LE TESTAMENT D’UN ARBRE
Chanson italienne (Laziale Romanesco) – Er testamento d’un arbero – Trilussa – 1934
Texte
de
Carlo Alberto Camillo Mariano Salustri, alias
Trilussa (1871-1950), tiré
du recueil
“Cento favole”
publié en 1934.
Poésie
dans le passé – mais encore aujourd’hui, malheureusement –
impudemment censurée et violée par les « bonnes âmes »
(que Dieu les foudroie !), s’ils osent la proposer amputée
des derniers, très beaux et dramatiques vers qui en retournent tout
à coup et complètement l’apparente signification initiale. « Er
testament d’un arbero », en version italienne, a récemment a
été mise en musique par Marco Schunnach, dans une adaptation pour
le chœur qu’il dirige : l’« Ensemble vocale
Note…volmente ». Dommage que même le « maestro »
n’échappe pas à la violence qui de toujours a offensé ce poème,
en s’arrêtant aux habituels « poverelli » et en
omettant également les derniers vers où se trouve toute la
signification de cet authentique chef-d’œuvre, évidemment trop
bouleversant, hier comme aujourd’hui.
J’ai
pensé initialement de proposer « Er testament d’un arbero »
comme Extra, seulement
pour
lui rendre l’intégralité
et la dignité qu’elle
mérite… Mais ensuite j’ai pensé qu’il peut à
bon droit figurer
dans ce parcours, maintenant très fourni,
où on parle de la « Guerre
des
Mille
(ou
Dix
mille ?)
Ans
que
les
Riches
Font
aux
Pauvres »[[7951]]…
Dialogue
Maïeutique :
Il
n’a pas tort, Lucien
l’âne mon ami, l’ami
Alessandro d’insister sur les derniers vers et le rôle essentiel
qu’ils jouent dans la chanson en en renversant tout l’édifice de
bonne moralité des bonnes gens ; c’est un peu de la même
technique qu’usera Georges Brassens à la fin du Gorille[[6854]]
– enfonçant la porte arrière du magistrat et de
l’Hécatombe[[1264]]
– tranchant dans les soubassements de la gendarmerie. Je rappelle
les passages :
« La
suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c’est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l’homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !… »
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c’est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l’homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !… »
et
« Ces
furies, comme outrage ultime,
En retournant à leurs oignons,
Ces furies, à peine si j’ose
Le dire, tellement c’est bas,
Leur auraient même coupé les choses:
Par bonheur, ils n’en avaient pas ! »
En retournant à leurs oignons,
Ces furies, à peine si j’ose
Le dire, tellement c’est bas,
Leur auraient même coupé les choses:
Par bonheur, ils n’en avaient pas ! »
Certes,
dit Lucien l’âne en soupirant. Cela
dit pour cet arbre, il faut espérer qu’il sera entendu et qu’on
tiendra effectivement compte de son testament, ce dont on peut douter
quand on voit ce qui est advenu au « Grand
Chêne »
[[44600]]
que chantait – lui encore – Georges Brassens :
« Un
triste jour, enfin, ce couple sans aveu
Le passa par la hache et le mit dans le feu.
Comme du bois de caisse, amère destinée !
Il périt dans la cheminée. »
Le passa par la hache et le mit dans le feu.
Comme du bois de caisse, amère destinée !
Il périt dans la cheminée. »
Un
jour, si ça tombe, il n’y aura plus d’arbres du tout et alors,
que feront tous ces braves gens – enfin, leurs descendants, s’il
en existe encore ? Une dernière remarque cependant, on notera
que toutes ces références à Brassens sont pur hommage à Trilussa.
Pour le reste, tissons le linceul de ce vieux monde indigne,
indifférent, ingrat, incendiaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Un
arbre d’un bois, un jour d’hiver,
Appela les oiseaux et fit son testament :
« Je laisse mes fleurs à la mer,
Je laisse mes feuilles au vent,
Mes fruits au soleil et ensuite
À vous, toutes mes graines.
Appela les oiseaux et fit son testament :
« Je laisse mes fleurs à la mer,
Je laisse mes feuilles au vent,
Mes fruits au soleil et ensuite
À vous, toutes mes graines.
À
vous, oiseaux pauvres,
Pour que vous me chantiez des chansons
À la belle saison.
Et je veux aussi que mes branches,
Quand elles seront sèches,
Chauffent le feu des pauvres.
Pour que vous me chantiez des chansons
À la belle saison.
Et je veux aussi que mes branches,
Quand elles seront sèches,
Chauffent le feu des pauvres.
Mais
sur mon tronc, je vous signale,
Il est une branche qui doit
Être confiée à Dieu et aux hommes.
Car cette branche, simple et modeste,
Fut forte et généreuse et elle l’établit
Le jour où elle soutint un honnête homme
Quand il s’y pendit. »
Il est une branche qui doit
Être confiée à Dieu et aux hommes.
Car cette branche, simple et modeste,
Fut forte et généreuse et elle l’établit
Le jour où elle soutint un honnête homme
Quand il s’y pendit. »