La
Canzonisation d'Angelina
Canzone
française – La Canzonisation d'Angelina – Marco Valdo M.I. –
2013
Histoires
d'Allemagne 95
An
de Grass 96
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.
Comme
toutes les précédentes, cette Histoire d'Allemagne raconte une
séquence au travers du soliloque d'un narrateur ; ici, il s'agit
d'un journaliste ou d'un chroniqueur – en l'occurrence, Günter
Grass lui-même. Au départ, il devait tirer d'un certain professeur
Vonderbrügge, une sommité internationale dans la génétique
appliquée, les plus scientifiques révélations concernant le
clonage des brebis Megan et Morag. Sans doute, cette année-là, le
Professeur Vonderbrügge était-il trop occupé, sautant d'un congrès
à l’autre, d'un colloque à une conférence... La science n'attend
pas, pas plus que la renommée. Comme les call-girls de Koestler, il
courait après l'une en courtisant l'autre. En fait, le problème
avec ces brebis clonées et les clones en général, c'est –
bioéthique oblige – qu'on pourrait se passer de père. La
procréation sans père... On était en 1996. Depuis...
Bien
évidemment que ça fait problème, même chez nous, chez les ânes.
On a beau être des ânes, on n'aimerait pas trop faire les clones.
Certes,
Lucien l'âne mon ami, je te comprends, mais rassure-toi pour cette
fois, du fait de la défection du professeur, et du fait aussi que
notre narrateur n'y connaît pas vraiment grand chose aux clones, il
va subitement changer de sujet et je dois te l'avouer, je ne l'ai pas
suivi entièrement dans la canzone.
Quoi
!? Tu racontes une autre histoire ?
En
effet, c'est bien ça. Car notre narrateur dans son récit originel
raconte surtout des péripéties familiales, vues et développées
par le pater familias, qu'il est. Bref, une envolée patriarcale
comme peut en faire notre grand écrivain moustachu et ardent fumeur
de pipes. Faut dire qu'il a de quoi raconter avec ses trois femmes,
ses multiples enfants... Sans compter les autres, les putatifs et les
petits-enfants issus de sa propension à la procréation naturelle.
Comme tu le comprends, les clones, ça le fait bondir...
Donc,
si je comprends bien, Marco Valdo M.I. mon ami, dit Lucien l'âne en
grattant le sol devant lui d'un sabot exalté, tu as laissé le récit
du narrateur dans le livre et tu nous en as concocté un autre... Et
si je peux le savoir, es-tu disposé à me dire de quoi il s'agit et
surtout, le pourquoi de cette trahison ?
Comme
tu le sais, Lucien l'âne mon ami, il est une sorte de principe
existentiel qui veut que l'occasion crée le larron. Et c'est
précisément lui qui est tout à trac entré en action ici-même. Je
m'explique. D'un côté, je l'avoue, j'avais du mal à mettre en
canzone cette année 1996 dans la version de Günter Grass et comme
je te l'ai déjà expliqué, une canzone, une chanson comme celles
que je fais en partant de récits d'un auteur, demande un temps de
maturation, parfois longue. Ici, je n'y arrivais pas. Il fallait que
surgisse un déclencheur, une idée, un fil conducteur, un axe
poétique en quelque sorte. Oh, il couvait sans doute depuis
longtemps... Et il a surgit ce dimanche... Tu vas comprendre. D'abord
: combien de fois, n'ai-je pas dit : REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX
GRECS ou encore, combien de fois, n'ai-je pas parlé du « rêve
d'Otto »... C'est une des clés.
Je
commence à comprendre. Mais, Marco Valdo M.I. mon ami, tout cela est
déjà abordé dans les précédentes histoires d'Allemagne ou dans
d'autres de tes chansons... Mais, tu me dis, que c'est une des clés.
Quelles sont les autres ?
Je
dirais plutôt, « quelle est l'autre ? » Eh bien, Lucien l'âne mon
ami, l'autre, c'est tout simplement le résultat des élections
allemandes de ce dimanche et tout le tam-tam qui est fait autour
d'Angela Dorothea Merkel, née Kasner, l'indéboulonnable chancelière
allemande. Du moins, jusqu'à présent.
Mais
tout a une fin...
D'ailleurs,
en soi, elle importe peu. Comme d'autres avant elle, elle est le
véhicule du « rêve d'Otto », qui comme tu l'as bien noté est le
thème central de ces Histoires d'Allemagne. Restait quand même à
trouver une autre clé, celle qui conduit à la canzonisation de
notre héroïne. Et là, je dois bien avouer mon goût pour certain
chanteur populaire de nos régions, tu l'as certainement déjà
entendu, vu qu'il est un producteur de scies et de tubes, tout en
poursuivant sa carrière de trente-six métiers. Bref, c'est en
fredonnant son Angelina que m'est venue enfin cette canzone. J'ai
d'ailleurs conservé – pour le rythme et le clin d'oeil une bonne
citation de l'Angelina d'origine.
