Le Rapt de Lamme
Chanson
française – Le
Rapt de Lamme
–
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 69
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXVIII)
Ulenspiegel le Gueux – 69
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXVIII)
Dialogue
Maïeutique
Tu
te souviens certainement,
Lucien
l’âne mon ami, qu’on
avait laissé Lamme et Till , lors de cette mémorable soirée
à Anvers, devant une maison aux rideaux jaunes et à la
lanterne rouge, un couvent de nonnains du diable où supposait-on, se
démènent « Quinze
belles amoureuses amènes » et
la fin de la chanson laissait penser que Till entendait bien y entrer
et y entraîner Lamme assez dolent.
Je
me souviens, dit Lucien l’âne en riant, et je suppose qu’ils y
sont entrés : l’un de bon gré, l’autre moins enthousiaste.
Et je suppose que c’est cette suite de soirée que raconte cette
nouvelle chanson.
En
effet, Lucien l’âne mon ami. Donc, Till entraîne Lamme dans la
maison en question et lui-même ayant trouvé une compagne pour la
soirée se retire dans une pièce du haut et Lamme doit seul
affronter cet essaim de demoiselles en mal d’amour.
Comment
ça « en mal d’amour » ?, s’étonne Lucien
l’âne.
Figure-toi,
dit Marco Valdo M.I. que Till et Lamme arrivent
dans cet étrange couvent, précisément le jour où ses nonnains
d’amour ont leur organisation de vie et disposent ainsi d’une
journée de repos, d’une journée à elles, qu’elles peuvent
partager comme bon leur semble. Et comme le reste de leur vie est
consacrée aux amours tarifées, ce jour-là, elles entendent bien
faire régner l’ère de la gratuité et de l’amour pour l’amour
et comme dit Brassens, elles rejoignent les « Vénus de la
vieille école, Celles qui font l’amour
par amour. » Cependant, Lamme reste sourd à leurs propositions
et tente de s’échapper. Alors, elles vont tout simplement le
rapter et l’obliger à sacrifier aux charmes de la
plus jeune d’entre elles. Et Lamme, l’homme fidèle à sa femme
invisible, y consentira.
Ça
laisse songeur, dit Lucien l’âne. Mais je suis persuadé que le
bon Lamme s’en remettra.
Oh,
dit Marco Valdo M.I., d’autant plus que dans le récit de la
Légende, le brave Lamme est sauvé en quelque sorte par le gong, car
une bagarre va éclater dans le vertueux établissement au moment où
une bande d’oiseleurs ivres vont tenter de violenter les
« amoureuses de la gratuité » qui ne les trouvent pas à
leur goût, moment que Till et Lamme mettront à profit pour
s’éclipser. Comme tu le verras, tout ceci n’est pas dit dans la
chanson, la
rirette, la rirette.
Et
pourquoi donc ?, demande Lucien l’âne.
Tout
simplement, dit Marco Valdo M.I., car malgré la longueur de cette
chanson en multiples morceaux (on en est au soixante-neuvième
épisode), il me faut condenser extrêmement la Légende qui fait
près de 600 pages bien remplies, dans l’édition que j’utilise.
Dès lors, je suis forcé d’élaguer et le résultat en est que si
c’est finalement la même Légende, c’est une tout autre
histoire :
celle du combat de Till pour la liberté humaine – face à tous les
cultes, face à tous les pouvoirs. Comme
on l’a constaté jusqu’ici, ce combat passe par tous les moments
de la vie et ne se résume pas aux seuls moments héroïques ou
strictement « engagés ». La
Guerre de Cent Mille Ans, comme on le sait, se déroule
partout et toujours, au cœur de la soi-disant paix, jusque dans le
for le plus intérieur de chaque individu. Dans le fond, tout moment
en est un moment, tout geste en est un geste. Tel est le sens de
cette geste de Till qui s’y inscrit totalement.
Ainsi,
dit Lucien l’âne, toute chanson s’inscrit – consciemment ou
non – dans le récit de cette Guerre cent-millénaire. Tout comme
nous d’ailleurs qui tissons inlassablement le linceul de ce vieux
monde cent-millénaire, guerrier, violent et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Till
dit : « Il faut te divertir. »
Lamme
répond : « J’aimerais mieux dormir. »
Till
dit alors : « Entrons donc dans ce couvent,
Un
petit bossu y joue du clavecin grinçant.
Les
quinze belles demoiselles sont là
Penchées,
accoudées, couchées ;
Jambe
de ci, jambe de là,
Jusqu’au
milieu du corps dénudées.
« Pas
de monnaie aujourd’hui, on n’en veut pas.
C’est
l’amour qu’il nous faut ;
Amour,
amour de qui nous plaira ;
Sans
payer, amour nouveau, amour tout beau.
Hier,
il fallait seulement payer
Pour
nous avoir ;
Maintenant,
il faut aimer boire
Vin
et baisers et rêver.
Le
cœur bat dans la poitrine,
C’est
l’horloge des baisers.
Pour
l’heure, jouvencelles coquines,
Nous
sommes filles de charité. »
« Till
mon ami, où es-tu ?
Ne
me laisse pas seul ici.
Till,
tu as disparu,
Où
es-tu parti ? »
« Ton
ami est dans la chambre à côté
Où
il est fort occupé.
Comme
Jacob van Maerlant de Damme,
Il
aime à lutiner les dames.
« Lamme,
Lamme, disent les donzelles,
Lamme,
Lamme, tu ne partiras pas !
Lamme,
Lamme, reste là !
Lamme,
Lamme, sinon on nous battra. »
Les
minces et les dodues, les belles et les laides,
Les
rousses, les noires, les brunes et les blondes
Jettent
en l’air son manteau et le tirent sur le lit,
Elles
posent des baisers sur sa peau – malgré lui.
« Je
suis marié, crie Lamme.
Je
tiens tout pour ma femme. »
« Tu
dois choisir ou on te fouette »
Et
Lamme se rend à la plus jeunette.