Le
Douanier
Chanson
sans musique – Le Douanier – Fernand Raynaud – 1972
Le
Douanier Raynaud
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Il
est vrai, Lucien l'âne mon ami, que Fernand Raynaud n'est pas
vraiment connu comme chanteur, mais comme tu le sais pour le texte,
la musique n'est qu'un adjuvant, parfois plaisant, parfois moins,
parfois soporifique, parfois anesthésique… Dans la chanson,
l'essentiel, c'est ce qu'on dit. L'homme est un être parlant ;
c'est ce qui le distingue de tous les autres êtres vivants… Quand
je dis « parlant », je parle de la parole signifiante,
bien évidemment.
Même
quand elle ne signifie rien…
Oui,
même
quand elle ne signifie rien, car signifier le rien, c'est
déjà signifier quelque chose et précisément, le rien. C'est
ce que disait un autre amuseur public de langue française,
l’inénarrable Raymond Devos … Une
fois rien, c'est rien, deux fois rien, c'est déjà quelque chose,
mais trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose. Dans
un sketch où la conclusion politique est de toute première
grandeur : « Est-ce en remettant toujours au lendemain la
catastrophe que nous pourrions faire aujourd'hui, que nous
l'éviterons ? »
Là,
tu m'embrouilles ; je suis, comme qui dirait perdu. Alors, si tu
le veux bien, revenons à la chanson sans musique, qui suit cette
chanson
sans paroles [[48670]] de l'autre jour. De quoi parle-t-elle ?
Et en quoi peut-elle intéresser les Chansons contre la Guerre ?
En
fait, tout d'abord, deux mots sur les amuseurs publics, les comiques,
les humoristes… dont on ne peut ignorer l'importance dans la
critique sociale et politique ; évidemment, sous un jour
différent de celui de la chanson. On en trouve une série dans les
Chansons contre la Guerre, mais jusqu’à présent, principalement
de langue italienne et ce n'est que normal, s'agissant d'un site
commencé et continué par des gens dont la langue est habituellement
l'italien. Sans doute, faudrait-il leur réserver une place ou une
présentation particulière et les regrouper – toutes langues
confondues. Cependant, au fil du temps, le champ linguistique et
culturel s'étend à d'autres univers linguistiques. Ici, en
l'occurrence de langue française. On trouve déjà parmi les
dizaines de milliers de textes et de chansons, certains de Pierre
Dac, Jean Yanne et il en est d'autres qu'il faudra bien découvrir.
Cette fois, pour répondre à ta question, il s'agit de mettre en
évidence au travers du personnage d'un douanier la question du
racisme et de l'immigration. Peut-être (on est en 1972), la question
– qui est aujourd'hui très cruciale, en Italie – se posait-elle
lourdement en France à cette époque en raison des flux de
populations venues de colonies et ex-colonies françaises. Bref, le
« douanier » de Raynaud – sorte d'incarnation de
Français moyen – s'en prend aux « étrangers qui viennent
manger le pain des Français » ; d'abord, de façon
générale, en quelque sorte théorique, c'est la rumeur, c'est une
opinion… Puis de façon directe et personnelle à l' « étranger »
du village. Suite dans le texte…
Voyons
donc le texte et tissons le linceul de ce vieux monde idiot, raciste,
imbécile et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je
ne suis pas un imbécile moi,
Je
suis douanier.
Je n'aime pas les étrangers !
Je n'aime pas les étrangers !
Ils
viennent manger le pain des Français...
Ouais
!
C'est curieux : comme profession, je suis douanier,
C'est curieux : comme profession, je suis douanier,
Et
puis je n'aime pas les étrangers...
Quand je vois un étranger qui arrive,
Quand je vois un étranger qui arrive,
Puis,
qu'il mange du pain,
Je
dis : "Ça, c'est mon pain !"
Puisque je suis Français,
Puisque je suis Français,
Et
puis, il mange du pain français,
Donc,
c'est mon pain à moi.
Je n'aime pas les étrangers
Je n'aime pas les étrangers
Parce
que moi, je suis Français,
Et
je suis fier d'être Français.
