SIDI ABDEL ASSAR D’EL HAMA
Version française – SIDI ABDEL ASSAR D’EL HAMA – Marco Valdo M.I. – 2022
au travers de la version italienne de Riccardo Venturi
d’une chanson alémanique (Berna) – Dr Sidi Abdel Assar vo el Hama – Mani Matter – 1970
Texte
et
musique :
Mani Matter (1936-1972)
Une ballade orientalisante qui, par un jeu subtil de mots et de sonorités, ironise sur les lieux communs du monde arabe qui étaient aussi les nôtres autrefois. En fin de compte, il s’agit d’attaques contre la culture occidentale, en particulier la culture suisse. Cette chanson a une place permanente dans le répertoire scolaire suisse-allemand. Il en existe de nombreuses couvertures. Un éternel débat interculturel.
« Deux beaux yeux a entrevus »
Dialogue maïeutique
Ceci est une curieuse chanson, Lucien l’âne mon ami, comme on va s’en apercevoir. Elle a quelque chose d’oriental ; on dirait un de ces contes comme on raconte Shéhérazade dans les Contes des Mille et une Nuits ; une sorte de fable à la fin morale où on découvre l’aventure manquée du sentimental Sidi et de son fantasme inabouti. Le nom complet de Sidi – Sidi Abdel Assar d’El Hama – en est le titre ; elle fut créée et interprétée vers 1970 par Mani Matter, l’avocat chanteur bernois le plus célèbre.
Je vois, dit Lucien l’âne. Rien qu’à lire le titre, je peux prédire qu’il y aura des gens pour accuser Mani Matter de racisme et pour demander, exiger la disparition de cette chanson. C’est une manie à la mode actuellement. De façon générale, je me pose une question : comment connaître le passé, qui est forcément différent du présent, si par avance, on rejette la différence. Comment montrer par exemple toute l’horreur des croisades si on en cache ou on en efface les traces ? Si on veut ignorer combien Godefroid de Bouillon était considéré comme un héros, comment comprendre ces épisodes passés ? Comment comprendre le fascisme si on veut passer sous silence l’adulation qui était portée à son Guide, le Duce, par une grande part de la population du pays où il se pavanait ?
Sans doute, dit Marco Valdo M.I., y a-t-il en ce monde toutes sortes de gens et toutes sortes d’histoires et toutes sortes de chansons, le tout mis ensemble constitue la culture de l’humanité. Le bon, le mauvais, tout est mélangé : les jolies fleurs et le fumier. Et comment dire, la culture (humaine), c’est comme la culture (horticole, agricole…), c’est un tout comme la nature et comme pour la nature, éliminer une partie de la connaissance entraîne un appauvrissement général de la compréhension. Et puis, ce qui a été, a été. D’une certaine façon, il est bon de garder trace des horreurs, afin que plus jamais, elles ne se répètent.
Oui, c’est un beau programme, répond Lucien l’âne. Écoutons la chanson et puis, passons outre à ces restrictions, ignorons par avance les censeurs et tissons le linceul de ce vieux monde châtreur, sinistre, stérile, autodestructeur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Sidi Abdel Assar d’El Hama,
Un matin tôt, encore en pyjama,
Devant la mosquée, dans sa rue,
Deux beaux yeux a entrevus
Et de son drame, ce fut le début.
C’était la fille de Mohamed Mustafa.
Abdel Assar n’en dormit pas, et le lendemain,
Chez Mohamed se présenta.
De sa fille, il demanda la main
Et offrit cent chèvres pour l’épouser.
Mohamed a répondu : « Par Allah
Jamais je ne vendrais ma fille, elle est trop belle.
C’est possible, je crois,
Si tu me donnes deux cents chamelles ;
Pour moins, je ne la céderai pas. »
Là, Abdel Assar répond : « O sidi,
Je n’achète pas une reine.
Des femmes moins belles,
Plus humbles et plus amènes,
J’en trouverai dans le pays. »
Mais quand la nuit tomba sur le Sahara,
Il vit la lune brillante et sereine,
Il repensa, l’âme en peine,
Aux yeux cernés de mascara
Et se dit : « Ah, si j’avais plus de carats… »