jeudi 30 juillet 2015

JE VIENS MOI AUSSI. NON TOI NON !

JE VIENS MOI AUSSI. NON TOI NON !



Version française – JE VIENS MOI AUSSI. NON TOI NON ! – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Vengo anch'io. No, tu no! – Enzo Jannacci – 1967
Auteurs : F. Fiorentini - D. Fo - E. Jannacci – Enzo Jannacci – 1967



Enzo Jannacci - Dario Fo - 1963

On pourrait aller tous ensemble dans les mercenaires
Là-bas au Congo de Mobutu se faire enrôler
Je viens moi aussi ? Non toi non.





Regarde, Lucien l'âne mon ami, comment vont les choses dans ce monde étrange dans lequel il nous est arrivé de vivre parallèlement l'un à l'autre.


Sans doute, sans doute. Pour paraphraser en le détournant le titre de la chanson que tu as récemment traduite : Je viens moi aussi et toi de même. Mais au fait, dis-moi Marco Valdo M.I. mon ami, ce qu'elle vient faire ici cette chanson et aussi, un peu, pourquoi tu l'insères en italien, comme si nos amis des CCG n'en avaient pas connaissance. Elle leur aurait donc échappé ?


D'abord, commençons par le commencement. Et... Au commencement était Carlo Levi.


Quoi ? Que vient faire Carlo Levi dans cette affaire ? Tu ne vas quand même pas me dire que c'est Carlo Levi qui t'as fait connaître cette chanson… Si je me souviens bien, Carlo Levi est mort depuis longtemps…

En effet, Carlo Levi est mort il y a quarante ans et pourtant, c'est bien lui qui m'a suggéré cette chanson. D'où, mon « Au commencement était Carlo Levi... ». Mais venons-en au fait. Depuis quelques temps, je me suis remis à refaire une version en langue française de cet étonnant et très intrigant livre de Carlo Levi : Paura della Libertà – La Peur de la Liberté. Je te rappelle au passage que Carlo Levi est un des fondateurs et des penseurs du mouvement clandestin de résistance au fascisme, Giustizia e Libertà. C'était au début des années vingt du siècle dernier. Donc… Pour des raisons de traduction, d'éclaircissement du processus qui avait conduit Carlo Levi à écrire – pour lui-même – Paura della Libertà, j'ai relu une série d'interviews qu'il avait données dans les années soixante et septante à la radio et à des journaux. Et c'est dans une de ces transcriptions, que j'ai trouvé le passage suivant, où il est question de cette chanson de Jannacci. La journaliste de la RAI – Terzo Programma (14 juin 1969), Marina Como, lui demande :
« Può far mi il nome de qualche canzone che Le è capitato di ascoltare et che Le piace, oppure il nome di qualche cantante… » (Pouvez-vous me donner le nom d'une chanson qu'il vous est arrivé d'écouter et qui vous plaît, ou le nom d'un chanteur...)
Et Carlo Levi répond… Avant de donner sa réponse, j'indique qu'elle intéresse particulièrement les CCG en ce qu'elle dit à propos de la chanson en général. Donc, Carlo Levi :
« Ce ne sono un'infinità…
Ci sono poi altre canzoni fra le centomila che si ascoltano per le quale ho interesse proprio per la scoperta di un loro motivo psicologico attuale : per esempio certe canzoni di Jannacci… quella di Jannacci ad esempio che dice Vango anch'io… questo « vengo anch'io » l'ho trovato fantastico, bellissimo... » (Il y en a une infinité… Il y a ensuite d'autres chansons parmi les cent mille qu'on entend et pour lesquelles j'ai de l'intérêt précisément en raison de la découverte d'un motif psychologique actuel : par exemple certaine chanson de Jannacci… celle de Jannacci qui dit Vengo anch'io … ce « vengo anch'io », je l'ai trouvé fantastique, très beau... »). Arrivé là, je me suis précipité dans les CCG pour voir cette chanson… Elle n'y était pas. Je l'ai donc cherchée et maintenant, je l'ai insérée dans les CCG. D'abord, la version italienne et ensuite, comme tu le vois, ma version en français. Mais…


Tu ne vas quand même pas me dire qu'il y a encore des éléments inattendus : tu t'intéresses à une chanson, tu la trouves, tu l'insères, tu insères une version en français… Que peux-tu y ajouter ? Tout est dit, non ?


Non. Il y a plus qu'on ne l'imagine dans ce cheminement hasardeux, le voyage au pays de la chanson est sujet à d'étranges aléas. Il y a le texte et le texte. Et l'histoire de la chanson elle-même. Il y a que parmi les auteurs, il y a Dario Fo et j'avais déjà traduit le texte que j'avais trouvé et qui reprenait exactement ce qu'on peut entendre dans les enregistrements publics de Jannacci et dans les compilations que l'on trouve sur Internet. Cependant, je trouvais à ce texte, un goût d'un peu trop peu, lorsque j'ai découvert que la version diffusée et connue avait été censurée et les deux dernières strophes avaient été interdites d'édition. Et quelles strophes… C'étaient de vraies bombes politiques et imagine, elles touchaient à la Belgique 'une part, dans sa politique post-coloniale au Congo et à la dictature de Mobutu et d'autre part, à la catastrophe minière du Bois du Cazier, mettant également directement en cause le résultat de la politique d'émigration italienne : Uomini contro carbone. J'ai donc rajouté ces deux strophes. Je te laisse découvrir.