Mon nom à moi, c'est Koulakiastensky du côté de ma mère...
Mon nom à moi, c'est Koulakiastensky du côté de ma mère...
Et
Capuano-Banditi du côté d'un copain à mon père.
C'est pour vous dire si je suis Français !
Je n'aime pas les étrangers,
C'est pour vous dire si je suis Français !
Je n'aime pas les étrangers,
Ils
viennent manger le pain des Français…
Dans le village où on habite, on a un étranger ;
Alors,
quand on le voit passer,
On
dit : "Tiens, ça, là, ... ».
On le montre du doigt,
On le montre du doigt,
Comme
un objet… Un étranger…
Il vient manger le pain des Français...
Quand sa femme passe,
Il vient manger le pain des Français...
Quand sa femme passe,
la
tête basse,
avec
ses petits enfants qui baissent la tête; on dit :
"Ça, ça là, c'est des étrangers :
"Ça, ça là, c'est des étrangers :
ils
viennent bouffer le pain des Français."
L'autre dimanche, dans mon village,
L'autre dimanche, dans mon village,
J'avais
été - c'était à la sortie de la messe de dix heures -
J'avais
été communier au café d'en face.
Il y a l'étranger qui a voulu me parler.
Il y a l'étranger qui a voulu me parler.
Moi,
j'avais autre chose à faire, pensez,
Parler
avec un étranger.
J'avais mon tiercé à préparer...
Enfin, du haut de ma grandeur, j'ai daigné l'écouter...
Il m'a dit :
« Ne pensez vous pas qu'à notre époque
J'avais mon tiercé à préparer...
Enfin, du haut de ma grandeur, j'ai daigné l'écouter...
Il m'a dit :
« Ne pensez vous pas qu'à notre époque
1972,
C'est
un peu ridicule
De
traiter certaines personnes d'étrangères,
Nous
sommes tous égaux.
Voilà ce que j'avais sur le cœur,
Voilà ce que j'avais sur le cœur,
Je
voulais vous dire ça, Monsieur le Douanier,
Vous
qui êtes fonctionnaire et très important,
Vous
qui avez le bouclier de la Loi...
Nous
sommes tous égaux.
On
peut vous le prouver :
Quand
un chirurgien
Opère
un cœur humain,
Que
ce soit au Cap, à Genève, à Washington, à Moscou, à Pékin,
Il
s'y prend de la même manière :
Nous
sommes tous égaux. »
Andouille !
Andouille !
Venir
me déranger pour dire des inepties pareilles !
Il a poursuivi...
Il a poursuivi...
Ils
sont tellement bêtes ces étrangers,
Ils
viennent manger le pain des Français.
Il m'a dit... :
« Est-ce que vous connaissez une race
Il m'a dit... :
« Est-ce que vous connaissez une race
Où
une mère aime davantage
Ou
moins bien son enfant qu'une autre race ? »
Là, je n'ai rien compris à ce qu'il a voulu dire...
Là, je n'ai rien compris à ce qu'il a voulu dire...
J'en
ai conclu qu'il était bête...
En effet, lorsque quelqu'un s'exprime
En effet, lorsque quelqu'un s'exprime
Et
que l'on ne comprend pas ce qu'il dit, c'est qu'il est bête !
Et moi, je ne peux pas être bête ....
Et moi, je ne peux pas être bête ....
Je
suis douanier.
"Va-t-en,
étranger !"
Il m'a répondu: « J'en ai ras-le-bol. Chaque race a sa noblesse.»
Il a pris sa femme, sa valise, ses enfants,
Il m'a répondu: « J'en ai ras-le-bol. Chaque race a sa noblesse.»
Il a pris sa femme, sa valise, ses enfants,
Ils
sont montés sur un bateau,
Ils
ont été loin au delà des mers, loin...
Et, depuis ce jour là, dans notre village,
Et, depuis ce jour là, dans notre village,
Eh
bien,
On
ne mange
plus de pain !
Il était boulanger !
Il était boulanger !