris celle du Pô. Alors, un peu d’arsenic, d’ammoniaque, de plomb ou d’uranium dans le Pô ou n’importe où ailleurs, du point de vue de la Terre, c’est insignifiant. Par contre, et c’est ici que je veux en venir, par contre, pour l’humaine nation et les autres espèces vivantes, là, il est question de vie et de mort. Et toutes les espèces sont concernées, l’humaine, les ânes, tous les mammifères, les insectes, les poissons… Tous les êtres vivants, rigoureusement, tous. Sauf peut-être, les bactéries. Et là, on peut parler de guerre.


Bien vu, dit Lucien l’âne en fronçant le sourcil. J’allais justement tenir le même raisonnement. La guerre, oui ; mais quelle guerre ?


Eh bien, je vois en ton œil profond l’idée qui te passe par la tête. N’est-ce pas à la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]] que tu penses ?


Bien sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, et je vais t'expliquer pourquoi. Comme il est dit dans la chanson, le pauvre Pô et ses affluents sont progressivement saturés de produits toxiques, d’éléments nuisibles, de poisons, de polluants et tous ces effluents sont le résultat de l’activité frénétique et incontrôlée des hommes. Comme tu penses bien, ce n’est pas nous les ânes ou les abeilles ou les corneilles ou les renards, ou même les loups qui pourrissons les terres, les rivières et le fleuve. Ce sont les humains avec leurs sales manies. Et encore, pas tous. Seulement certains d’entre eux et pour quelle raison ?


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, quelle que soit la substance incriminée (nitrate, fer, plomb, uranium, pesticides, engrais, antibiotiques et bien d’autres encore) rejetée dans le fleuve, le but principal de la manœuvre est de tirer du profit (d’abord en fabriquant et vendant les produits ; ensuite, en rejetant les déchets). La cause première est cette insatiable envie de profit, de richesse et pour maintenir tout ça en place, cette nécessité de détenir le pouvoir. Et nous voilà ainsi en plein cœur de la Guerre de Cent Mille Ans. Tel est le moteur de cette guerre à la vie.

Ainsi la Guerre des riches contre les pauvres est aussi une guerre contre la vie elle-même. Il est plus que nécessaire que nous continuions notre tâche et tissions le linceul de ce vieux monde hanté par le progrès, malade de ses propres déjections, polluant et pollueur, avide, trop avide et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Le fleuve Pô naît des glaciers du Monviso,
Transporte du plomb et des pesticides,
Descend dans vallée et puis, conflue avec le Tanaro
Et emmène l’ammoniac vers des nouveaux lidos.
Un peu plus loin, le Pô rencontre le Ticino,
Dévale ensuite vers le Panaro
Et retrouve ainsi dans son lit de l’arsenic.
La Sesia et l’Oglio ajoutent le mercure.

Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est un fleuve chimique sans H2O
Sans hache deux o.
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est une partie de ce corps vivant que je n’ai pas
Que je n’ai pas.

Il paraît que c’est dans le Pô que Kafka a pris un bain
Avant de se transformer en hanneton
Et il y aurait même un témoin
Qui a vu Achille y tremper le talon.
Sont arrivés des experts américains
Qui savent tout et s’en lavent les mains,
Mais grave erreur, ils les ont lavées dans le fleuve
Et maintenant, sur leurs doigts poussent des écailles…
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est un fleuve chimique sans H2O
Sans hache deux o.
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est une partie de ce corps vivant que je n’ai pas
Que je n’ai pas.

Il s’agit sûrement de légendes
Et la région Lombardie n’en fait pas toute une affaire.
La région est saine et on peut avoir confiance ;
Elle vient d’approuver son plan nucléaire.

Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est un fleuve chimique sans H2O
Sans hache deux o.
Le fleuve Pô, le fleuve Pô
Est une partie de ce corps vivant que je n’ai pas
Que je n’ai pas.

À LA JEUNESSE

1943 – À LA JEUNESSE

Version française – À LA JEUNESSE – Marco Valdo M.I. – 2010 – nouvelle version : 2016


D’après la version italienne de Riccardo Venturi – 2005 d’une chanson norvégienne – Til ungdommen – Nordahl Grieg – 1936 – Musique : Otto Mortensen – 1952 


Nordahl Grieg
Quand nous créons la dignité humaine,
Nous créons la paix.





Petite note concernant l’auteur :

Johan Nordahl Brun Grieg, alias Nordahl Grieg (Bergen 1/11/1902 – Kleinmachnow – Berlin 2/12/1943).

Poète, romancier (auteur de « Le navire poursuit sa route » (roman, 1924), très admiré par Malcolm Lowry, dramaturge, journaliste et militant politique norvégien.

Venu d’une famille aisée, apparenté au compositeur Edvard Grieg, il fit des études à Oslo et Oxford.

Par la suite, il rejoint le Parti Communiste norvégien et séjourne en URSS ; stalinien convaincu, il prend la défense du régime lors des Procès de Moscou.

Correspondant de presse durant la guerre d’Espagne, il écrit en 1936, son poème le plus célèbre : « Til ungdommen » (À la jeunesse), mis en musique en 1952 par le compositeur danois Otto Mortensen.

