PETER NORMAN
Version
française – PETER NORMAN – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – Peter Norman – Alberto Cantone – 2018
Je savais juste que juste, ce n’était pas.
Alors, quand ils ont levé leur bras.
Seul blanc parmi les trois,
J’ai retenu mes bras.
Jeux olympiques de Mexico, 1968. Finale de la course de 200 mètres. Cette photo en noir et blanc de deux athlètes sur le podium, pieds nus et le poing levé vers le ciel, Tommie Smith et John Carlos, revendiquant la dignité et les droits du peuple afro-américain après la « course de leur vie », reste certainement une icône du 20e siècle.
Mais il y a un troisième homme, souvent oublié, sur cette photo : le deuxième dauphin, un Australien à la peau blanche, Peter Norman. Il assiste à la cérémonie de remise des prix avec un air qui semble perdu, au point de percevoir parfois dans cette expression une dissociation ou du moins un détachement de cet événement historique, d’une histoire qui n’est pas la sienne. Mais Peter Norman est probablement le véritable héros tragique de cette soirée, destiné à payer le prix le plus élevé. Dans un geste d’amour, ou de simple humanité, il décide de se joindre symboliquement à cette manifestation. Il demande à ses deux coéquipiers noirs, qui lui demandent s’il est sensible aux droits civiques, s’il peut lui aussi avoir un autocollant comme le leur, emblème des « athlètes contre le racisme », et le porte en silence sur le podium qui deviendra sa croix. Bien qu’il ait lui aussi couru la « course de sa vie », une médaille d’argent et un record australien toujours invaincu, Peter Norman a trouvé la méfiance et un ostracisme ouvert à son retour chez lui. Il ne participera plus jamais à une course officielle. Il ne sera pas appelé pour les Jeux olympiques suivants, en 1972, bien que ses temps soient encore excellents. Abandonné et en disgrâce, il est mort assez précocement. Ses deux coéquipiers Tommie Smith et John Carlos, dont l’image avait entre-temps fait le tour du monde, purent seulement porter son cercueil sur leurs épaules, visiblement émus.
Peter Norman, vu par son neveu.
Peter Norman ? C’était un héros. On lui a fait une statue. Cinquante ans plus tard. Trop tard, il était mort.
« Finalement, tout ce qu’ils font aujourd’hui ne rachètera jamais totalement ce qu’ils auraient dû faire hier, quand il était encore en vie », disait Matt Norman, le neveu de Peter. « Juste après la course, Tommie et John se sont précipités dans les couloirs du stade pour préparer leur geste, en attendant la cérémonie. Mais très vite, Tommie s’est rendu compte qu’il avait oublié sa paire de gants. Ils se sont mis à paniquer, à se demander s’ils pouvaient toujours le faire. C’est là que Peter s’est permis d’intervenir : il leur a proposé de partager la même paire de gants, celle amenée par John. Que l’un prenne le côté gauche, et l’autre le côté droit. » Voilà pourquoi les deux hommes n’ont qu’un poing ganté. Mais le soutien de Peter Norman ne s’arrête pas là : « Peter a tout de suite compris ce qui se jouait. Il savait déjà que sa course, que sa médaille d’argent, que le sport était secondaire. Et il a rapidement compris la portée du geste de Tommie et de John. Il savait qu’il participait à un moment d’histoire, et, c’est ce dont il a été le plus fier jusqu’à la fin de sa vie. »
Sa solidarité pour le mouvement civique des Noirs américains lui a valu des menaces de mort, mais surtout, son écartement, son effacement par les milieux sportifs de son propre pays, l’Australie. Ça l’a détruit et il a plongé dans une dépression sévère, puis dans l’alcoolisme. Il a divorcé, s’est éloigné de ses enfants, a développé une addiction aux anti-douleurs. Sa vie est devenue infernale jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque en 2006. Il avait 64 ans.
Je
savais que ce n’était pas le vent
Qui me défiait ce soir-là
Quand Tommie me passa
Comme une fusée en riant
Je savais que ce n’était pas le vent
Mais un cyclone ce soir-là,
Ces poings serrés s’élevant
Au-dessus du podium, tout droit.
Je savais que ce n’était pas le moment,
Mais peut-être cet été
Était un nouveau temps,
Un temps de liberté.
Je savais que ce n’était pas le moment,
Mais l’amour ou le goût du bien ;
Alors, j’ai épousé leur engagement
Comme si c’était le mien.
Un badge sur mon cœur, très voyant
Et mon regard absent,
Ce cliché toujours présent
De trois hommes en noir et blanc.
J’y suis moi aussi, presque un intrus,
Comme une note marginale
Dans une histoire générale,
Comme un détail indu.
Je savais que ce n’était pas le moment,
Mais que jamais il ne reviendrait,
L’histoire déjà à demain s’en allait,
Alors, moi, je décidais.
Je savais que ce n’était pas un temps
Qu’on pouvait mettre en pause,
Alors, j’ai épousé leur cause
Par instinct et par amour, consciemment.
Je savais peu de leur histoire
À ces gars à la peau noire
Massacrés par la police.
Au fond, ce n’était pas ma cause.
Je savais juste que juste, ce n’était pas.
Alors, quand ils ont levé leur bras.
Seul blanc parmi les trois,
J’ai retenu mes bras.
Je savais que ce n’était pas mon moment,
Ni ma course, ni le bon temps.
Tommie l’a emporté.
Moi, je n’ai plus jamais pu participer.
Je savais que je n’avais pas le temps,
Le temps fuit à chaque instant.
J’y gagnai ma médaille
Et ma vie qui déraille.
Je savais que ce n’était pas le vent
Qui me défiait ce soir-là,
Quand Tommie me passa
Comme une fusée en riant.
Je savais que ce n’était pas le vent
Ce soir-là, mais la colère,
Quand le ciel se fit noir entièrement,
Comme une Panthère.