Version
française – LE ROI DE FRANCE – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après
la version italienne de Riccardo Venturi.
Provenance
attestée : Smyrne (Turquie), XVIème siècle
Smyrne vers 1500 |
Il
doit être, je pense, assez connu maintenant que, de temps en temps,
l’ici
présent a besoin de quelque « retour » dans le temps, et
même fort en arrière. Avec l’espoir d’être accompagné aussi
par celui qui éventuellement lit et écoute les délibérément très
inactuelles pages du genre, ce soir je voudrais vous emmener dans
l’Espagne sefardite du onzième ou douzième siècle, époque à
laquelle sans doute ce chant doit trouver son origine. Un chant que,
si possible, je vous conseillerais d’écouter dans le noir, ou les
yeux fermés ; il parle d’un rêve. Le beau rêve d’une très
jeune fille, peut-être encore une enfant, fille d’un fabuleux roi
de France, qui brode, et qui ne veut pas être réveillée par sa
mère. Sa mère, cependant, le lui interprète : en extrême
synthèse, le sujet de cette ancienne composition en Juif-espagnol,
langue qui à l’époque correspondait à l’espagnol commun (avec
ses évidents judaïsmes) mais qui, avec l’expulsion à l’époque
de la reine Isabelle (le 12 octobre 1492, le jour-même de la
« découverte de l’Amérique » par Colomb), s’en alla
très loin, sur les rivages orientaux, pour y rester cristallisée ;
de sorte que les juifs sefarades, peu nombreux, restés dans cette
région parlent encore l’espagnol d’il y a huit siècles. El
rei de Fransia
(LE ROI DE FRANCE) est réapparu au seizième siècle environ, dans
des canzoniers écrits en alphabet hébreu et arabe, provenant de la
ville de Smyrne. Et il fait partie de la tradition musicale de la
ville de Smyrne ; on dit qu’il fut chanté en grec. Alors qu’il
était déjà tout un mélange de langues, d’exodes, de peuples. Au
fond, j’aurais été tenté de ne pas mettre ce chant parmi les
« Extras », comme tout ce qui provient de n’importe
quelle diaspora de n’importe quel temps : fils d’exils, de
chasses, de violences, de traditions et de chansons qui suivaient et
suivent les peuples éradiqués. Et ainsi, pendant qu’une reine
très catholique chassait les Juifs d’Espagne, ceux-ci emportaient
la chanson de rêve de bonheur et de joie de la fille d’un roi.
[RV]
« J’étais
sortie à la porte,
Je vis la lune pleine,
Je me suis mise à la fenêtre,
Je vis Vénus l’étoile.
Je vis la lune pleine,
Je me suis mise à la fenêtre,
Je vis Vénus l’étoile.
Les
trois petits oiseaux
Sont tes petits beaux-frères,
Et le pilier d’or
Est le fils du roi,
Ton fiancé. »
Sont tes petits beaux-frères,
Et le pilier d’or
Est le fils du roi,
Ton fiancé. »