vendredi 20 novembre 2020

LES SONNAILLES

 

LES SONNAILLES



Version française – LES SONNAILLESMarco Valdo M.I. – 2020

d’une chanson francoprovençaleLi SounalhéAnonyme – transcription : Enrica Vottero – 2003







 

Sonnailles en Provence




C’est une chanson en francoprovençal (graphie à préférer à franco-provençal), la langue du sous-groupe Galloroman qui comprend la langue d’oïl et l’occitan. Bien qu’elle ait de nombreuses affinités, elle se distingue de ces dernières. En Italie, c’est la langue d’une minorité, résidant dans le Val d’Aoste et dans les vallées piémontaises du sud, protégée par la loi.

Les paroles de la chanson ont été adaptées à une mélodie antérieure, apparemment dans la tradition de l’église vaudoise. Nous devons à Mme Enrica Vottero sa redécouverte. Elle faisait en effet partie du répertoire de son père, violoniste. Il faisait partie d’un groupe d’amis qui, dans cette région des vallées, s’appelaient « li sounalhé », les musiciens.



[Riccardo Gullotta]


Dialogue Maïeutique



Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson qui me va droit au cœur et je suppose que tu devines pourquoi.


Certainement, répond Lucien l’âne, car elle exprime la joie de ces persécutés que furent les disciples de Valdo (qui avaient dû fuir les sbires de l’Église catholique jusqu’en Bohême pour certains et dans les hautes vallées alpines pour d’autres) de vivre en paix dans leurs montagnes, où ils s’étaient réfugiés, et de fêter le printemps et le rassemblement des brebis au départ vers les pâturages. J’ai été témoin et j’ai accompagné leurs grandes transhumances à travers un millénaire.


Si tu as compris tout ça, Lucien l’âne mon ami, tu as aussi compris que c’est un chant de résistance, un chant de vie. Maintenant, il faut rappeler que cette persécution tient essentiellement au fait que ces persécutés, s’appuyant sur les seuls textes de légende disponibles (en fait, la Bible), mettaient en cause l’ordre des puissants et des riches.


Bref, dit Lucien l’âne, au milieu de la Guerre de Cent Mille Ans  que les riches font aux pauvres, ils menaient la tranquille et pacifique résistance des pauvres contre l’ordre établi si profitable aux riches et à l’exploitation.


En effet, dit Marco Valdo M.I. ; maintenant, pour ce qui est de la chanson, que cache-t-elle sous ses airs festifs, comme c’est souvent le cas avec les chansons anciennes, telles qu’elles nous parviennent sous leur gangue folklorique ? Il faut donc l’interpréter. Et d’abord, il me paraît que le mot « sounalhé » est en francoprovençal le mot pluriel pour « sounalha », qu’on peut traduire par « sonnaille ». Les « sonnailles », c’est le bruit que font les clochettes quand se rassemblent et se déplacent les brebis. Ce sont aussi les joyeux tintements qui augurent du printemps et marquent le passage des années, souvent avec une fête. Je pense aussi qu’il faut entendre les « sonnailles » comme le chant des brebis – au sens chrétien, cette fois et tout ça me paraît s’accorder avec les rythmes des villages de montagne et leurs pasteurs. C’est dans ce sens que j’ai établi cette version française.


Évidemment, conclut Lucien l’âne, vue comme ça, la chanson prend une tout autre dimension. Cependant, depuis le temps, le tourisme a fait de ces retrouvailles des événements qui drainent dans les villages d’autres foules que les brebis et fait perdre la mémoire et le sens de cette chanson. Mais assez causé, tissons le linceul de ce vieux monde bien établi sur ses bases inéquitables, persécuteur, maugréant et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




À l’heure où sortent à l’air frais,

Les troupeaux au grand complet,

Tous courent en pagaille

Pour écouter les sonnailles.


Vingt-cinq anes sont passées,

La soixantaine n’est pas encore arrivée,

Nous sommes dans le meilleur de la vie aux sonnailles.


Sortez, les amis,

Même pieds nus et sans habits,

On ne sent pas le froid en écoutant les sonnailles.


Vingt-cinq anes sont passées,

La soixantaine n’est pas encore arrivée,

Nous sommes dans le meilleur de la vie aux sonnailles.


Et s’il vous vient l’envie

D’aller quérir une bouteille d’eau de vie

Ou du meilleur vin, nous ferons la fête aux sonnailles.


Vingt-cinq anes sont passées,

La soixantaine n’est pas encore arrivée,

Nous sommes dans le meilleur de la vie aux sonnailles.