jeudi 22 décembre 2016

JEAN LE VIOLONEUX

JEAN LE VIOLONEUX


Version française – JEAN LE VIOLONEUX – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Il suonatore JonesFabrizio De André – 1971
Texte : Fabrizio De André et Giuseppe Bentivoglio
Musi
que : Fabrizio De André et Nicola Piovani




Toi et moi, Lucien l’âne mon ami, et tous les gens des communes et des villages de par ici savent ce que c’est qu’un violoneux et celui qui ne le sait pas ne sait rien des musiciens populaires, des musiciens de rue et de campagne. Il y en avait jusqu’au Québec comme ce Monsieur Pointu, qui avec son instrument conquit les oreilles et les cœurs de bien des gens dans le monde.

Et comment donc, Marco Valdo M.I. mon ami, que des violoneux j’en ai connus et pour cause, on marchait de concert. Et même, de concert en concert, vu qu’ils allaient de village en village, de hameau en hameau, de bourg en bourg animer les fêtes et les bals. Et moi, moi je suivais ou même, parfois, j’aidais à porter leur personne et leur violon. Ah, pour faire des fêtes, on en a fait des fêtes. Et les filles dansaient, le plaisir qu’elles avaient, le plaisir que leur donnait le violoneux et son violon. Oh, il en a connu de bonnes fortunes, le coquin grâce à son instrument. Pour ce qui est violoneux, j’en ai connus qui venaient de partout. Faut dire que c’est plus facile à transporter que les grandes orgues. Mais dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, le violoneux de la canzone que raconte-t-il ? D’où vient-il ?

Eh bien, dit Marco Valdo M.I., c’est une excellente question. Ho, je t’arrête tout de suite, car je vois à tes yeux moqueurs que tu penses que j’ai répondu « une excellente question » comme un orateur embarrassé qui ne saurait quoi te répondre et qui aurait dit ça pour se donner le temps de réfléchir. Rassure-toi, ce n’est pas le cas. Mais la réponse à ta question peut être très courte ou bien, prendre le chemin de circonlocutions indéfinies. Mais commençons par le commencement : Jean le Violoneux est un violoneux régional, un de ceux qui vivent d’une certaine activité et pratiquent le violon à la manière d’un violon d’Ingres.

Oh, Ingres, Ingres, mais c’était un peintre, ce gars-là ! Il était encore tout jeune quand j’ai passé les Alpes avec lui quand il se rendait à Rome. Un bien beau jeune homme et un peintre qui savait peindre les femmes. Enfin, passons ! Ce que je peux en dire, c’est qu’il jouait du violon comme un violoneux, c’était sa passion cachée, le violon. Évidemment, on l’a su plus tard et on a parlé du violon d’Ingres, précisément pour désigner une passion, disons, un peu collatérale, dont on ne fait pas profession. Le photographe Man Ray, des années plus tard, a réussi à joindre en un joli tableau les deux passions de Monsieur Ingres et a proposé aux regards ravis un très sensuel Violon d’Ingres à la tête enturbannée.


Merveilleux dos, superbe personne, très décent turban, mais on s’égare, Lucien l’âne mon ami, on s’égare. Revenons à Jean le Violoneux, si tu veux bien, Lucien l’âne mon ami. À la différence des violonistes tziganes qui sont des itinérants du spectacle, Jean le Violoneux est un artisan musical amateur et strictement local. Il ne court pas le monde derrière son violon ; il vit, s’essaye à travailler, joue et meurt au pied de la colline où coule la rivière à travers les champs. C’est du cimetière local qu’il nous narre sa vie. Voilà pour notre Jean le Violoneux, incarnation paysanne de culture française du « suonatore Jones » de Fabrizio De André, incarnation paysanne de culture italienne, lui-même incarnation du Fiddler Jones, qu’évoquait Edgar Lee Masters dans sa Spoon River Anthology, publiée en 1916 à New-York ; une anthologie qui décrit post-mortem la vie de plus de 200 personnages, tirés des gens de deux petites villes de l’Illinois – Peterburg et Lewistown, que connut le poète ou dont il entendit parler.

Voyons donc ce Jean le Violoneux que tu nous as concocté et reprenons notre tâche à la durée indéfinie et tissons le linceul de ce vieux monde, que nous mettrons pour l’occasion sous la colline avec Jean le Violoneux et tous les autres cacochymes.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Dans un tourbillon de poussière,
Les autres voient la sécheresse,
Moi, il me rappelle
La jupe de Fanfan
Dans un bal d’antan.

Je sentais ma terre
Vibrer de musique,
C’était mon cœur
Et alors pourquoi la cultiver encore,
La penser meilleure.

Je l'ai vue dormir, Liberté,
Dans les champs cultivés,
Ciel et argent, un jour,
Ciel et amour, toujours,
Protégée par un fil barbelé.

Je l'ai vue se réveiller, Liberté,
Chaque fois que j'ai joué,
Pour un frou-frou de filles
Au bal, à l’hiver, à l’été,
Pour un ami ivre.

Et puis quand les gens savent,
Et les gens le savent que tu sais jouer,
Il te faut jouer
Toute ta vie sans rechigner
Et il te plaît qu’on t’écoute.


J’ai fini chez les macchabées
Avec une flûte cassée
Et un rire secret,
Et tant de pensées,
Et pas un regret.