LE GRAND POÈTE SOVIÉTIQUE MAÏAKOVSKI
ET LA DÉCOUVERTE DE L’AMÉRIQUE
Version française – LE GRAND POÈTE SOVIÉTIQUE MAÏAKOVSKI ET LA DÉCOUVERTE DE L’AMÉRIQUE – Marco Valdo M.I. – 2021
Chanson italienne – (Il grande poeta russo) Majakovskij e la scoperta dell'America – Claudio Lolli – 2006
Texte et musique de Claudio Lolli
Paroles et musique de Claudio Lolli
Sax soprano : Nicola Alesini
Album : La découverte de l’Amérique
Les Hooliganistes communistes
Vsevolod MEYERHOLD,
Vladimir MAÏAKOVSKI,
Kasimir MALÉVITCH
Dialogue maïeutique
Voici, Lucien l’âne mon ami, une chanson dont le titre est en soi toute une histoire. Écoute-moi bien ça : « LE GRAND POÈTE SOVIÉTIQUE MAÏAKOVSKI ET LA DÉCOUVERTE DE L’AMÉRIQUE » ; du moins, c’est celui que j’ai donné à la version française. Je te dirai tout à l’heure pourquoi. Mais avançons : un des pôles de cette histoire est la découverte de l’Amérique et la belle légende des Amérindiens paradisiaques, qui tranquillement installés sur leur terre d’origine et immaculée sont un jour – censément de l’année 1492, découverts.
Oui, dit Lucien l’âne, on raconte aussi, par ailleurs, que ces mêmes Indiens – qui d’ailleurs n’en étaient pas – en voyant arriver les caravelles espagnoles s’écrièrent en voyant venir les étrangers : « Ciel ! Nous sommes découverts ! »
De fait, reprend Marco Valdo M.I., comme le dit la chanson, ils étaient nus. La civilisation chrétienne arrivait ; on allait s’empresser de leur mettre une culotte et de procéder à leur éradication. L’autre pôle est celui de poètes russes qui au temps des Soviets révèrent d’absolu et de paradis, eux aussi. Comme on sait, ni le rêve américain, ni le rêve soviétique n’ont tenté véritablement d’aller vers l’idéal que leurs admirateurs leur prêtaient, ni n’ont empêché ces poètes de se suicider.
En fait, dit Lucien l’âne, c’est l’idéal qui est l’impasse ; il n’y a pas de téléologie. Certes, le monde change, mais de lui-même et le sens de la manœuvre ne peut être défini qu’a posteriori. Pour en revenir un instant aux Indiens, qui n’en étaient pas, ils avaient eux-mêmes envahi le continent quelque temps auparavant et on ne sait trop rien des guerres coloniales qu’ils menèrent les uns contre les autres. Ce n’était évidemment pas une raison de les massacrer ; mais là aussi, n’est-ce pas « la civilisation » en tant que telle avec son mode de vie et tout son bagage qui a amené leur disparition ?
En somme, dit Marco Valdo M.I., on peut très exactement dire où le monde va aller quand il y est allé. D’où l’importance du récit historique. Maïakovski est allé en Amérique (il n’est d’ailleurs pas le seul, comme on sait) et il en est revenu. Ce n’est pas le cas de tous les écrivains russes ; par exemple, Asimov est allé en Amérique et il y est resté et de façon générale, il s’y sentait chez lui. Par contre, on a vu des écrivains allemands ou de langue allemande faire l’aller (exil obligatoire – mettons Bertolt Brecht, Thomas Mann) et revenir ; d’autres, y sont allés et y sont restés – suicidés : Stefan Zweig, Ernst Toller. Klaus Mann qui n’a pas bien supporté ce déracinement forcé, se suicidera au retour en Europe. C’est ce que fera Maïakovski, d’une balle dans le cœur. Le poète futuriste avait cru en la révolution soviétique ; puis, il était allé voir ailleurs – le pays des gens contents, pour voir à tout hasard si. Il avait connu :
« Au-delà des nuages rouges de couleur
D’immenses plaines de la douleur
Qui vit sur vous, comme un toit,
Où survivant vous marchez
Au milieu d’éclairs toujours plus obscurs »
et il s’en était allé voir :
L’économie du capital,
Ce vertige amoral
Entre le bien et le mal.
Et ainsi, on a découvert l’Amérique,
Le paradis des divertissements,
Une terre lointaine et lunatique,
Le pays des gens contents. »
Partout, le désenchantement.
Oh, dit Lucien l’âne, c’est le sort de tous les mystiques, de tous les croyants qui vivent pour l’inaccessible étoile – inaccessible, car inexistante ; au bout du compte, la vie est passée et ils héritent de la mort. Tu parles d’un héritage ! Finalement, les barbeaux de Gilles, dans une chanson que tu avais parodiée en l’intitulant la chanson des chômeurs, d’une certaine manière, avaient raison :
« Nous,
on aime mieux un peu de dérive
Et alors, quoi ? Faut bien
qu’on vive
Faut bien qu’on vive ! »
C’est simple pourtant, Ferré le disait aussi bien :
« On
vit on mange et puis on meurt ;
Vous ne trouvez pas que
c’est charmant
Et que ça suffit à notre bonheur
Et à
tous nos emmerdements. »
Moi aussi, Y en a marre. Résumons : on vit, on meurt et entre les deux, on se démerde. Alors, tissons – Canuts et Pénélopes tranquilles, lents et obstinés, le linceul de ce vieux monde errant, barcolant, louvoyant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Vous voyez d’un côté de l’écran,
De pacifiques indigènes chasser
Ils sont nus, et comme les enfants,
Ils n’ont pas honte de marcher
Car le péché, le « Vous ne pouvez pas ! »,
Ces gens-là ne le connaissent pas.
Et ainsi, on a découvert l’Amérique,
Le paradis des divertissements,
Une terre lointaine et lunatique,
Le pays des gens contents.
De
l’autre côté de l’écran, vous voyez
Des navires nationaux et des bateaux corsaires,
Aux voiles par le vent gonflées,
Avec une terreur qui promet la guerre,
Signe invariable de l’extinction,
Votre vie vit en une main de terre,
Votre mort, dans le canon.
Avec cet ostracisme occidental,
L’économie du capital,
Ce vertige amoral
Entre le bien et le mal.
Et
si vous ouvrez cet écran, vous voyez
Des appareils numériques japonais,
Des photos croisées dans votre esprit
Et Maïakovski, le grand poète soviétique,
Déchirer la joie des jours utopiques,
Car il avait découvert l’Amérique
De ses yeux sceptiques.
Et Essénine son ami prophétique,
Que mourir aujourd’hui n’est pas difficile,
Qu’est mille fois plus difficile
La vie, la vie, la vie chaotique,
Avec cet ostracisme occidental,
L’économie du capital,
Ce vertige amoral
Entre le bien et le mal.
Et ainsi, on a découvert l’Amérique,
Le paradis des divertissements,
Une terre lointaine et lunatique,
Le pays des gens contents.
Mais si on sait aussi traiter le ciel, on voit
Au-delà des nuages rouges de couleur
D’immenses plaines de la douleur
Qui vit sur vous, comme un toit,
Où survivant vous marchez
Au milieu d’éclairs toujours plus obscurs
Ou arrachant au terrain des baies,
On voit la joie des jours futurs.
Car c’est le fruit de l’Amérique,
Ce paradis des divertissements
Où seuls les poètes soviétiques
Meurent d’accablement.
Pour ces larmes de l’Occident
Qui se contentent de la vengeance,
Pour la joie des jours au-delà du présent,
Il n’y a pas d’urgence.