vendredi 17 avril 2020

Le Prince de Manicomio



Le Prince de Manicomio

Chanson française – Le Prince de Manicomio – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 55

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.


Arlequin et l'amour
Konstantin Somov - 1921


Dialogue Maïeutique



Donc, dit Marco Valdo M.I., « La dernière Scène » et « L’infinie Terreur » étaient les derniers épisodes de cette saga de l’Arlequin amoureux.

Elles racontaient, je m’en souviens très bien, mon ami, dit Lucien l’âne, l’héroïque combat des petits pantins contre les sbires en délire de l’armée de Napoléon. Un vrai carnage !

C’est ça, épouvantablement ça, repend Marco Valdo M.I. ; violentés, violées, battus, torturés, dépecés, assassinés, brûlés, que sais-je encore, mille fois suppliciés, tous ou presque sont proprement défunctés.

Tous ou presque ?, demande Lucien l’âne.

Tous ou presque, dit Marco Valdo M.I., car Arlequin le pantin, dit le Bariolé (qu’il faut distinguer de l’Arlecchino, dit l’Arlequin amoureux, qui n’est autre que Matthias le déserteur, un Arlequin humain), en a réchappé, car il avait été envoyé (par le reste de la troupe) attendre le directeur-déserteur, le ci-devant Matěj Kuře, alias Andrea Sereno, car de l’avis d’Arlequin à l’encontre de celui du reste des petits comédiens, Matthias-Matěj finirait par redéserter et revenir à son point de départ rechercher sa hotte et ses petites personnes, afin de reprendre sa vie d’artiste ambulant, de montreur de marionnettes et d’entrepreneur de spectacles. D ès lors, au moment de l’hécatombe, Arlequin était fort loin.

Ah, dit Lucien l’âne, ça me fait plaisir qu’au moins un d’entre eux en soit sorti vivant et du coup, je suppose qu’il va retrouver son maître.

Sans doute, répond Marco Valdo M.I., peut-on dire les choses ainsi, sauf que c’est l’inverse qui se produit, c’est le contraire qui a eu lieu : Arlequin revenu au point de départ s’était assis sur un banc et rêvassait en regardant voler les chauves-souris au-dessus du marché. C’est dans cette attitude pacifique que Matthias, le directeur-déserteur, le surprit en s’asseyant à côté de lui. Ils restent ainsi un moment jusqu’à ce qu’Arlequin se décide à parler.

Ah, dit Lucien l’âne, ils ne pouvaient rester éternellement silencieux, c’est évident. Mais, dis-moi, que dit Arlequin ?

Pas du tout ce qu’on attendait de lui, répond Marco Valdo M.I., car Arlequin, chemin faisant a réfléchi à son avenir et il annonce sa grande décision : « Je démissionne, je pars à Vérone jouer les amoureux dans la troupe du Prince de Manicomio. »

Pourquoi pas, dit Lucien l’âne, il y a bien d’autres qui ont joué les amoureux à Vérone. C’est même un métier très dangereux que je ne conseillerais à personne, surtout s’il est question du Prince du Manicomio.

Oh, persifleur !, répond Marco Valdo M.I. ; à Vérone, être amoureux ne mène pas nécessairement à la mort violente. Et puis, je vois que tu te méfies du Prince de Manicomio et je me demande pourquoi.

Enfin, Marco Valdo M.I.mon ami, tu sais suffisamment, au moins autant que moi, l’italien pour comprendre que ce Prince du Manicomio n’est rien d’autre qu’un Roi de Cœur, un prince du monde fou, un prince dont le nom peut se traduire par « Le Prince de l’Asile d’Aliénés ».

Ce n’est pas très rassurant, en effet, quand on y songe, dit Marco Valdo M.I.. Moi, je ne m’y fierais pas. Comme de juste et Matthias non plus ne semble pas s’y fier. Et c’est ainsi que l’Arlequin bariolé s’est éloigné de son maître déserteur. Adieu !

C’est donc la fin finale de la petite troupe en bois, dit Lucien l’âne. J’en suis tout émotionné. Cependant, il nous faut continuer – Le Spectacle continue ! Alors tissons le linceul de ce vieux monde atteint de rougeole, de polio, de tuberculose, d’ébola, de grippe, du palu, infesté et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Arlequin au malheur seul survit
Et veut rejoindre le déserteur-directeur.
Mais avant l’heure, c’est pas l’heure ;
Mais après l’heure, tout est fini.

Arlequin le Bariolé a pris
Le droit chemin du pays.
Sur le chariot d’un roulier,
Il s’en est allé.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Il a son temps, sa science de patience ;
Sur un banc, il attend sans impatience
Le retour de Matthias et sourit
Se balançant au vol de la chauve-souris.

Arlequin et son maître, en bonne entente
Méditent et regardent sans rancœur
Le ciel où depuis toujours, nul rien ne régente.
L’homme seul est l’ouvrier de son bonheur.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Maestro principale, je démissionne.
Où vas-tu aller, le Bariolé ?
Le Prince de Manicomio me réclame à Vérone.
À Vérone ? Personne ne te réclame en vérité.

Maestro, venez à Vérone tout à l’heure.
Le prince de Manicomio engage des tas d’acteurs.
Venez avec moi jouer les amoureux.
Arlequin, je ne peux. Alors, cher directeur, adieu !

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.