Marco
Valdo M.I., mon ami, je vais te prouver ici, illico, sur le champ que
je connais moi aussi cette Angelina du Grand Jojo et te la réciter
du début à la fin :
«
ANGELINA
Elle
faisait des macaronis
Dans
une fabrique de spaghettis
Angelina
Angelina
C'était
la reine de la pizzeria
Elle
avait de beaux cheveux longs
Et
des yeux noirs comme du charbon
Angelina
Angelina
Et
elle jouait bien de la mandolina
Ti
voglio bene
(Ti
voglio bene)
Angelina,
c'est la plus belle
Amore
mio
(Amore
mio)
Y
a des p'tites fleurs sur ses jarretelles
Ma
qu'elle est belle
Dans
sa chemisette en flanelle
O
mama mia
(O
mama mia)
Angelina,
baccia mi
Elle
m'a présenté son papa
Ses
frères, ses sœurs et sa mama
Angelina
Angelina
C'était
la reine de la pizzeria
Oui,
mais ce que je n' savais pas
C'est
qu'ils étaient de la Mafia
Angelina
Et
le lendemain j'ai pris le train
Pour
l'Italie, voir le parrain
O
mama
Zouma
zouma, j'étais là
O
mama
Qu'elle
était chouette, Angelina
O
mama
En
Italie, ça va comme ça
Allez,
tout le monde en chœur et en avant la musica !
Et
le parrain était d'accord
On
s'est mariés, c'était du sport
Entourés
de nos deux témoins
Des
moustachus, des Siciliens
En
voyant sa robe de dentelle
Ils
ont crié "Ma qu'elle est belle !"
Pendant
que moi, j' tenais sa main
Elle
m'a dit oui en italien
O
mama
Zouma
zouma, j'étais là
O
mama
J'aurais
jamais dû faire ça
O
mama
En
Italie, ça va comme ça
Allez,
tout le monde en chœur et en avant la musica ! »...
Bravo,
Lucien l'âne mon ami. Ceci dit, c'est quand même une chanson sur
l'immigration italienne en Belgique... Donc, j'avais trouvé mon
personnage et un substrat musical, suffisamment dérisoire pour
portraicturer ce personnage d'Angelina. Et c'est ainsi que la
Chancelière, incarnant le « rêve d'Otto » est devenue Angelina la
bergère menant les moutons européens droit dans le cauchemar
d'Otto.
Mais
que viennent faire ici le buffle et l'agnelle ? Si tu le sais, dis-le
moi... Donne-moi, là-aussi, au moins une clé...
Lucien
l'âne mon ami, je ne pourrais rien te refuser. Note que là, on
change carrément de registre et de procédé de décapage du vernis
de la bonne et vertueuse société allemande. Alors, la clé
s'appelle Heinrich Böll, auteur des Deux sacrements...qu'il te
faudra bien aller lire pour découvrir le sacrement du buffle et
celui de l'agneau, qui au féminin devient l'agnelle.
Allons,
finissons cette petite conversation et voyons ta chanson et tissons
le linceul de ce vieux monde cauchemardesque, clonesque, angélique,
moutonnier et cacochyme.
Heureusement
!
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Cette
année-là, le professeur
Vonderbrügge
devait me parler
De
Megan et Morag, deux sœurs
Parfaites
brebis clonées
Cependant,
il ne le fit pas.
Je
ne connais pas les clones, moi
Alors,
je parlerai d'Angelina
Déjà
ministre cette année-là
Elle
avait de beaux cheveux blonds
Et
des yeux d'un bleu profond
Angelina
Angelina
Avec
un tempérament de bufflon
Alliance
du buffle et de l'agnelle
Parfaite
Union
Marquée
à l'aune immortelle
Des
deux sacrements germains
Angelina,
d'ex-voto en ex-voto
Accomplit
son destin
Portée
par le rêve d'Otto
Elle
avait un pasteur pour papa
Sa
maman, un frère et sa sœur Irena
Angelina
Angelina
C'est
la reine de la Germania
Angelina
Céleste
agnelle
Au
sourire d'agneau
Au
front de buffle
Portée
par le rêve d'Otto
De
loin, de plus près, des bruits de pieds
Un
troupeau de moutons gris
Brebis
suivant le bélier
Agneaux
suivant les brebis
Avec
l'insouciance moutonnière
Ignorant
les clones sans père
Suivait
Angelina la bergère.
Avec
la même insouciance moutonnière
Des
troupeaux qu'on mène à l'abattoir
Marche
maintenant l'Europe entière
Accomplissant
le rêve d'Otto ou plutôt, son cauchemar.