Il prend ses distances avec le régime stalinien dès 1939 (Pacte germano-soviétique) et contre l’invasion de la Norvège par les Allemands, il entre dans la résistance. En 1940, il se réfugie en Grande-Bretagne par le même bateau que la famille royale et les réserves d’or norvégiennes. En exil, il organise des programmes radio norvégiens à partir de Londres.

Au cours d’une de ses missions de correspondant de guerre auprès de l’armée norvégienne, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1943, l’appareil (LM316) où il s’est embarqué est abattu au-dessus de Berlin et Grieg sera parmi les 8 morts de l’équipage.

Il est célèbre et célébré en Norvège comme résistant antinazi et antifasciste.




Dialogue maïeutique



Comme on peut le voir ci-dessus, j’avais fait une première version française de cette chanson norvégienne, il y a déjà quelques années. À ce moment, c’était pour moi une chanson parmi les centaines d’autres que j’avais traduites en quelque sorte par pure curiosité. Comme tu le vois, la curiosité n’est pas uniquement un grand défaut, c’est aussi une excellente qualité qui pousse à découvrir des horizons nouveaux et des histoires inconnues. C’était il y a quelques années et depuis, des centaines d’autres chansons sont venues me raconter le monde ou des bribes du monde. Elle aurait pu être noyée dans ce maëlstrom et se tapir dans les profondeurs de ma mémoire. Elle m’est revenue récemment, comme surgie d’un néant, lorsqu’un certain nombre de gens l’ont consultée. Qui, pourquoi ? Je n’en sais strictement rien. Comment je le sais ? Là, j’ai une réponse : c’est le relevé statistique qui me l’a indiqué et c’est lui qui me l’a remise en évidence.


Soit, mais où tout ça nous mène-t-il ?, dit Lucien l’âne un peu intrigué.


Eh bien, Lucien l’âne mon ami, dit Marco Valdo M.I., ceci nous mène à ce que j’ai retrouvé cette ancienne version et que je me suis intéressé de plus près à la chanson, à son contexte et à l’auteur du texte original, d’abord. Et ensuite, que je me suis aperçu que Nordahl Grieg était un personnage des plus intéressants, que sa chanson était fort connue (bien plus que je ne l’imaginais) et que surtout, d’un certain point de vue, c’était une histoire d’Allemagne. À divers titres d’ailleurs. Nordahl Grieg avait rencontré les Allemands de l’espèce nazie dès la Guerre d’Espagne, puis en Norvège-même, lors de l’occupation par les nazis et enfin, dans le combat pour la libération de la Norvège et la liquidation des nazis. Cependant, l’idée d’en faire une histoire d’Allemagne m’est venue en raison de sa mort en Allemagne, survenue en 1943 lorsque l’avion de la R.A.A.F. (Royal Air Force Australienne) à bord duquel il se trouvait, a été abattu aux environs de Berlin. C’était l’occasion de voir l’année 1943 d’une manière différente au travers du destin d’un autre correspondant de guerre.


Oui, je comprends ; cependant, je ne vois pas bien le rapport avec la chanson elle-même, qui date de 1936 et me paraît bien être un appel lancé à la jeunesse.


Le rapport se trouve tout simplement dans son auteur Nordahl Grieg.


Voilà le mystère éclaircit. Dès lors, reprenons notre tâche et recommençons à tisser le linceul de ce vieux monde guerrier, belliqueux, dément et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




Et toi, au milieu de tes ennemis,
Tu entreras à ton temps ;
Dans des tempêtes de sang,
À la guerre, tu t’en iras.

Tu te demandes peut-être, angoissé
Évidemment, ouvertement
Contre qui combattre ?
Quelle est mon arme ?

Pour contrer la violence
Voici ton épée :
La foi dans notre vie,
La dignité de l’homme.

Pour notre avenir
Cherche-la et cultive-la ;
Sois disposé à mourir,
Mais fais-la grandir et renforce-la !

Et si se dégoupillent encore
Les détonateurs des grenades,
Arrête leur poussée de mort,
Arrête-les par l’esprit !

La guerre est mépris de la vie ;
La paix est création.
Jette-z-y toutes tes forces,
La mort doit perdre !

Aime et enrichis de rêves
Tout ce qu’il y a de grand !
Va vers l’inconnu
Quérant une réponse.

Des laboratoires pas encore conçus,
Des étoiles inconnues,
Crée-les avec l’esprit ardent
D’une vie à peine éclose !

L’homme est noble,
La terre est riche
Et si la peine existe et la faim,
Elles doivent être éliminées.

En avant ! Au nom de la vie,
L’injustice doit disparaître,
Le soleil, le pain et l’esprit
Appartiennent à tous.

Et alors s’engloutiront
Les armes sans pouvoir !
Quand nous créons la dignité humaine,
Nous créons la paix.

Celui qui porte sur son bras droit
Un grand fardeau,
Cher et inoubliable,
Ne peut assassiner.

Tel est notre engagement
De frère à frère :
Nous serons bons
Avec la terre des hommes.

Et nous prendrons bien soin
De sa beauté, de sa candeur,
Comme si nous portions, de nos mains,
Un enfant du bonheur.