Laissons découvrir… Car de fait, avec ces deux strophes, c'est réellement une autre chanson, très explicitement chanson contre la guerre, cette fois.
Alors, écoutons-la et reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde dérisoire, arrogant, avide, aveugle, assassin et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



On pourrait tous aller au zoo communal.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Pour voir comment sont les bêtes féroces
Crier au secours, le lion s'est enfui, à l'aide
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait tous aller maintenant que c'est le printemps.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Avec sa belle bras dessus, bras dessous parler d'amour,
Découvrir qu'il finit toujours par pleuvoir
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait tous espérer un monde meilleur.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Où chacun, est prêt à te couper une main,
Un beau monde de haine et sans amour
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait tous aller à ton enterrement
Je viens moi aussi. Non toi non.
Pour voir si les gens pleurent vraiment,
Comprendre que pour tous, c'est là chose banale
Et voir en cachette l'effet que ça fait.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait aller tous ensemble dans les mercenaires
Je viens moi aussi ? Non toi non.
Là-bas au Congo de Mobutu se faire enrôler
Puis tirer dans les nègres à la mitrailleuse
Chaque tête rapporte à la civilisation.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

On pourrait aller tous en Belgique dans les mines
Je viens moi aussi ? Non toi non.
Voir ce qui se passe quand éclate le grisou
Remonter de beaux cadavres avec les ascenseurs
Ensevelis sous le drapeau tricolore.

Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Je viens moi aussi. Non toi non.
Mais pourquoi ? Parce que non !

LES ANIMAUX

LES ANIMAUX


Version française – LES ANIMAUX – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Gli animaliAlessandro Mannarino – 2014
Paroles et musique : Alessandro Mannarino

Bestiaire


Voici, Lucien l'âne mon ami, une chanson qui devrait bien te plaire. Elle raconte des histoires d'animaux ; On dirait un vrai zoo, ou à tout le moins une ménagerie. Elle devrait figurer dans un bestiaire.


Merci bien, j'aime beaucoup les chansons où il est question des animaux et j'aime aussi les bestiaires. De quels animaux parle-t-elle, celle-ci ?


Elle parle du chien, de l'âne, des chiroptères (plus connus sous le nom de chauves-souris, mais ça n'allait, pas pour la rime), du mulet, du crocodile, des serpents, de l'agnelet, du singe et des poissons…


Ça fait du monde et ce serait peut-être le moment de rappeler aux humains les droits des animaux et spécifiquement, ceux de l'âne par le biais de cette Déclaration Universelle des droits de l'âne  que tu publias ici-même, il y a quelques temps. Je ne voudrais pas qu'elle s'abîme comme un navire qu'un capitaine négligent a oublié au coin d'un océan.


Moi, elle m'a remis en mémoire deux chansons que j'aime beaucoup et qui trouveraient place elles aussi dans un bestiaire des chansons contre la guerre : l'une est une sorte de zoo à elle toute seule, elle s'intitule Les Éléphants et l'autre, à laquelle – comme on le découvrira – il est fait allusion dans la version française ci-dessous, s'intitule « La Maman des Poissons ». Tout comme y trouverait place Le crocodile d'Offenbach , qu'il faudrait bien lui rendre… Rendons à Offenbach, ce qui est à Offenbach ! Mais voilà, il manque un bestiaire dans les parcours des Chansons contre la Guerre ; il y a bien un parcours relevant les chansons où des animaux sont mal traités. Mais le bestiaire, ce serait autre chose ; disons que ce serait le coin des animaux. Il y aurait là aussi par exemple le chameau ou le dromadaire et le chameau, ou le chameau et le dromadaire , sans compter le chat ...


Moi aussi, je les aime beaucoup les nouvelles chansons que tu annonces et j'espère qu'elles seront bientôt dans le bestiaire des Chansons contre la Guerre et bien évidemment, rendons à Offenbach, ce qui lui revient. En attendant écoutons celle-ci et reprenant notre tâche, tissons, tissons le linceul de ce vieux monde trop anthropocentré, trop anthropocentrique, parfois même trop atroce, négligeant les animaux,et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Le chien se soumet
Parce que ça lui plaît
L'âne va d'avant en arrière
De chez lui au cimetière.
Les chiroptères
Évitent la lumière
Le mulet porte le bât
Et ne se reproduit pas
Le crocodile cherche
Toujours une proie
La proie se démène
Pour qu'il la voie
Les serpents pullulent
Comme les saints patrons
Ils changent de vêtements
Ils sont sales dedans, dehors élégants
Faites attention !

Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh

Les gouvernements changent
Mais pas les esclaves
L'agnelet hurle
Et les chiens policiers bavent
Le singe pourpre
A mis son kimono
Il dit qu'il peut parler haut
Avec le Tonnerre Suprême
Dans la forêt, on a construit un grand Dôme
Où les animaux vénèrent l'homme.
Les poissons dans la mer se confondent
Et font le tour du monde
Ils sautent au soleil et baisent dans l'eau profonde

Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh.
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh.
« Grand-père, grand-père, puis-je te poser une question sur notre vie de poissons de la mer ? Pourquoi parfois il y en a un qui disparaît ? »

« Car il a été pris dans le filet du pêcheur. »

« Mais y a-t-il un moyen de ne pas se faire attraper ? »

« Il faut savoir distinguer la lumière des étoiles de celle des lamparos. »

Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh
Oh oh oh, oh oh oh, oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh