mercredi 25 mars 2015

NOUS VENIONS TOUTES DE LA MER

NOUS VENIONS TOUTES DE LA MER

Version française – NOUS VENIONS TOUTES DE LA MER – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson italienne – Venivamo tutte dal mareSusanna Parigi – 2014


Nous venions toutes de la mer
Marchandises à transporter,

Parfaites.
Pour l'occidental piège.





Nous venions toutes de la mer
Marchandises à transporter,
Parfaites.
Pour l'occidental piège.
Nous venions toutes de la mer,
À pas lents le long la frontière,
Sans adresse à déclarer
Car la mer n'a pas de rues,
Ni de portes à numéroter,
Seulement une fenêtre pour regarder
Un ciel nouveau ;
Mais aucune étoile
N'appartient pour nous
Aux constellations d'amour.
Mais aucune terre
N'est promise pour nous
Par un dieu fatigué de naviguer.
Nous venions toutes de la mer
Assez fortes pour ne pas mourir,
Gamines, paysannes, amantes ;
Parfaites.
Nous venions toutes de la mer
Avec des prières, couler,
Sans un nom à déclarer
Car la mer n'est pas un père
Et elle n'a pas de porte de secours,
Seulement une fenêtre pour regarder
Un ciel nouveau ;
Aux constellations d'amour.
Aucune étoile
N'existe pour nous
Et aucune terre
N'est promise pour nous
Par un dieu fatigué de naviguer.
Nous venions toutes de la mer
Marchandises à transporter,

Parfaites.
Pour l'occidental piège.

L'Invitation au Voyage

L'Invitation au Voyage


Chanson française – L'Invitation au Voyage – Léo Ferré – 1957
In Les Fleurs du Mal – Charles Baudelaire – 1857

Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.







Voici donc, Lucien l'âne mon ami, comme je te l'avais promis L'Invitation au Voyage, tirée des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire – un de ces livres libres autant que sulfureux, promis à l'enfer et poursuivi par la justice des bien-pensants, tout comme son auteur.

Dès lors, rien que pour ça, elle a tout lieu de figurer parmi les Chansons contre la Guerre...

Certainement, mais de façon pleine et entière, il s'agit à mes yeux d'une de ces chansons qui sont résolument contre la guerre, au point même d'ignorer la guerre, de la traiter par le mépris. En fait, elle se présente comme une chanson au-delà de la guerre, qui comme L'Âge d'Or  de Léo Ferré (encore lui) raconte un monde où la guerre a été éradiquée, un monde rigoureusement sans guerre… Et dans le cas de l'Invitation au Voyage, ce n'est même pas une utopie. Elle vit dans un de ces trous du temps, un trou du temps tout comme il y a des trous dans l'espace, dont Lorenzo, sans doute, pourrait nous dire bien des choses. Elle se situe ni dans un non-lieu, ni dans un non-temps. C'est l'antonyme de la mort et de la société de cette Guerre de Cent Mille Ans qui ravage tant les vies humaines et détruit l'humaine nation. Suis bien mon raisonnement : premier pas : on ne vit qu'une fois ; deuxième pas, on est là dans un monde malade de la richesse, des richesses et des envies de richesse ; pourtant, vivre peut suffire au bonheur – la vie se suffit à elle-même, point n'est besoin d'artificieuses possessions… Bien au contraire, elles encombrent, elles polluent, elles finissent par étouffer ceux qui les accumulent.

Ô, Marco Valdo M.I. mon ami, je préfère de beaucoup ce « Songe à la douceur »…

Pour en revenir à la chanson, comme je le disais récemment, elle a ceci de très paradoxal d'être une chanson contre la guerre. Je le disais, souviens-t-en, en commentant la version française de la chanson de Tucholsky « Ruhe und Ordnung » . Elle fonctionne un peu à la manière dont Jarry soulignait qu'on trouvait les panneaux routiers annonçant une descente… toujours dans la montée. Ainsi en va-t-il de sorte que les chansons les plus résolument contre la guerre sont des chansons de paix. Ainsi en va-t-il du Temps des Cerises , ainsi en va-t-il de cette Invitation au Voyage. Chaque fois que je m'y replonge, pour moi, le monde guerrier est proprement annihilé, perdu dans les vagues du temps.

Il ne reste plus, dit Lucien l'âne d'une voix pleine de rire, joyeuse, ricochant sur les rayons de soleil, qu'à créer ici, le grand reposoir, l'immense chapitre des chansons de paix. Quant à nous, reprenons notre tâche pacifique et tissons le linceul de ce vieux monde malheureux, pénible, ennuyeux et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.